Chez les Missionnaires d’Afrique

Chez les Missionnaires d’Afrique, les Instructions aux missionnaires du cardinal Lavigerie prononcées en mars 1878 constituent l’essentiel de la formation pour les Pères Blancs de l’Afrique équatoriale170. Le texte est au départ le discours du cardinal adressé aux premiers missionnaires avant leur départ pour Zanzibar. Mais le discours, parce qu’il résume les principes chers à l’ordre, devient un texte de référence qu’il s’agit de suivre en mission ; ces instructions doivent être lues une fois par mois et « chaque missionnaire devra en avoir une copie écrite de sa propre main ». Seule figure parmi les premières instructions l’étude des langues locales :

« La connaissance de la langue indigène est indispensable pour la prédication ; il est donc nécessaire que les missionnaires s’y forment le mieux et le plus promptement possible. Dès qu’ils seront désignés pour la mission, ils devront consacrer à cette étude tous leurs moments de loisir (..) dès que la chose sera possible et au plus tard six mois après l’arrivée dans la mission, tous les missionnaires ne parlent plus entre eux que la langue des tribus desquelles ils résident (..) l’un des missionnaires, si le Père Supérieur ne peut pas se charger de ce soin, soit appliqué, pendant une ou deux heures par jour, à la composition d’un dictionnaire, au moyen de ses conversations avec les indigènes et des questions qu’il leur adressera sur la valeur des différents mots171 ».

Cette « pastorale de la ressemblance » nécessite donc d’observer et de mieux connaître les populations qui vont recevoir l’évangile. Elle implique aussi une meilleure connaissance des lieux. D’ailleurs, le cardinal impose..

« ..l’obligation de faire tenir un journal quotidien par l’un des missionnaires. Ce journal peut être du plus haut intérêt, surtout pendant les voyages et même en station, si l’on y rapporte fidèlement tout ce qu’on apprend des indigènes sur l’histoire, la géographie, les mœurs, etc. de l’Afrique de l’intérieur (..) vingt-cinq ou trente lignes environ suffiront chaque jour (..) matière à de très utiles publications qui honoreront l’Eglise et la mission ».

Enfin et avant la dernière instruction, l’auteur rappelle..

« ..quelques observations scientifiques qu’il est possible de faire à très peu de frais comme sont les observations d’histoire naturelle, de géographie, de géodésie, de géologie, pour lesquelles une boussole, un baromètre, un microscope et un peu d’attention suffisent. Il faudrait seulement avoir les premiers éléments de ces diverses sciences et, pour cela, procurer les livres élémentaires aux Pères qui voudraient y consacrer une partie de leurs loisirs172 ».

Auparavant, le cardinal Lavigerie aura pris soin d’encourager ses missionnaires à lire « les ouvrages de Burton, de Stanley et surtout Livingstone » car ils contiennent « quelques renseignements précieux qu’il faudrait relever d’avance et que l’on pourrait ensuite facilement vérifier sur place ». Cette remarque évoque la mise en place d’une préparation à l’apostolat, et en Afrique noire plus particulièrement. Mais si cette formation a été assurée dans la Maison Carrée d’Alger, elle ne dévoile pas ce qui a pu concerner la cartographie ou la géographie. En l’absence de manuel vraiment complet sur la région, le dernier récit d’exploration passe pour l’étude la plus riche et les missionnaires y apprendront sans doute davantage que dans les ouvrages des géographes de l’arrière.

Notes
170.

GAPANGWA Ntezirayo, Les origines de la mission du Tanganyka (1878-1914), Rome, 1983, Thèse. C’est aussi le cas pour les sœurs blanches. Voir FRICOTEAUX Sœur Louise, « La formation au sein d’un institut missionnaire féminin : les sœurs blanches au XXè, in CREDIC, Science de la mission et formation missionnaire au XXè, Actes XII session du CREDIC, Vérone, août 1991, Lyon, 438 p.

171.

Cardinal LAVIGERIE, « Premières instructions aux Pères Blancs de l’Afrique équatoriale », mars 1878, pp.155-156, Ecrits d’Afrique, Paris, Bernard Grasset, 1966.

172.

Ibid., p.162