Par le choix d’une représentation globale et distancée

Les atlas rendent compte de la connaissance sans cesse améliorée du continent africain. C’est pourquoi ils ne lui consacrent qu’une seule carte dans les années 1870, puis deux dans les années 1880, et davantage ensuite à mesure que l’échelle s’agrandit735. Dans les années 1930, les atlas de missions proposent une Afrique découpée en une dizaine de cartes au 1/10.000.000è. Pourtant le sujet n’évolue guère et reste centré sur le découpage. La délimitation semble plus importante que la mission elle-même ; les atlas insistent sur les frontières mais ne rendent pas compte du déploiement exact des missionnaires que pourrait montrer la localisation des stations ou des postes qu’ils fréquentent. Les seules informations restent le nom de la mission, sa résidence et ses limites. L’argument avancé par le RP Werner dans son Katholischer-Missionsatlas est économique :

« Il ne nous a pas été possible de donner dans nos cartes place à toutes les stations pourvues de missionnaires ; nous avons dû nous contenter d’indiquer les plus importantes. Dans beaucoup de mission, en effet, le nombre de chrétienté est si considérable que leur énumération eût exigé beaucoup de cartes spéciales et considérablement augmenté le prix de l’ouvrage »736.

En se focalisant sur l’assemblage général des missions, couvertes de loin, les atlas abandonnent aux congrégations l’échelle locale, intérieure à chaque champ d’apostolat, sur laquelle elles seules disposent des informations. La connaissance du terrain, ainsi que le véritable déploiement missionnaire dans les stations reste une information accumulée par les congrégations qu’elles protègent jalousement. Elles les dévoilent dans leurs propres ouvrages737. Plus que jamais, les atlas de missions offrent un point de vue distancé, qui valorise plus la vision d’ensemble que les détails, c’est-à-dire celui adopté par l’organisation qui centralise. Ces choix s’opèrent dans la légende au moment de représenter la hiérarchie : les cartes des missionnaires intègrent les catéchistes, ce qui accroît l’empreinte du catholicisme et élargit sa base ; en revanche, les atlas se contentent des chefs-lieux de la mission, ce qui réduit l’empreinte mais identifie mieux sa tête. Plus la hiérarchie s’enrichit localement de nouveaux échelons et plus semble nécessaire une image claire et simplifiée de la mission dans les atlas.

Notes
735.

L’atlas de Streit en 1913 couvre l’Afrique par cinq cartes. Celui de Boucher en 1928 lui en consacre sept. Dans l’atlas de l’Istituto geographico deagostini de 1932, on compte neuf cartes, puis douze dans l’At lante cattoliche delle missioni cattoliche de 1947.

736.

Préface, traduite dans l’édition française, in GROFFIER Valérien, Atlas des missions catholiques, Lyon, 1886, 20 cartes.

737.

Ainsi l’atlas jésuite, CARREZ (Lud.), Atlas geographicus Societatis Jesu, Dufrénoy, 1900 ; celui des Pères Blancs, Nos missions ; atlas historique, Société des missions d’Afrique-Pères Blancs, Maison carrée, 1931, 32 planches.