Comme pour l’écrit, les productions orales se répartissent, selon leurs caractéristiques communes, dans des genres différents. Partant des textes écrits, rappelons qu’il existe deux sortes d’objets qui correspondent tous deux au concept de « genre », et que Kerbrat-Orecchioni et Traverso (2004) ont baptisé G1 et G2, le premier regroupant « des catégories de textes plus ou moins institutionnalisées dans une société donnée » (en référence aux « genres littéraires »), le second désignant des « “types” plus abstraits de discours caractérisés par certains traits de nature rhétorico-pragmatique, ou relevant de leur organisation discursive » (2004 : 42). Transposés à l’oral, les G1 correspondent à « des types d’interactions ou d’événements de communication attestés dans une société donnée (colloques, entretiens d’embauche, interviews, etc.) » (2004 : 43), appelés aussi speech events ou communicative events en ethnographie de la communication. Les G2, quant à eux, relèvent du niveau « mésotextuel », c'est-à-dire qu’ils sont situés entre les niveaux « macrotextuel » (interaction globale) et « microtextuel » (tours de parole ou actes de langage), et sont appelés « types d’activités (discursives) ». La plupart du temps, les G1, définis majoritairement par des critères externes, sont composés de plusieurs types de G2, définis essentiellement par des critères internes. Mais il est également possible qu’un G2 prenne le statut de G1, lorsqu’il occupe la plus grande partie du G1.
‘Il peut se faire qu’un G2 soit promu en speech event s’il en vient à se « dilater » de manière à s’étendre sur la macro-structure de l’événement (par exemple : les termes « récit », « négociation », « conseil », « éloge », « explication », etc., peuvent désigner aussi bien des fragments d’interactions génériquement homogènes, qu’au niveau supérieur, des types d’interactions qui sont essentiellement constituées de ce seul type de discours). Mais ce cas est plutôt exceptionnel. (Kerbrat-Orecchioni et Traverso, 2004 : 44)’Afin de pouvoir se servir de cette distinction terminologique, il est important de retenir le caractère impur et hybride des genres de l’oral. Si nous appliquons cette terminologie à notre corpus, nous pouvons dire que tous les enregistrements ont un G1 commun, que nous appelerons « les interactions privées ». Celles-ci sont la plupart du temps provoquées par les invitations lancées par le couple H, invitations qui se distinguent des simples visites (improvisées ou prévues) par leur caractère plus cérémoniel.
‘L’invitation possède néanmoins toujours un caractère plus cérémoniel que la simple visite, et l’obligation plus ou moins prégnante (selon les groupes sociaux, la relation entre les partenaires et l’importance de l’invitation) d’apporter un cadeau en est un rappel. (Traverso, 1996 : 16)’Au sein de cette catégorie, nous avons des sous-G1 ou des G2 (selon la place qu’ils occupent à l’intérieur de l’interaction) qui seraient les suivants, selon les enregistrements :
Les conversations sont plus ou moins familières selon les participants en présence. Ainsi, entre les membres de la même famille et avec l’évêque ou le prêtre de l’église arménienne, le caractère de la conversation ne sera pas le même : il sera plus ou moins informel et « léger » et la complicité entre les locuteurs y sera plus ou moins importante. La conversation est une interaction symétrique (chaque participant peut accéder au statut de locuteur) dont l’alternance des tours de parole n’est pas pré-déterminée (vs par exemple l’interview) et qui a une finalité interne, c'est-à-dire que le but premier d’une telle interaction est de maintenir et d’enrichir le lien social entre les participants.
Les bénédictions religieuses enregistrées ici semblent afficher, quant à elles, deux statuts distincts, selon la finalité globale que va prendre l’interaction. Pour les distinguer, il nous est nécessaire alors d’introduire la notion de module (qui pourrait être tantôt « religieux », tantôt conversationnel) dans des interactions typiquement hybrides où un genre domine sur un autre. Vion (1992) parle de cette notion de module, justement dans le cas de la conversation, pour distinguer un type d’interaction principal d’un type minoritaire :
‘On parlera de module conversationnel pour désigner un moment de conversation intervenant à l’intérieur d’une interaction, comme pour la consultation par exemple, et de conversation, pour désigner une interaction, où ce type fonctionnerait de manière « dominante » en définissant le cadre interactif. (Vion, 1992 : 149)’Parmi les composantes présentes dans l’interaction, on parle donc de module à partir du moment où il est possible d’établir une sorte de hiérarchie entre elles, l’une étant obligatoire et l’autre facultative ou l’une étant dominante et l’autre dominée. Nous avons deux types d’enregistrements qui sont concernés par ce mélange de genres :