Conclusion

La comparaison des cartes missionnaires montre une certaine homogénéisation au cours de la période. Un style cartographique propre à la mission se met en place et impose ses règles parmi lesquelles figurent les éléments suivants : un espace de mission situé sur les marges du monde connu, une colonisation rapportée dans ses moindres progrès, un intérêt manifeste pour les populations à la fois cibles et raisons d’être de la mission, une priorité pour rendre compte de l’évangélisation, sur un territoire vierge d’où ont disparu protestants et musulmans. Plus que jamais, ce genre de carte offre un espace de projection que tous les amis des missions peuvent se représenter, avec les sons exotiques des toponymes africains et l’image de la figuration. La mission est tangible et crédible.

En définitive, les cartes du missionnaire relatent davantage un espace voulu qu’un espace perçu ou parcouru, car les représentations spontanées du début sont rares, ce qui au passage accroît leur valeur. Les informations sont sélectionnées selon leur intérêt pour l’apostolat, définissant alors une cartographie utilitaire. Moyen d’améliorer la mission, les cartes sont aussi la preuve du travail accompli. En privilégiant le réseau de stations sur les éléments physiques ou humains, le missionnaire fait le choix d’un espace naturel africain en cours d’organisation sous l’effet d’une évangélisation européenne. Ainsi, l’espace du missionnaire est un espace en devenir, qui passe d’un équilibre social traditionnel, caractérisé par le désordre et menacé par le paganisme à un autre, moderne, organisé et placé sous la protection du Christ. Toutes les cartes promettent implicitement ce passage, aux populations autochtones comme aux bienfaiteurs des missions qui se réjouissent quand apparaissent les limites, les frontières, les noms européanisés et christianisés quand ils sont adoptés. Les cartes missionnaires se lisent selon un questionnement : où en est la mission ? C’est-à-dire quels progrès lui reste-t-il à accomplir avant de contrôler tout l’espace. Le point de vue est celui du lecteur assuré du succès, à proche ou long terme, de l’entreprise catholique. Pour ces raisons, la cartographie missionnaire doit donc être distinguée des autres.