3.2. Les adaptations

3.2.1. Niveau relationnel

3.2.1.1. Relationèmes et taxèmes

Un des premiers niveaux concernés par les adaptations est le niveau relationnel. En cherchant à savoir si les adaptations peuvent endosser un rôle dans le fonctionnement de la relation interpersonnelle, il apparaît après analyse qu’elles peuvent effectivement intervenir pour marquer d’une façon ou d’une autre la relation interpersonnelle entre les interlocuteurs. Au fil de l’interaction, mais également au fil des rencontres, les locuteurs vont se connaître de plus en plus et se sentir plus ou moins proches les uns des autres. Ils établissent et enrichissent ce que l’on appelle leur « histoire conversationnelle » commune. Leur relation horizontale (axe de la proximité/distance) peut alors être marquée par ce que Kerbrat-Orecchioni (1992) a baptisé des « relationèmes » (horizontaux) qui se manifestent soit de façon non verbale ou paraverbale (gestes, mimiques, regards, postures plus ou moins distants vs familiers ; intensité, timbre de voix, débit de parole…), soit de façon verbale par différents procédés, tels que l’utilisation des termes d’adresse ou la particularité des thèmes abordés et le niveau de langue utilisé. Ce dernier cas va particulièrement nous intéresser. Comme nous l’avons décrit précédemment, la situation que nous étudions contient certaines similitudes avec des situations dans lesquelles les locuteurs adaptent leurs registres de langue à leurs interlocuteurs.

‘Quant au niveau de langue utilisé, c’est toujours (malgré la polyvalence de ce marqueur) un excellent indicateur de la relation : en situation familière, on utilise une langue dite par métonymie « familière » […]. En situation formelle au contraire, on recourt à un langage soutenu, voire châtié […]. (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 56)’

Dans une situation de contact de dialectes telle que celle étudiée ici, le choix de la variante arménienne, mais également le choix du registre 174 de la variante, se fait en fonction des participants présents dans l’interaction et auxquels on s’adresse. Les adaptations à la variante-cible sont donc bien des relationèmes verbaux qui ont pour but d’atténuer la distance entre les interactants. En utilisant la variante de l’autre (à bon ou mauvais escient), et ce même de façon ponctuelle, le locuteur a la volonté de se rapprocher de son interlocuteur. Rappelons qu’il ne s’agit pas ici d’un cas de diglossie stricte au sens de Ferguson (1959) ou Fishman (1971) dans lequel les codes sont en distribution complémentaire, mais bien d’une situation pluriglossique au sens large, dans laquelle les glosses sont simultanément présentes, cohabitent et sont constamment mélangées. Donc même si les adaptations ne sont que ponctuelles, partielles (code-mixing) ou non attestées, leur utilisation affiche une volonté certaine (de la part de leurs utilisateurs) de marquer la proximité et de gommer la distance. En parlant comme l’autre, on essaye de s’en rapprocher.

L’emploi des adaptations par un locuteur affiche également une certaine marque de respect envers son interlocuteur dialectalement opposé. Cette fois-ci, c’est la relation verticale qui se trouve concernée. Tout comme la relation horizontale, celle-ci est graduelle, mais elle est en plus dissymétrique, pouvant marquer une certaine hiérarchie entre les interlocuteurs, qui peuvent se trouver, dans une interaction, en position « haute » ou de « dominant » vs en position « basse » ou de « dominé ». Ce rapport de places, qui dépend de facteurs internes (propres à l’interaction) et externes (propres aux locuteurs, à leurs statuts, leurs âges…) peut être géré par ce que Kerbrat-Orecchioni (1992) a appelé des « taxèmes » ou « relationèmes verticaux », en distinguant les taxèmes de position haute et les taxèmes de position basse. Ceux-ci peuvent être, comme les relationèmes horizontaux, de nature non verbale ou paraverbale (apparence physique, tenues vestimentaires, postures, regards, mimiques, gestes, mais aussi le ton de la voix par exemple) et de nature verbale. Parmi les taxèmes verbaux, les formes de l’adresse sont de bons indicateurs du type de relation qui existe entre les locuteurs.

