L’image d’un espace éphémère

La mission est un espace en constante évolution. De très grande taille au départ, le territoire se morcelle à mesure que progresse son exploration et se déploie le réseau de stations. Il se divise et se subdivise jusqu’à atteindre la taille jugée suffisante pour encadrer la population et se transformer en diocèse. Il est alors possible d’évaluer un « rythme de parcellisation », non pas pour mesurer la vitesse de morcellement mais pour juger combien d’années une mission reste un territoire inchangé à l’intérieur de ses limites. Pour l’ensemble des circonscriptions ecclésiastiques de l’Afrique subsaharienne, de 1840 à 1955, ce laps de temps se porte à vingt ans environ935. Cette durée peut sembler longue pour une génération, mais brève quand il s’agit d’un territoire. Ce n’est aussi qu’une moyenne qu’il faut s’empresser de relativiser par deux remarques : sur un plan chronologique, si durant les quarante premières années les grands V.A. ne connaissent pas de modifications, ils se morcellent ensuite rapidement et le mouvement s’accélère auXXè; sur le plan géographique, ce phénomène est plus net dans les zones plus peuplées de l’Afrique centrale et équatoriale que dans les déserts de l’Afrique tropicale où se maintiennent plus longtemps de vastes champs de mission. Néanmoins, l’intégrité territoriale d’une mission reste brève. Dans ces conditions, toute cartographie présentant une mission dans ses limites institutionnelles a une durée de vie limitée. Représentant un espace éphémère, la postérité de la carte est hypothéquée, de surcroît si le nom de la mission -et titre de la carte- a été modifié. Certaines congrégations peuvent rappeler au nom d’une grandeur passée l’immensité des premiers champs qu’ils ont reçu à moissonner, dans leurs atlas. Mais ce genre cartographique qui n’est jamais désintéressé vise d’autres objectifs que le seul entretien du souvenir936.

Notes
935.

Le résultat est obtenu grâce à la chronologie proposée par Delacroix. En comparant les dates de modifications des circonscriptions, soit les divisions ou les cessations et en évitant les seuls changements de statut qui ne modifient pas le territoire, il est possible de calculer le nombre d’années pour chaque M., P.A. et V.A., durant lesquelles il conserve la même empreinte territoriale. La limite chronologique pour arrêter la durée se situe entre 1950 et 1955 : la plupart des missions deviennent alors des diocèses.

936.

Cf. infra Chapitre X : Une attitude alimentée par les atlas des congrégations. L’atlas des Pères Blancs proposent les missions d’Afrique équatoriale dans leur situation initiale et avant le « démembrement » : Nos missions ; atlas historique, société des missionnaires d’Afrique-Pères Blancs, Maison carrée, 1931, 33 planches ; l’Atlas de la Société de Jésus rappelle la répartition universelle et la surface inégalée des missions de la première Compagnie : CARREZ J.P. (Lud.), Atlas geographicus Societatis Jesu, Dufrénoy, 1900.