2.3.2. Analyse détaillée par variante et par locuteur

Si nous regardons à présent la répartition des adaptations morphosyntaxiques et lexicales par variantes, voici le résultat que nous obtenons :

Nous constatons une nouvelle donnée intéressante : tout comme au niveau phonétique, aux niveaux morphosyntaxique et lexical, ce sont les locuteurs d’arménien oriental qui font la plupart des tentatives d’adaptation. Il est nécessaire de vérifier la répartition des unités adaptées par rapport aux unités adaptables par variante afin d’être sûr que ces données sont exploitables et ne proviennent pas d’une situation complètement déséquilibrée.

Nous constatons que la répartition par variante entre les formes adaptables morphosyntaxiquement et/ou lexicalement est légèrement déséquilibrée puisque les locuteurs OR produisent plus d’items qui sont sujets à adaptation que les locuteurs OCC (57% vs 43%). Mais ce déséquilibre n’influe que très peu sur les tentatives d’adaptation qui sont faites de part et d’autre. La différence de répartition entre les deux variantes est tellement importante qu’il paraît clair que, dans l’absolu, les locuteurs OR en produisent bien plus que les locuteurs OCC. Voici la répartition par variante :

Le premier des deux schémas est extrêmement intéressant à observer : nous constatons chez les locuteurs d’arménien oriental que presque une forme sur deux qui est adaptable morphosyntaxiquement et/ou lexicalement est effectivement adaptée (à la variante occidentale), ce qui représente un chiffre réellement conséquent (48%). En revanche, du côté des locuteurs OCC, le nombre d’adaptations de ces types est extrêmement faible (13% parmi les formes potentiellement adaptables).

Toutes ces données permettent de constater que, tout comme au niveau phonétique, aux niveaux morphosyntaxique et lexical, ce sont les locuteurs d’arménien oriental qui font le maximum de tentatives d’adaptation (83% vs 17%). Ce contraste est presque aussi élevé que celui relevé pour la prononciation.

Il est à présent nécessaire d’étudier indépendamment les deux strates pour calculer le taux de réussite par variante puis par locuteur. Nous ne détaillons pas les résultats pour la strate lexicale puisque comme nous l’avons déjà évoqué, toutes les adaptations lexicales tentées par les deux groupes de locuteurs sont réussies, c'est-à-dire que leurs formes sont parfaitement attestées dans la variante-cible. Par contre, si nous détaillons ce qui se passe au niveau morphosyntaxique, nous aboutissons à deux faits intéressants :

  • il n’y a que trois locuteurs (sur les six présents dans ce passage) qui font des tentatives d’adaptations lexicales et/ou morphosyntaxiques (Cathy et Martin pour la variante orientale et NZ pour la variante occidentale) ;
  • toutes les adaptations morphosyntaxiques tentées par NZ sont réussies (11 au total). Il n’en va pas de même du côté oriental, où les locuteurs en tentent bien plus et parmi elles, même si la plupart sont réussies, d’autres sont partielles ou non-réussies. En voici le schéma :

NZ, locuteur d’arménien occidental, produit en quantité moins de formes adaptées que les locuteurs OR, mais toutes celles qu’il émet sont attestées lexicalement et morphosyntaxiquement dans la variante-cible. Il produit 7 adaptations lexicales et 11 adaptations morphosyntaxiques, toutes réussies. Du côté oriental, au niveau lexical, il en va de même, puisque sur les 30 tentatives effectuées, les 30 sont abouties et correspondent à des formes existant dans la variante-cible. En revanche, au niveau morphosyntaxique, les tentatives sont certes plus nombreuses, mais le taux de réussite et d’échec s’en fait sentir : 66% de réussite, mais 17% d’items sont partiellement adaptés et 17% sont mal adaptés.

A présent, si nous observons les catégories morpho-syntaxiques qui sont touchées par tous les types d’adaptations confondus, nous pouvons probablement voir celles qui sont le plus sujettes à adaptation vs celles qui y sont le moins sujettes.

Sur les 14 adaptations tentées par les locuteurs d’arménien occidental, la moitié porte sur les verbes. Il s’agit de loin de la catégorie la plus touchée par les adaptations.

Du côté oriental, voici le schéma :

Chez les locuteurs d’arménien oriental, les adaptations sont bien plus nombreuses. Sur les 67 cas relevés, la catégorie morpho-syntaxique la plus touchée est également celle des verbes.

Dans les deux variantes, la morphologie verbale est de loin la catégorie la plus touchée par les adaptations, ce qui peut probablement s’expliquer en partie par le fait que la catégorie verbale est la catégorie morpho-syntaxique la plus fréquemment attestée dans le corpus étudié.