Dans les corpus Pâques et Prêtre, NZ et le prêtre, locuteurs OCC, appellent Martin et Cathy (locuteurs OR) par leurs prénoms, alors que ces derniers appellent leurs invités par leurs appellatifs religieux (« Monseigneur » et « M. le prêtre »). Ces emplois dissymétriques de l’adresse, qui n’apparaissent pas dans le troisième sous-corpus Anna (où chacun s’appelle par son prénom ou son surnom), expriment une relation hiérarchique, qui peut être atténuée ou au contraire renforcée par d’autres moyens 175 .

Parmi les autres types de taxèmes recensés par Kerbrat-Orecchioni (1992), certains sont présents dans le corpus Pâques étudié en détail :

  • Au niveau de la structure de l’interaction :
    • l’aspect quantitatif des tours de parole (celui qui parle le plus est en position dominante) : ce taxème n’est dans ce cas-là (ni dans les deux autres sous-corpus) pas distinctif, étant donné que les trois locuteurs principaux du corpus Pâques produisent à peu près le même nombre d’items (comme nous l’avons montré précédemment) ;
    • le fonctionnement des prises de tour : comme nous l’avons dit dans l’analyse linéaire, NZ mène la « danse thématique » tout au long de l’interaction étudiée. En proposant de nouveaux thèmes ou en en ratifiant certains, il prend la parole. En les faisant durer, il conserve la parole. Ses hôtes suivent la plupart du temps ce rythme et ces règles de préséance, montrant ainsi la position haute de l’évêque.
  • Au niveau des actes de langage :
‘La valeur taxémique des actes de langage, qui constituent sans doute la catégorie la plus riche, la plus complexe, et la plus importante dans l’ensemble des marqueurs verbaux du rapport de places, peut être mise en corrélation avec leur fonctionnement en tant que « Face Threatening Act » (ou FTAs). (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 94)’

Au niveau des actes de langage, un locuteur peut marquer sa position haute en accomplissant un acte potentiellement menaçant pour la ou les faces de son interlocuteur, et se retrouver en position basse s’il reçoit un FTA ou s’en inflige un à lui-même. Nous reviendrons sur la description de ces phénomènes plus tard, puisque nous verrons que les actes de langage peuvent être accompagnés d’un choix de variantes particulier.

  • Au niveau de la forme de l’interaction :

Un dernier type de taxème verbal va particulièrement nous intéresser. Il s’agit du choix de langue dans l’interaction.

‘En situation de plurilinguisme, le choix de la langue dans laquelle va s’effectuer l’échange a des implications décisives sur l’instauration du rapport de places. (Kerbrat-Orecchioni, 1992 : 82)’

Dans des communautés plurilingues ou pluriglossiques, les variétés à disposition, qu’il s’agisse de langues, de dialectes, de glosses ou de registres de langue particuliers, peuvent être hiérarchisées, une variété étant dans des situations particulières plus prestigieuse qu’une autre plus populaire ou familière. On retrouve par là la notion de diglossie développée par Ferguson.

