Concernant le lexique, nous nous bornerons à analyser le vocabulaire d’origine arménienne ou bien intégré dans les deux standards. Ainsi, nous ne nous intéresserons pas aux emprunts effectués au français, langue de pays d’accueil, puisqu’ils ne seront pas pertinents pour caractériser les deux variantes d’arménien. En revanche, ce qui peut être passionnant à observer, c’est évidemment le stock dialectal qui est différent d’un locuteur à un autre selon sa provenance. Du côté des locuteurs OR, comme nous l’avons déjà évoqué, il n’y a qu’une seule origine, tous les participants étant des Arméniens d’Iran. Nous pouvons donc penser que, sans compter les différences de compétence, ils partageront le même lexique et auront ainsi un certain nombre de termes directement empruntés à l’iranien, et faisant plus ou moins bien partie de leur dialecte courant. Du côté des locuteurs OCC, cette fois-ci, les origines sont certes différentes, mais nous retrouvons tout de même une base commune agrémentée des spécificités dialectales de chacun.
Nous essayerons donc de voir si les locuteurs des deux variantes d’arménien ont conscience des différences lexicales qui peuvent exister et s’ils font l’effort d’employer des termes qui ne font pas partie de leur propre dialecte 74 . A ce niveau-là, nous risquons tout de même d’observer par ailleurs des emprunts effectués au français, qui peuvent être là dans le seul but d’améliorer l’intercompréhension. En effet, si l’un des participants veut rendre sa langue plus accessible au locuteur de l’autre variante, mais d’une part pense que le terme utilisé habituellement dans son propre dialecte ne sera pas compris de son interlocuteur, et d’autre part ne connaît pas son équivalent dans le dialecte opposé, il pourra préférer utiliser le terme français, code qui sera partagé par les deux parties (pas forcément de façon égale bien sûr).
Nous pourrions ainsi formuler l’hypothèse suivante : moins un locuteur maîtrise le système opposé, plus il aura tendance à ne pas s’aventurer dans l’utilisation d’un lexique différent. Alors, soit il conservera son propre vocabulaire, ce qui peut comme toujours causer des incompréhensions ou des malentendus, soit il aura recours au français, terrain certes neutre, mais qui pourra être perçu plus ou moins négativement par les interlocuteurs. Nous vérifierons tout cela dans notre corpus.
Si le locuteur adaptant a une compétence élevée dans sa propre variante, la compréhension du lexique de la variante opposée sera facilitée.