2.2.2.1. L’hypothèse

Nous venons de voir que, parmi les cinq cas existant en arménien, deux sont radicalement différents d’une famille dialectale à l’autre, il s’agit de l’ablatif et du locatif, et un troisième varie uniquement quand le nom est au pluriel, il s’agit du génitif. Ce sont en particulier ces variations casuelles qui vont nous intéresser dans notre étude. En effet, tout comme les prévisions émises sur le système verbal, nous estimons qu’il est possible de formuler les mêmes pour le système nominal, et que tout comme le premier, celui-ci se prêtera à adaptations.

L’adaptation la plus attendue pourrait porter sur les formes à l’ablatif. Ici, nous avons deux affixes bien distincts, et si le locuteur d’une variante connaît le morphème de l’autre variante, il pourra toujours tenter de remplacer l’un par l’autre. Donc il s’agit finalement d’un simple échange entre deux suffixes qui ont la même distribution et qui endossent les mêmes rôles sémantiques.

La deuxième adaptation possible paraît moins évidente. En effet, pour le locatif, l’échange n’est pas réciproque : là où l’arménien propose un affixe casuel (en -um), l’arménien occidental laisse une place vide, occupée par un morphème zéro, puisque le cas locatif n’y existe pas en tant que tel. Donc l’opération, qui n’est plus un simple remplacement, semble plus délicate à mener : identifier une fonction et sélectionner le morphème correspondant, pour un locuteur OCC qui tenterait de parler un dialecte oriental, et laisser un vide en supprimant le morphème, pour un locuteur OR qui tenterait de parler un dialecte occidental.

La troisième adaptation porte sur une specificité du système nominal, puisqu’il s’agit de l’affixe du génitif/datif qui, pour le pluriel des noms réguliers seulement, prendra une forme particulière en arménien occidental. Le morphème -i attesté partout ailleurs dans les deux variantes 56 sera remplacé dans certains cas par le morphème -u. Autant dire que le locuteur qui oserait s’aventurer dans un tel degré de complexité du système dialectal voisin pourra être qualifié de spécialiste de ce dernier 57 .

Ainsi, en nous basant simplement sur des critères purement distributionnels, c’est-à-dire sans prendre en compte dans un premier temps le degré de compétence des locuteurs, nous pouvons établir un continuum des adaptations attendues pour le système nominal, la première étant la plus attendue et la troisième la moins. Nous vérifierons toutes ces hypothèses dans notre corpus.

Notes
56.

Pour la première déclinaison, somme toute la plus répandue.

57.

Ou alors de simple chanceux !