Dans la situation de contact de dialectes arméniens en contexte de diaspora, cette hiérarchie est particulière. En effet, comme nous l’avons déjà dit (cf. Chapitre 3), les Arméniens de la diaspora arménienne de Lyon cohabitent au sein d’une situation pluridialectale, mais sont personnellement monodialectaux pour la plupart. Ils forment alors deux sous-communautés (orientale et occidentale) dont les variantes représentantes entrent en contact lorsque les locuteurs se rencontrent. Cette situation de contact est alors en partie gérée, d’un point de vue externe, par les représentations langagières des interlocuteurs, par leurs connaissances et leur motivation, et d’un point de vue interne, par le déroulement de l’interaction et la place qu’ils y occupent. Si l’on regarde la situation socio-historique de la diaspora étudiée et les représentations langagières qu’ont les interlocuteurs de cette situation, il apparaît que la situation linguistique semble déséquilibrée et hiérarchisée pour tous les interlocuteurs OR interrogés, et ce, pour deux raisons. Tout d’abord parce que les locuteurs OCC sont installés en France (et à Lyon) depuis plus longtemps qu’eux (ils font partie de la première vague de migration), mais aussi parce qu’ils ont été durant très longtemps (au moins jusqu’à la troisième vague de migration en provenance d’Arménie) numériquement supérieurs. Les Arméniens orientaux (présents dans notre corpus) ont ressenti dès leurs premiers contacts avec les Arméniens occidentaux, remontant à une trentaine d’années, la nécessité de s’adapter à leur variante. Ils ont perçu un décalage et, selon leurs témoignages, on leur a même fait comprendre qu’avec leur variante, ils se situaient en position basse et n’étaient pas compris. Pour ces raisons historiques, numériques et d’imaginaires sociolinguistiques, la situation pourrait sembler diglossique avec une variante dominante, qui est la variante occidentale (à utiliser au sein de la sous-communauté occidentale mais aussi lorsque les deux sous-communautés sont en contact) et une variante dominée, la variante orientale (à utiliser au sein de la sous-communauté orientale seulement). Or, il s’avère que lorsque les interlocuteurs de variantes différentes entrent en contact, la situation n’est pas aussi diglossique que prévue par tous les facteurs externes. Cette diglossie stricte est gommée au niveau de l’interaction pour laisser place à une dissymétrie plus fonctionnelle, apportée par les locuteurs eux-mêmes, selon les usages qu’ils font des codes à disposition. Le monodialectalisme (occidental) qui pourrait être attendu d’après les critères externes n’est pas actualisé dans l’interaction. Il n’y a pas de variante dominante : d’après l’étude quantitative que nous avons menée précédemment, nous n’observons dans nos données ni la présence d’une seule variante, ni l’utilisation plus abondante d’une variante sur les deux variantes attestées. En revanche, les taxèmes de position haute ou basse peuvent s’appliquer aux interlocuteurs selon les choix de langue qu’ils effectuent. En effet, un locuteur qui essaye d’utiliser la variante opposée se place en position haute (encore plus haute si l’adaptation est réussie) puisqu’il montre sa capacité à employer un autre code que son code d’origine (comme c’est le cas pour Cathy et Martin dans les trois corpus étudiés), alors qu’à l’inverse un locuteur n’effectuant aucune adaptation se place en position basse puisqu’il montre son incapacité à utiliser un autre code que le sien. Mais il est prudent d’apporter une nuance à cette dichotomie. En effet, dans les trois corpus étudiés, les locuteurs OCC tels que le prêtre (corpus Prêtre), Gilles (corpus Anna) ou VD et GD (corpus Pâques) ne s’adaptent pas, ce qui pourrait les placer en position basse car cela dévoilerait leur incapacité à se servir d’un deuxième code. Mais dans le cas de NZ (corpus Pâques) qui s’adapte, même s’il le fait de façon ponctuelle, ses non-adaptations ne sont pas à placer sur le même plan. Elles ne le mettent pas en position basse, et ce, pour deux raisons : tout d’abord parce qu’il lui arrive de s’adapter par ailleurs, il ne s’agit donc pas de douter de ses compétences, mais également parce qu’il incarne un statut prestigieux qui, de toute façon, le maintient en position haute et pourrait même le dispenser de toute adaptation. Ainsi le fait de ne pas s’adapter pourrait encore plus le placer dans une position haute (par rapport aux autres locuteurs qui ne s’adaptent pas).

