La publicité de l’exposition

L’exercice qui vise à restituer l’exposition vaticane à tous ceux qui ne l’ont pas visitée est délicat. C’est une forme visuelle qui a été privilégiée, celle d’un recueil de graphiques et de statistiques. Traduit dans toutes les langues et diffusé dans tous les pays catholiques, il doit montrer l’état de l’évangélisation et justifier la geste missionnaire au plus grand nombre en présentant les enjeux. Son auteur, le RP Streit, présente la mission :

« Le règne de Dieu sur les hommes. Voilà 1.726 millions d’hommes qui appartiennent à Dieu, qui sont sa propriété, son domaine, en vertu du droit naturel, d’après lequel toute chose est à son maître, tout enfant à son père (..). Eh bien ! de tous ces hommes, 1.043 millions ne reconnaissent en fait aucune légitimité à ces revendications (..)

Le règne du Christ sur les hommes. De ceux qui composent le genre humain, 60,42 % ne reconnaissent point le Christ comme le fils de Dieu. Ce chiffre signifie donc pour Jésus Christ un empiètement sur son patrimoine, une injustice, une atteinte à sa royauté (..)

C’est à la lumière de ces chiffres que l’œuvre des Missions de la Sainte Eglise se dresse devant nous, dans toute son étendue et toute son importance. L’œuvre des Missions, c’est la lutte pour le règne et les droits de Dieu ; c’est la propagation de la vraie foi pour le salut et la bénédiction de l’humanité »794.

L’idée d’une foi originelle, perdue depuis, n’est pas absente. Ainsi, à propos des 1.043 millions,..

« ..pourquoi ces âmes ne nous appartiennent-elles plus comme autrefois ? Pourquoi se sont-elles séparées et restent-elles loin de nous ? »795.

Dans cet ouvrage les graphiques remplacent parfois les planisphères ainsi que les tableaux statistiques jugés sans doute illisibles pour le grand public(Cf. Annexe 23 : une représentation graphique de l'évangélisation ). La plupart désigne davantage l’humanité que la terre elle-même pour dresser un bilan planétaire de l’évangélisation796. Le catholicisme est annoncé en tête des religions, devançant cette fois les bouddhistes. En revanche, le paganisme, mieux connu, reste plus important et sa « voie ténébreuse » l’emporte sur la « voie lumineuse » de la croix. L’ouvrage multiplie les techniques pour mobiliser les lecteurs : un graphique entretient l’esprit de compétition, caractérisé par l’urgence et le suspense ; un autre présente un monde résolument bon ou mauvais, de manière pédagogique ; un troisième donne l’impression que l’armée missionnaire mène un combat inégal, pour générer une sympathie naturelle et l’adhésion aux missions. Comme les cartes, ces graphiques sont donnés à voir, selon un parcours parfois ludique. Visuels, ils contribuent à marquer les esprits. A aucun moment, l’ouvrage ne mentionne les congrégations qui se fondent toutes dans l’armée missionnaire. C’est la volonté romaine de présenter une force uniforme, soudée et disciplinée ; elle s’oppose radicalement à celle de la Propagation de la Foi dont les palmarès statistiques associés aux grandes cartes sur la hiérarchie entretenaient la compétition. Ainsi, grâce aux missions, qui n’arrêtent pas d’augmenter, l’Eglise poursuit sa marche conquérante et son expansion sur le monde.

L’ouvrage est aussi l’occasion de rappeler les services rendus par la mission à la connaissance géographique. Les missionnaires sont présentés comme d’infatigables voyageurs ; « ils ont entrepris les premiers de traverser les mers inconnues et frayé la route au sein des pays étrangers. La Croix a ouvert les routes du monde », et les missionnaires portent le message du Christ sur tous les continents (Cf. Annexe 24 : une représentation des voyages missionnaires ). A l’époque moderne, ils sillonnent la terre entière. A l’époque contemporaine c’est au pôle nord qu’ils installent la croix, « jusqu’aux extrémités de la terre » 797.

L’effet produit par l’exposition missionnaire est prolongé par une série de mesures qui confirment l’intérêt du Saint-Siège pour les missions. En 1927 est créée l’agence FIDES. Elle fait paraître chaque semaine des informations sur le monde catholique collectées auprès de centaines de correspondants dans le monde entier. En 1929, les accords du Latran prévoient le lancement d’une radio propre : radio Vatican est créée deux ans plus tard798. En 1930, les Missiones catholicae sont refondues à partir de statistiques plus rigoureuses. Après 1935, un Guide des missions catholiques799, placé sous le haut patronage de la congrégation de la Propagande, dresse en trois volumes, toute l’étendue du champ missionnaire. Toutes ces mesures contribuent à la prise de conscience d’une notion, la catholicité.

Notes
794.

STREIT R., Les missions catholiques ; statistiques et graphiques des missions catholiques d’après l’exposition missionnaire vaticane, Desclée de Brouwer et Cie, Paris, 1928, p.16.

795.

I bid., p.20.

796.

L’ouvrage compte 82 graphiques et illustrations. Quinze portent sur l’humanité, répartie en groupes religieux. 15 planisphères sont néanmoins utilisés pour établir la répartition de l’armée missionnaire. Trois planisphères résument l’expansion de l’Eglise catholique. Un autre rappelle les voyages d’exploration dans les temps modernes.

797.

Cette image du pôle nord illustre le passage biblique selon lequel « sur toute la terre leur voix a retenti et leur parole est parvenue jusqu’aux extrémités du monde » (Ps XVIII, 4). Elle nous offre une belle réinterprétation d’une découverte scientifique à des fins religieuses : en effet, l’image réutilise l’association de la croix et de l’espace. Localisée sur le pôle nord, la croix est assimilée au magnétisme naturel de la région, que les scientifiques ont démontré. En utilisant les lignes astronomiques des 85°N, 80°N, 70 °N, comme des vagues de rayonnement, l’image montre un catholicisme qui irradie le monde.

798.

La radio émet au départ en ondes courtes. Mais en 1936, l’Union internationale de la radio lui autorise à titre spécial une émission sans limite géographique. Durant la seconde guerre mondiale, la radio accède aux ondes moyennes et utilise quatre langues différentes.

799.

Guida delle Missioni cattoliche, 1934. La version française est imprimée par les soins de l’Œuvre désormais Pontificale de la Propagation de la Foi.