2.2.1.5. Ressemblances, dissemblances, croisements entre les deux familles dialectales

En présentant tous les tiroirs verbaux qui nous intéressent, l’intérêt est de mettre en avant les points de divergence qu’ils soient sémantiques ou structurels, qui vont obligatoirement poser problème lorsque les deux familles dialectales vont se retrouver en contact.

Ainsi, les deux systèmes sont relativement similaires, mais pour certaines structures, chaque variante d’arménien se distingue de l’autre par des caractéristiques qui lui sont propres :

Par ailleurs, on constate rapidement que certaines structures verbales sont identiques et possèdent la même valeur aussi bien en arménien oriental qu’en arménien occidental. En revanche, les choses se compliquent lorsqu’apparaissent des formes verbales différentes pour exprimer la même notion de temps-aspect-modalité, ou encore des croisements dans la répartition des formes, c’est-à-dire une structure identique ayant un certain sémantisme en arménien oriental, et un autre sémantisme en arménien occidental.

Voici la situation résumée sous forme de tableau avec les cinq degrés de distance possibles :

Pour constituer ce tableau, nous nous sommes attachée, d’une part, aux formes que prenaient les verbes (identification des morphèmes de TAM), et d’autre part, aux sens de ces formes, en regardant à chaque fois si elles/ils étaient identiques, similaires ou différent-e-s d’une variante à l’autre. Nous avons ainsi relevé différentes combinaisons possibles :

Ainsi, lorsque nous procéderons à l’inventaire des formes verbales dans le corpus, nous considérerons ces dernières comme communes, donc ne faisant partie d’aucune variante en particulier. Elles ne seront donc pas distinctives.

La nuance qui existe entre ces deux types de futur est relativement mince et il nous semble difficile de faire une réelle différence entre les deux. Lors du dépouillement du corpus, nous partirons du postulat que le locuteur de chaque variante emploie cette forme avec le sens de base qui est attribué au sein de sa variante, et lorsque nous aurons des doutes quant à l’interprétation dus à des tentatives d’adaptation de la part d’un participant, nous essayerons de les élucider grâce au contexte.

Dans le corpus, nous essayerons de voir si les locuteurs de chaque variante emploient les formes qui y sont attendues, ou non ; la proximité articulatoire provoquant une distinction peu claire et non systématique.

Ainsi, ce que nous regarderons dans le corpus, c’est la façon dont sont employées ces formes : est-ce que chaque locuteur va utiliser la construction verbale selon le sémantisme de sa propre variante, ou sera-t-il capable d’utiliser la même structure en adoptant le sémantisme de la variante opposée ? Pour avoir la réponse à ces questions, nous nous référerons systématiquement aux énoncés en contexte.

Dans un tel cas, il sera passionnant d’étudier si les locuteurs ont conscience de l’existence d’une autre forme que la leur pour représenter un temps, et si oui, est-ce qu’ils essayent de l’employer ou non. D’ailleurs, un temps tel que le présent figurera certainement parmi les plus abondants dans nos données authentiques, et nous regarderons, chez chaque locuteur, la forme qu’il prendra le plus fréquemment. Nous expliquerons le dépouillement du corpus plus en détail dans un deuxième temps.

Parmi tous les tiroirs verbaux qui nous intéressent, nous observons cinq grands degrés de différences qui vont nous permettre d’évaluer l’attitude des locuteurs. Ainsi, nous avons vu que d’un côté de l’échelle un même temps pouvait être exprimé dans les deux variantes d’arménien par une forme unique et identique (degré 1 du tableau), et que de l’autre côté, il était possible d’avoir deux formes radicalement différentes pour représenter le même temps (degré 5). Entre ces deux extrémités, nous retrouverons soit des formes complètement ou relativement proches pour des notions qui sont assez semblables (degrés 2, 3), soit finalement une seule et même structure pour représenter deux temps bien opposés (degré 4).

Il ne restera donc plus qu’à voir au sein du corpus comment chacun des locuteurs gère son système verbal et de quel côté de l’échelle il va s’orienter.

Notes
47.

Remarquons juste une différence de prononciation attendue (inversion des consonnes occlusives) pour le morphème p’it’i ~ bidi, tout comme pour le morphème gǝ ~ kǝ.

48.

Sans oublier, là encore, la différence de prononciation.