Dans le fonctionnement du système des places, il est certes important de distinguer les marques extérieures et caractéristiques portées par les locuteurs, des marques utilisées dans leurs discours, puisque par exemple une position extérieure (institutionnelle) basse peut être réhaussée grâce à des marqueurs dans l’interaction (et vice-versa), ces marqueurs jouant alors le rôle de « redistributeurs de places » (Kerbrat-Orecchioni, 1992), mais il arrive également que les marqueurs extérieurs et intérieurs se confondent lorsque les seconds reflètent les premiers.

‘C’est dire combien l’interaction est un processus dynamique, où rien n’est déterminé une fois pour toutes ; en particulier, la configuration de l’échiquier taxémique se modifie constamment au cours du déroulement de l’interaction, et celui qui domine en un temps T1 peut fort bien être dominé en T2. Enfin et surtout, on peut fort bien dominer sur un plan, et être dominé sur un autre : il existe bien des façons d’occuper la position haute, qui ne vont pas toujours de pair. (Kerbrat-Orecchioni, 1996 : 48 et sqq)’

Même si nous nous intéressons uniquement au phénomène des adaptations, il serait trop réducteur et même inexact de limiter le fonctionnement des places aux seules marques d’adaptation présentes dans le discours des locuteurs. Pour expliquer ce rapport de places, il faut donc prendre en considération le faisceau de marqueurs contextuels et discursifs dont les adaptations font partie.

Prenons quelques exemples pour montrer la complexité du rapport de places :

  • Dans le corpus Pâques :
    • Cathy et Martin (locuteurs OR) : face à NZ, ils sont contextuellement en position basse (croyants vs évêque), et le recours aux adaptations contribue à rehausser leur position ou est plus simplement une marque de déférence, indiquant à quel point ils respectent la personnalité qu’ils ont face à eux. Avec VD et GD, leur relation est symétrique (puisqu’ils sont amis), et l’utilisation des adaptations par les OR et la non-utilisation par les OCC creusent le fossé relationnel.
    • NZ (locuteur occidental) : comme nous l’avons dit précédemment, il est institutionnellement en position haute et le reste, qu’il s’adapte ou non.
  • Dans le corpus Anna :
    • Cathy et Martin (locuteurs OR) : accompagnés de tous les locuteurs OR, ils sont contextuellement en position haute parce que supérieurs numériquement par rapport au seul locuteur occidental (Gilles). La stratégie collective de non‑adaptation ne fait que refléter leur position initiale. Mais cette position haute est également valorisée par les adaptations ponctuelles faites à l’égard de Gilles (montrant leur double compétence). Les deux stratégies pourtant opposées ont donc un but commun.
    • Gilles (locuteur occidental) : seul et ne s’adaptant pas, il se retrouve contextuellement et discursivement en position basse.
  • Dans le corpus Prêtre :
    • Cathy et Martin (locuteurs OR) : il se passe la même chose que face à NZ, mais avec des rôles institutionnels bien moins forts hiérarchiquement (croyants vs prêtre). Les adaptations unilatérales permettent là encore de rehausser leur position basse ou de marquer leur déférence.
    • Le prêtre : se retrouve à peu près dans la même position que Gilles et non dans celle de NZ, puisqu’il ne produit pas d’adaptations.

Les positions contextuelles initiales sont conservées ou modifiées (sans pour autant être inversées) par les marques du discours.

Etant donné que les adaptations demandent un certain investissement aux personnes qui les produisent, doublé d’une prise de risque (FTA pour leur face si l’adaptation n’est pas attestée dans la variante-cible), il semble pertinent de dire que plus les adaptations seront fréquentes, plus la volonté de se rapprocher de son interlocuteur (relation horizontale gommée) ou de lui témoigner des marques de respect (relation verticale maintenue) sera grande. Mais bien entendu, cette hypothèse dépendra des participants en présence. Dans les trois sous-corpus étudiés, les situations varient :

