1.1.2. Représentativité du corpus

La constitution de tout corpus pose entre autres le problème de sa représentativité. Est-il représentatif d’un genre de discours particulier ou des situations de contact de dialectes ? Dans notre cas, peut-on en tirer un certain nombre de généralités à partir de son fonctionnement et de son contenu ? Pour les besoins de notre étude, nous avons choisi d’établir deux types de corpus : un corpus que l’on appelera macro et un autre corpus, qui en est extrait, que l’on appelera micro.

Le corpus macro contient tous les enregistrements effectués, dans plusieurs situations, avec divers participants et sur plusieurs périodes. Il a été écouté dans sa globalité à plusieurs reprises pour permettre de mettre en avant les tendances générales quant au déroulement des interactions dans la situation particulière de contact de langues que nous avons choisie, c'est-à-dire une situation qui confronte deux variantes d’une même langue, donc des systèmes linguistiques proches, et qui se déroule en contexte de diaspora. Le corpus micro correspond, quant à lui, à une sélection de passages issus du corpus macro, passages qui ont bénéficié d’une transcription et d’une traduction pour pouvoir être analysés en détail. Aucune de ces deux entités ne nous permettra de tirer des généralités pour décrire une situation de contact de dialectes mais, en se plaçant dans un rapport de complémentarité, elles offriront toutes les deux leurs avantages. Le corpus macro, par son nombre d’heures et sa variété de situations, permet de fournir certaines tendances générales quant au fonctionnement de la situation de contact décrite dans ce travail. Le corpus micro, lui, se focalise sur un type de phénomènes qui, comme nous le verrons plus tard, n’est pas le plus fréquemment attesté dans le corpus macro, et pourrait même être considéré comme « marqué ». Il s’agit du phénomène d’adaptation. C’est d’ailleurs parce qu’il est « marqué » que ce phénomène va particulièrement nous intéresser lors du travail d’analyse. En effet, le corpus macro indique que les adaptations sont rares, et nous verrons dans l’analyse que parce qu’elles sont rares, elles ont un effet interactionnel maximal.

Les comportements langagiers des participants observés dans ce travail sont spécifiques à la situation étudiée, mais également à leurs histoires et vécus personnels et aux relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Tous ces facteurs internes ou externes font de cette situation une situation originale et difficilement transposable. En revanche, ce qui pourra montrer un certain intérêt sera la méthodologie adoptée pour traiter l’ensemble de ces données. Celle-ci pourra ainsi être réutilisée dans d’autres situations possédant les mêmes caractéristiques, à savoir des situations dans lesquelles des systèmes linguistiques proches se trouvent en contact (en contexte de diaspora).

L’ensemble du corpus que nous avons constitué correspond à ce que l’on a coutume d’appeler en linguistique de corpus 128 un « corpus spécialisé » par opposition aux « corpus de référence », qui se doivent d’être suffisamment étendus pour être représentatifs (par exemple pour la constitution de grammaires ou de dictionnaires). Le corpus spécialisé, lui, se limite à une situation de communication et s’intéresse à des phénomènes particuliers, c’est le choix que nous avons effectué. Toutefois, dans notre cas, nous pourrions même dire que le corpus macro est en quelque sorte un corpus de référence (de cette situation particulière) et que le corpus micro, lui, est un corpus spécialisé, orienté en fonction de notre objectif de recherche. Il ne reflète pas la tendance du corpus (macro) de « référence », mais surreprésente le phénomène d’adaptation que nous cherchons à décrire. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’il n’est pas très représenté dans la totalité des données, que ce phénomène n’est pas représentatif de la spécificité du type d’interactions qui nous intéresse. Nous envisagerons donc ce qui se passe quand il n’y a pas d’adaptations, mais nous chercherons avant tout à comprendre le fonctionnement de l’adaptation, en tant que phénomène « marqué », qui aura un effet interactionnel maximal.

Notes
128.

Voir Habert et al. (1997).