2.2.2. Analyse détaillée par variante et par locuteur

2.2.2.1. Analyse par variante

Rappelons l’hypothèse de départ, formulée après comparaison des systèmes phonologiques des deux variantes d’arménien : les locuteurs d’arménien oriental font plus d’adaptations (consonantiques) phonétiques que les locuteurs d’arménien occidental, étant donné que leur système phonologique englobe le système phonologique de l’arménien occidental.

Le graphique qui suit nous permet d’approfondir un peu plus l’analyse des données. Rappelons que presque une forme sur deux présentes dans le corpus peut varier phonétiquement, mais que contrairement à toute attente, il n’y a pas autant d’adaptations phonétiques que prévu au niveau consonantique. Il est important alors de voir de quelle manière sont réparties ces formes potentiellement variables et donc adaptables. Sont-elles présentes de façon égale chez les locuteurs OR et occidentaux ou sont-elles représentées de façon déséquilibrée ? Pour que notre étude puisse être là encore pertinente, il serait souhaitable que la répartition entre variante soit quasi équivalente.

Nous constatons que les unités phonétiquement adaptables du corpus sont presque aussi nombreuses chez les locuteurs OR (52%) qu’occidentaux (48%), la différence peu importante entre les deux groupes étant certainement due au léger décalage dans la répartition initiale. Si nous regardons les données toujours plus dans le détail pour connaître la répartition des différents types d’adaptations phonétiques possibles, voici ce que nous obtenons :

Nous remarquons plusieurs faits intéressants :

  • il existe autant de formes qui peuvent être amenées à varier au niveau consonantique en arménien oriental et en arménien occidental (35%), et elles sont de loin les plus nombreuses parmi les trois combinaisons possibles (PC, PV ou PCPV) ;
  • d’une variante à l’autre, il existe, à peu de choses près, autant de formes qui peuvent varier sur des segments vocaliques (14% en oriental et 11% en occidental) ;
  • d’une variante à l’autre, il y a aussi peu de formes qui peuvent varier sur des segments à la fois consonantiques et vocaliques (3% en oriental et 2% en occidental).

Ces chiffres étant même dans le détail relativement proches, ceci veut dire que nous pouvons déterminer de façon assez précise et même représentative le groupe de locuteurs qui procède le plus aux adaptations phonétiques et savoir quels sont les segments les plus touchés par ces adaptations.

Parmi les 1078 unités arméniennes du corpus, 492 sont sujettes à adaptation phonétique. Parmi celles-ci, nous ne relevons qu’un total de 12 adaptations phonétiques (tous segments confondus) chez les locuteurs OCC et tout de même 88 chez les locuteurs OR. Voici le résultat dans le schéma suivant :

Même si par rapport au nombre total de formes adaptables, les unités adaptées ne sont pas nombreuses (20%), on constate qu’elles sont jusqu’à 9 fois plus présentes chez les locuteurs OR (18% vs 2% chez les Occidentaux). Ces chiffres sont à rapprocher du sous-total d’unités adaptables dans chacune des variantes pour se rendre compte de la proportion qu’occupent les unités effectivement adaptées. Autrement dit, sur les 236 unités adaptables dans la variante occidentale, seules 12 d’entre elles ont été adaptées. Et sur les 256 unités adaptables dans la variante orientale, 88 d’entre elles ont été réellement adaptées. Le taux de réussite de ces tentatives sera étudié plus loin.

Nous voyons bien que chez les locuteurs d’arménien occidental (essentiellement chez NZ, le principal locuteur OCC), il y a très peu (5%) de tentatives d’adaptation phonétique.

Tandis que chez les locuteurs d’arménien oriental, la part d’adaptations effective est beaucoup plus importante (6 fois plus que chez les locuteurs OCC).

Si nous nous intéressons à présent en détail à la répartition des formes adaptées, par variante, par rapport à la totalité des formes effectivement adaptées, nous obtenons le résultat suivant :

Parmi la centaine de formes adaptées phonétiquement (sur les 492 potentiellement adaptables), 90% des adaptations sont émises par des locuteurs d’arménien oriental et seulement 10% sont produites par des locuteurs d’arménien occidental.

Nous arrivons à ce stade à un premier résultat intéressant qui permet de confirmer notre hypothèse de départ : les locuteurs d’arménien oriental font plus d’adaptations phonétiques que les locuteurs d’arménien occidental.