3.4.2. Mode d’apprentissage

Pour notre étude, nous nous inspirons du schéma présenté par Lüdi et Py (1986 : 18), que nous convertissons en tableau à double entrée (p.162). Pour chaque locuteur, sont indiqués dans quel milieu (naturel vs scolaire) ainsi qu’à quelle période (avant la scolarité, pendant l’adolescence, adulte) et de quelle manière (simultanée vs successive) les langues ont été acquises.

Pour cet inventaire, nous nous intéressons à l’acquisition des deux langues, le français et l’arménien, chaque locuteur ayant par défaut pour l’arménien un dialecte d’origine qui sera spécifié dans une des colonnes du tableau. Nous avons également réservé une colonne pour une éventuelle acquisition de la deuxième variante d’arménien.

Ce qui caractérise d’emblée nos locuteurs, c’est qu’aucun d’entre eux 105 n’a acquis deux langues simultanément, étant donné que même pour ceux nés ou arrivés en France étant bébés, le français ne faisait pas partie au départ de la sphère familiale. Ils ont donc tout d’abord acquis leur propre dialecte d’arménien avant le début de leur scolarité, de façon informelle, au sein de la famille, au quotidien, et dès le plus bas âge. Les deux parents étaient de langue dominante arménienne. Dans notre échantillon de locuteurs, nous n’avons pas de cas de couple mixte, avec un parent arménien et un parent français, qui pourrait expliquer la possible simultanéité de l’acquisition des deux langues.

Puis dès leur entrée à l’école, on leur a enseigné la variante arménienne correspondant à celle de leur pays d’origine et/ou une toute autre langue correspondant à la langue du pays d’origine ou d’accueil. Selon l’histoire de chacun, les locuteurs les plus anciens se sont vus enseigner l’arménien et la langue du pays d’origine (le turc, l’iranien...), et n’ont appris le français qu’en tant que langue étrangère, au cours de l’adolescence (pour Cathy et Lida) ou une fois adultes, arrivés en France, tandis que les plus jeunes arrivés ou nés en France ont uniquement et directement appris le français à l’école.

Wei (2000) propose une liste de termes qui permet de décrire différents types de sujets bilingues. Nous l’utilisons pour compléter notre description. Nos locuteurs sont donc des bilingues successifs, puisqu’ils ont appris les deux codes l’un après l’autre, les plus jeunes étant des bilingues précoces (early bilingual) vs ceux qui sont arrivés en France à l’âge adulte étant des bilingues tardifs (late bilingual). Ils sont également bilingues dominants (vs équilibrés), c’est-à-dire qu’ils ont plus de connaissances dans une des deux langues et s’en servent plus souvent (selon les locuteurs, il s’agira tantôt de l’arménien, tantôt du français). Enfin, ils sont bilingues diagonaux, c’est-à-dire qu’ils sont bilingues dans une langue non-standard ou un dialecte (arménien) et une langue standard (français) qui n’a aucun lien avec la/le premier-e.

Certains locuteurs parmi ceux qui ont eu une bilingualité précoce et consécutive ont finalement bénéficié de deux éducations monolingues en parallèle, ne parlant que la langue maternelle à la maison, et la langue du pays d’accueil seulement à l’école. Ceci s’est produit durant les premières années d’apprentissage, la langue seconde s’imposant naturellement de plus en plus à domicile.

Pour notre étude, nous nous sommes inspirée du schéma présenté par Lüdi et Py (1986 : 18), que nous convertissons en tableau à double entrée. Pour chaque locuteur, nous indiquons dans quel milieu ainsi qu’à quelle période les langues ont été acquises. Nous nous intéressons ici aux deux systèmes de langues, c’est-à-dire l’arménien et le français. La distinction majeure va porter sur le milieu propice à l’appropriation de ces langues. L’acquisition est faite soit en milieu naturel, soit en milieu scolaire.

Voici le tableau 106 que nous reprendrons lors de la présentation des locuteurs (cf. Chapitre 4) :

Notes
105.

Sauf Gilles qui a appris simultanément l’arménien et le turc, avant même d’être scolarisé.

106.

Certaines cases « ? » n’ont pu être renseignées.