1.1. Les thèmes et leurs domaines

La sociolinguistique est un domaine extrêmement riche et comporte un certain nombre de thèmes qui retiennent l’attention des chercheurs. Parmi eux, les plus étudiés sont les suivants : le plurilinguisme, la diglossie et les contacts de langues, les variations linguistiques, les politiques linguistiques... Ces notions sont volontairement imprécises, chacune d’entre elles ouvrant un champ de recherche immense. En ce qui concerne notre objet de recherche, il se situe à la croisée de certains de ces thèmes, dont nous allons rapidement découvrir les sous-domaines d’appartenance. Pour ce faire, ne cherchant pas à développer tous ces domaines, nous nous appuyons sur une synthèse établie par Boyer (2001) qui présente six des principaux domaines dans lesquels s’illustre la sociolinguistique contemporaine :

1) L’analyse de la variation sociolinguistique au sein d’une communauté linguistique ou d’un groupe

Ce domaine a été développé par Labov pour décrire « les fonctionnements sociolinguistiques des variantes d’une même forme, d’un même phénomène (par exemple les réalisations d’un phonème, la variation d’une structure grammaticale, etc.) » (Boyer, 2001 : 19), selon un certain nombre de facteurs externes (vs internes à la langue), tels que l’âge, le sexe, le milieu socio-culturel... Ce champ a notamment été exploré pour le français par Gadet.

2) L’analyse des phénomènes liés aux contacts de langues dans les situations de migrations

Les migrations, qu’elles soient internes ou externes, provoquent l’émergence de phénomènes sociolinguistiques intéressants à étudier, qui sont dus au fait que deux ou plusieurs langues entrent en contact dans un contexte particulier. Par exemple, c’est ce qui se passe quand la langue des migrants entre en contact avec la langue du pays d’accueil.

Ces études portent ainsi soit sur des communications exolingues, c’est-à-dire entre des locuteurs des deux différentes communautés linguistiques, par exemple le groupe de migrants et le groupe de natifs, soit sur des communications endolingues, c’est-à-dire entre membres du même groupe de migrants. Les migrants ont « des usages sociolinguistiques à la mesure de la modification de leur répertoire linguistique » (Boyer, 2001 : 19). Sur ce thème, il y a eu beaucoup de travaux concentrés en Suisse, menés notamment par Lüdi, Py ou Deprez.

3) L’analyse de la dynamique sociolinguistique des conflits glossiques , ou plus globalement l’analyse des situations diglossiques

Il s’agit du cadre de la ou plutôt des diglossies, c’est-à-dire pour Boyer (2001 : 18) des « distributions [entre autres] inégalitaires des fonctions sociales de deux ou plusieurs langues dans une même société ». Nous exposerons les différentes écoles existantes, dont Fishman, Lüdi ou Aracil font partie.

4) L’analyse des phénomènes de créolisation et étude des créoles

Ce domaine étudie historiquement les nouvelles langues des esclaves qui ont été créées des suites du contact avec les langues des colons. C’est ce que l’on appelle également le métissage linguistique, surtout étudié par Chaudenson et Manessy.

5) La sociolinguistique appliquée à la gestion des langues

Il s’agit d’établir des typologies de politiques linguistiques, c’est-à-dire différents modèles de gestion institutionnelle des langues, dont le but, grâce à la contribution de certains spécialistes, est de donner par exemple à ces langues une forme standard avec un ensemble de règles grammaticales, un système d’écriture à une langue à tradition orale, une réforme de l’orthographe... Ces politiques linguistiques se chargent également de l’officialisation et de la diffusion de ces (nouvelles) normes fixées. Ce domaine a surtout été exploité en France par Boyer, Calvet ou Maurais.

Boyer présente ces cinq domaines comme étant les plus étudiés en sociolinguistique et les plus centraux. Mais d’autres sous-disciplines, qu’il considère comme étant plus périphériques, existent également. Une de celles-ci, qui est primordiale pour nous, se trouve être :

6) L’analyse sociolinguistique des interactions verbales

Ce domaine, abordé entre autres par Gumperz, prend une orientation micro(socio)linguistique. Ce courant se préoccupe certes des locuteurs et de leurs caractéristiques sociales, mais il s’intéresse surtout à la façon dont ils interagissent ensemble. Selon Gumperz (1982 : 33) :

‘Une approche de la conversation axée sur le locuteur […] met directement l’accent sur les stratégies qui gouvernent l’emploi par l’acteur des connaissances lexicales, grammaticales, sociolinguistiques et autres dans la production et dans l’interprétation de messages en contexte.’

Il propose donc comme méthode de travail de recueillir des interactions authentiques, pour analyser une situation qui semble conflictuelle d’un point de vue sociolinguistique.