Chapitre 1. Cadre historique : la langue arménienne, histoire, variations et typologie

1. Données historiques : l’arménien classique

Ce qui nous intéresse particulièrement ici, c’est d’évoquer les origines de la langue arménienne, ainsi que sa place dans la grande famille des langues indo-européennes. Plusieurs étapes ont été nécessaires aux linguistes pour parvenir à une classification définitive.

L’évolution de la langue arménienne dépend, peut-être encore plus que pour les autres langues, de l’histoire mouvementée du peuple arménien, qui découle d’une géopolitique instable et complexe. Ce que l’on désigne par Arménie est un territoire qui n’a cessé d’être modifié au cours des siècles, si bien qu’aujourd’hui l’actuelle République d’Arménie ne représente qu’une infime partie de l’Arménie historique 1 . Celle-ci, gouvernée par de grandes dynasties, a été sans cesse tiraillée, divisée, influencée par les civilisations voisines.

‘[...] trop accessible aux incursions venues de l’ouest et surtout de l’est, trop éparpillé pour résister à une invasion venant des deux côtés, le pays n’a souvent connu qu’indépendance éphémère, partages et depeçages. Les chassés-croisés de populations et l’enchevêtrement des nations qui ont résulté des guerres et des conquêtes, la dispersion précoce et, surtout, la disparition, à la suite du génocide de 1915, des Arméniens d’Anatolie orientale, le cœur du « pays » arménien, où ils ont été remplacés par les Kurdes, compliquent encore la question de la délimitation de l’Arménie historique. (Mouradian, 1995 : 6)’

Selon Nichanian (1989), les premières traces de la langue arménienne semblent remonter à la période allant du Xe au VIe siècle avant J.-C., dans la région s’étalant du lac de Van jusqu’à la plaine de l’Ararat. Puis l’arménien aurait pris ses caractéristiques classiques dès le IIIe siècle avant J.-C. Quant aux premières traces écrites, elles n’apparaîtront qu’au Ve siècle après J.-C., comme nous le verrons un peu plus loin.Ainsi, comme le remarque Nichanian (1989 : 23) :

‘L’histoire de cette langue s’étend donc tout de même sur une période de deux millénaires et demi au total, dont un millénaire et demi de témoignages écrits.’

A l’instar d’autres langues, c’est à travers les premiers écrits que les linguistes se sont peu à peu intéressés à la langue arménienne.

Notes
1.

Selon Mouradian (1995), à l’origine, ce qui est appelé le plateau arménien s’étend sur environ 300 000 km² et surplombe les plateaux anatolien et iranien. Il est aujourd’hui partagé entre la Syrie, l’Iraq, l’Iran, la Turquie, l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan. L’Arménie est la plus petite des républiques de l’ex-URSS et ne représente, avec le Haut-Karabagh, qu’un dixième du plateau arménien historique.