Conclusion

La revendication, la compétition et l’appropriation sont finalement trois moments clés du phénomène de territorialisation des missions, bien qu’ils ne se produisent pas systématiquement. Objet convoité des congrégations, enjeu de leurs rivalités, chasse gardée, le territoire de mission reste le centre de toutes les préoccupations. Ainsi, l’espace pour la congrégation est avant tout un espace de propriété, délimité, à protéger. Pour l’affirmer, les congrégations mobilisent la cartographie, rendue partisane. L’attitude, au départ catholique, s’observe sur les documents protestants à partir du XXè.

L’examen des cartes des congrégations met en valeur l’existence de réseaux qui relient à l’intérieur de la mission les différentes stations, de la plus ancienne, souvent littorale à la plus récente à l’intérieur du continent. La moindre fondation est une pièce de l’édifice qui assure un relais dans le réseau ;sa tête est commandée depuis l’Europe au siège de la congrégation et ses terminaisons sont les stations les plus inaccessibles. Cette approche de l’espace, réaliste et organique, s’oppose à celle de Rome, théorique et géométrique, qui découpe et administre des surfaces. En cela, elle préfigure le XXIè, c’est-à-dire selon Paul Claval, un monde de réseaux auquel ne correspondent plus les cadres territoriaux continus660. Le v.ap., responsable de la mission, doit donc conjuguer les deux approches et rendre des comptes conjointement à sa congrégation et à Rome.

Notes
660.

CLAVAL Paul, La géographie culturelle, Paris, Nathan, 1995, p.355. L’auteur évoque l’inadéquation entre le monde des réseaux et celui des politiques culturelles « pensées pour des cadres territoriaux continus ».