2.1.1.2. Adaptations réussies

Sur les 1078 items arméniens, on relève un nombre total de 161 adaptations effectives, toutes strates linguistiques confondues, c’est-à-dire des adaptations aussi bien au niveau phonétique, que morphosyntaxique et/ou lexical, ces différentes dimensions pouvant être amenées à se combiner.

Sans regarder en détail les différentes combinaisons possibles, nous avons relevé :

Après avoir noté quels étaient les domaines linguistiques les plus touchés par les adaptations, il est important d’examiner leur taux de réussite.

Amorce d’interprétation : ces tentatives d’adaptation au dialecte opposé sont d’une part des signes d’une motivation certaine de la part des locuteurs. En effet, pour montrer un désir d’empathie ou une forme de respect à leur interlocuteur, ils essayent d’utiliser les éléments qu’ils pensent connaître de la variante voisine. D’autre part, la réussite de ces adaptations permet de maximiser l’intercompréhension, de la rendre plus confortable puisque sans adaptation, rappelons-le, l’intercompréhension reste possible. En revanche, le seul frein à la compréhension mutuelle, mis à part tout élément propre à l’interaction verbale que l’on peut retrouver dans une interaction monolingue, sont les adaptations non-réussies. Si celles-ci constituent des formes qui ne sont attestées ni dans une variante, ni dans l’autre, et ne sont pas reconnaissables par les interlocuteurs concernés, alors elles pourront ponctuellement être sources de malentendus, mais elles ne remettent pour autant pas en cause la motivation des locuteurs les ayant produites.

Comme nous l’avons précédemment détaillé, nous avons attribué trois annotations possibles pour les adaptations : réussie, non-réussie et incomplète/partielle. Ces annotations ont été portées pour chaque item adapté, sur les niveaux linguistiques concernés (répartis sous forme de colonnes), c’est-à-dire uniquement sur ceux qui comportaient des traits distinctifs, donc une différence potentielle, d’une variante à l’autre. Ces annotations pouvaient ainsi concerner, selon les cas, une colonne ou plusieurs colonnes de façon simultanée, au choix parmi les niveaux lexical, morphologique, phonétique et syntaxique. Ce système de codage nous permet de repérer plusieurs informations, à propos des strates linguistiques concernées. Nous pouvons directement savoir :

Le graphique suivant permet de voir la répartition de la réussite par rapport au nombre total d’adaptations tentées :

Ces données sont extrêmement intéressantes à analyser. Nous nous rendons compte, que toutes dimensions linguistiques confondues, 71% des adaptations tentées par les locuteurs adaptants (toutes variantes confondues) sont réussies, c’est-à-dire que les formes adaptées sont attestées telles quelles dans la variante opposée. Dans ce sous-corpus, les locuteurs adaptants réussissent donc le plus souvent les adaptations qu’ils tentent.

Nous relevons par ailleurs 12% d’adaptations incomplètes, qui se produisent uniquement aux niveaux phonétique et morphologique. Au niveau lexical, toutes les adaptations tentées sont entièrement réussies, et au niveau syntaxique, comme nous l’évoquions précédemment, les quatre tentatives qui sont faites échouent. Les adaptations phonétiques et morphologiques faisant partie de cette catégorie sont donc incomplètes ou partielles, c’est-à-dire qu’elles ne portent que sur une partie de l’item adaptable. Par exemple, au niveau phonétique, l’adaptation est partielle si sur deux (ou plus de) phonèmes adaptables au sein du même item (simple ou composé), un seul est adapté selon le système phonologique opposé. Et au niveau morphologique, l’adaptation est partielle si elle ne porte par exemple que sur une partie d’un morphème discontinu adaptable.

Quant aux 17% restants, ils reflètent les adaptations non-réussies, c'est-à-dire celles qui ne sont attestées ni dans la variante-cible ni dans la variante-source.

La représentation suivante permet de voir la répartition, par dimension linguistique, de la réussite des différents types d’adaptation :

Sur la totalité des adaptations tentées, nous pouvons voir en détail dans quels domaines les adaptations sont les plus réussies. La phonétique est une fois de plus le domaine le plus concerné. Rappelons qu’elle était déjà le domaine le plus touché par les tentatives d’adaptation (57%), sans évaluation du degré de réussite. C’est au sein du domaine le plus exploité pour les adaptations que les tentatives sont les plus réussies (36%).

Les adaptations sont morphologiques dans 26% des items adaptés, et il est à noter que 19% (sur la totalité des items adaptés) de ces adaptations sont parfaitement réussies. Ceci a le mérite de montrer que des adaptations à ce niveau-là sont tout à fait réalisables, ce qui, étant donné les différences morphologiques mises en avant lors de la présentation des deux systèmes arméniens, ne paraissait pas aller de soi. Nous détaillerons un peu plus loin les catégories morphologiques touchées par ces adaptations.

Il est enfin à noter que les adaptations lexicales ont la particularité d’être toutes réussies, c'est‑à-dire que les 15% que représentent les adaptations lexicales sur la totalité des tentatives sont des formes attestées à l’identique dans la variante-cible.

Nous ne revenons pas sur les adaptations phonétiquement et morphologiquement incomplètes, qui représentent respectivement 8% et 4% des adaptations tentées.