2.1.4. L’impression des locuteurs

En interrogeant les locuteurs de chaque variante, nous avons noté que cette différence de systèmes phonologiques semblait être parfaitement perçue par la plupart d’entre eux. Autrement dit, ils ont l’air d’avoir conscience des changements de prononciation qu’il peut y avoir d’une famille dialectale à une autre.

Ceci est particulièrement flagrant chez les participants orientaux. Quand on leur demande comment ils perçoivent la prononciation occidentale, ils n’hésiteront pas à l’imiter, pour montrer notamment l’opposition entre les sons voisés et non voisés. Le problème est que cette parodie, sur un système dont ils ne maîtrisent pas les règles de variation, peut les pousser à produire, de façon involontaire, des énoncés erronés d’un point de vue articulatoire, c’est-à-dire des énoncés dont la prononciation n’est pas attestée dans la variante occidentale. C’est ce que nous verrons par la suite.

Cette imitation semble en revanche beaucoup plus difficile à entreprendre pour les locuteurs OCC, étant donné que le système oriental est plus complexe et plus riche d’un point de vue articulatoire, donc plus délicat à reproduire. Notamment, ils ne sont pas capables de produire des consonnes tendues voire glottalisées, qui sont une des caractéristiques de prononciation de tous nos locuteurs d’arménien oriental originaires d’Iran.

La différence entre les deux types de locuteurs réside dans le fait que la plupart des locuteurs OR interrogés perçoivent les changements phonologiques et arrivent à les reproduire, tandis que la plupart des locuteurs OCC ne les perçoivent pas et ne parviennent pas à les reprendre puisque, d’un point de vue articulatoire, les traits spécifiques sont absents de leur système, et sont donc difficiles à produire.