Le Bulletin de la Société de géographie

Le bulletin relate sobrement les découvertes des missionnaires 813, et seulement dans la mesure où ils offrent des nouveautés. Ainsi, on rapporte les travaux des Allemands Krapf et Rebmann, d’après le Church Missionnary Intelligencer en 1853. On mentionne indistinctement les articles parus dans le Journal des missions évangéliques814 ou dans les Annales de la Propagation de la foi. Pour la Société, catholiques et protestants, Français et Allemands disparaissent derrière la figure de l’explorateur car tous contribuent à accroître la connaissance du monde. Cette attitude a valu à la Société un reproche sur son manque de patriotisme. Ainsi, répondant aux critiques sur l’importance exagérée accordée aux croquis de Livingstone, le secrétaire général Maury affirme en 1857 ..

« la géographie en fait son profit, et elle sera toujours reconnaissante envers ceux qui enrichissent si largement son domaine (..) la science ne connaît pas d’esprit de nationalité et elle rend loyalement justice à ceux qui la servent, quels que soient leur cocarde ou leur drapeau »815.

Il n’est donc question de la mission que ponctuellement, selon l’originalité de ses découvertes. Celles du RP Léon des Avanchers, Franciscain, délégué de Mgr Massaja, v.ap. d’Afrique centrale, font l’objet d’une attention toute particulière car le missionnaire était chargé d’ouvrir une voie entre Zanzibar et Kaffa. Le voyage a bénéficié d’une bonne publicité grâce au soutien que lui apporte Antoine d’Abbadie, explorateur et ami des missions, qui confie personnellement la lettre au Conseil de la Société816. Le RP Duparquet est un correspondant habituel du Bulletin à qui il adresse de longs récits sur les régions encore inexplorées du Kacongo, du Zaïre ou du Damaraland817. Lus en séance plénière, ils portent sur la pénétration commerciale et politique au centre de l’Afrique. Les cartes jointes sont alors le fruit d’une coopération entre les explorations du missionnaire et le savoir-faire cartographique d’un explorateur ou d’un géographe818.(cf :   Le Damara   Quanhama et l’Ovampo   Voyage en Oukami  ) A partir de 1900, le nouveau périodique de la Société, la Géographie, se veut plus scientifique et laisse encore moins de place aux travaux missionnaires819. L’Afrique est considérée davantage comme un terrain d’étude, pour la géographie physique, la géologie, l’ethnologie. Les cartes sont plus grandes, à plus grande échelle et plus nombreuses, mais celles des missionnaires plus rares. En réalité, la revue ne parvient pas à écouler les nombreux croquis provenant d’Afrique, le plus souvent produits par des militaires ou des administrateurs : ils relatent des voyages de reconnaissances, des itinéraires et la délimitation des frontières. La contribution missionnaire se réduit à quelques travaux, comme celui du RP Dubrouillet sur l’Ogooué en 1910820.(cf :   Itinéraires du RP Dubrouillet sur l’Ogôoué   ) L’article qui l’accompagne atteste d’une démarche scientifique car le missionnaire a enregistré ses informations grâce à des instruments de mesure (Cf. Annexe 25 : une cartograph ie missionnaire scientifique, Dubrouillet ). De plus, la carte utilise les connaissances glanées auprès des populations locales. Cettedémarche que l’auteur résume par l’expression « topographie par renseignements » lui vaut de nombreux toponymes, et un avantage certains d’un point de vue linguistique sur les croquis d’explorateurs, généralement incomplets et la plupart du temps faux ! Plus juste, plus exacte, la carte de Dubrouillet se veut aussi plus précise : dressée au 1/300.000è, elle correspond bien au type de carte attendu par la Société. Enfin, parce qu’elle présente trois itinéraires pour accéder à la station de Lambaréné, elle offre des informations essentielles à tous ceux qui considèrent l’Ogooué comme la principale voie de pénétration française vers l’intérieur de l’Afrique821.

Notes
813.

Sept articles les concernent lors des deux premièresséries de 1822 à 1843, quatre lors des 3è et 4è séries de 1844 à 1861. A partir de 1862, l’entrée « mission » disparaît au profit de quelques auteurs. La mission religieuse est alors remplacée par la mission commerciale, dont celle des Lyonnais, accomplie en 1894, qui remporte le prix de la Société en 1899.

814.

Par exemple, une des premières cartes publiée est de Casalis : « Au nord des Bassoutos », in BSGP, 1è série, 1836, VI, p.318. Elle retrace le voyage accompli par les RRPP Arbousset et Daumas.

815.

BSGP, 4è série, 1857, XIII, p.26. Six mois plus tard, la Société décerne sa décoration au missionnaire-explorateur. Auparavant, le géographe Malte-Brun a rendu personnellement compte de ses voyages par de nombreux croquis. Quinze ans après, le secrétaire de l’époque, Charles Maunoir résume ses explorations en rappelant son scénario à propos des sources du Nil : « Explorations de Livingstone » in BSGP, 6è série, 1872, IV, p.449.

816.

Carte du « Pays oromo ou Galla » in BSGP, 4è série, 1859, XVIII, p.153. L’article évoque une découverte assez inédite : des tribus « presque blanches » existeraient au centre de l’Ethiopie, vivant dans des villes et disposeraient de livres. Ceci alimente le mythe médiéval du royaume du prêtre Jean.

817.

« Kacongo » in BSGP, 6è série, 1873, VII, p.530 ; « Zaïre » in BSGP, 6è série, 1876, XII, p.412. « Lettres sur le Damaraland » in BSGP,6è série, 1880, XX, p.459.

818.

Les cartes de Duparquet sur «  Le Damara   », MC-1880-367 et le «  Quanhama et l’Ovampo   », MC-1880-405 sont réalisées avec l’aide de M. Dufour. C’était aussi le cas du «  Voyage en Oukami  », MC-1873-382, élaborée par le RP Horner et M. Dhéré.

819.

Sur l’ensemble des tables des séries 1 à 4, de 1900 à 1939, seuls les missionnaires spiritains Briault et Dubrouillet sont mentionnés.

820.

«  Itinéraires du RP Dubrouillet sur l’Ogôoué  » in La géographie, 1è série, 1910, XX, pp.291, 295, 299. L’article qui accompagne la carte sert surtout à justifier la démarche du missionnaire.

821.

C’est sans doute l’information principale que retiennent les lecteurs, pour laquelle l’article ne fait aucune référence.