  • Dans le corpus Pâques (2 locuteurs OR principaux vs 1 puis 3 locuteurs OCC), Martin et Cathy font bien plus d’adaptations à destination de NZ puis du couple d’amis (VD et GD) que l’inverse. NZ en produit tout de même un nombre non négligeable. Les adaptations sont donc parfois bilatérales, même si elles sont majoritairement unilatérales (locuteurs OR à destination des locuteurs OCC).
  • Dans le corpus Prêtre (2 locuteurs OR principaux vs 1 locuteur occidental), Martin et Cathy sont les seuls cette fois-ci à produire des adaptations. Le prêtre (locuteur occidental) n’en effectue aucune. Les adaptations sont donc unilatérales.
  • Dans le corpus Anna (6 locuteurs OR vs 1 locuteur occidental), le fonctionnement est encore différent. En effet, Gilles, le seul locuteur occidental, ne produit pas d’adaptations à la variante orientale, et les locuteurs OR n’en effectuent que minoritairement et ce, uniquement lorsqu’ils s’adressent directement à Gilles. Les locuteurs OR font moins d’effort pour s’adapter et la tendance générale de la conversation sera aux non‑adaptations, et ce, pour plusieurs raisons : tout d’abord parce qu’ils sont numériquement supérieurs, mais également parce qu’ils sont tous issus de la même famille (les liens sont donc forts entre eux), et enfin parce qu’ils n’entretiennent pas avec Gilles, la « pièce rapportée », une quelconque relation verticale dissymétrique. Ou en tous les cas, si cette relation est dissymétrique, elle l’est en la défaveur de Gilles, c'est-à-dire que c’est Gilles, en tant que membre extérieur qui veut intégrer cette famille mais également en tant que « jeune » par rapport à sa future belle-mère, à Cathy et à Martin, qui devrait produire des efforts en utilisant la variante de la famille d’accueil. Pour toutes ces raisons, les locuteurs OR ne vont pas jusqu’à « occidentaliser » leur discours lorsqu’ils parlent entre eux (contraiement à ce qui se passe avec NZ), mais ils le font tout de même régulièrement lorsqu’ils s’adressent directement à Gilles. Les enjeux identitaires dans ce type de situation familière ne sont pas les mêmes que lorsque Cathy et Martin sont face à l’évêque de l’Eglise arménienne ou le prêtre. Nous pouvons malgré tout affirmer, pour avoir assisté à de telles situations (sans enregistrement), que si les deux locuteurs OR principaux s’étaient retrouvés uniquement en présence de Gilles, leur comportement aurait été tout autre, et ils auraient produit plus d’adaptations. En fait, dans ce corpus, les adaptations paraissent moins nombreuses car plus disséminées au fil de l’interaction qui, de par l’origine des locuteurs, se déroule majoritairement en arménien oriental, mais il faut retenir que le plus souvent, la plupart des interactants qui s’adressent à Gilles le font partiellement ou totalement dans sa variante (adaptations unilatérales). Donc si les adresses à Gilles étaient plus fréquentes et les locuteurs OR moins nombreux, les adaptations (à l’arménien occidental) seraient probablement plus abondantes. Par ailleurs, un autre phénomène est intéressant à signaler ici, il s’agit de l’utilisation du français. Dans ce sous-corpus, cette utilisation est particulièrement abondante et peut en partie être expliquée par la relation interpersonnelle qui lie les différents protagonistes entre eux et qui, de par sa proximité et sa symétrie, prévoit le recours à un troisième code qui est le français, code beaucoup moins attendu dans les deux autres situations. La relation interpersonnelle n’est pas la seule à influer sur l’intervention du français ; l’âge des participants y est aussi pour beaucoup. Dans ce sous-corpus, les trois jeunes cousines (Lola, Lida et Julie) ont pour habitude d’échanger presque entièrement en français dès qu’elles se retrouvent ensemble. Elles s’adressent à leurs parents en arménien ou en français, voire en alternant dans les deux langues la plupart du temps, mais entre elles, elles utilisent principalement le français. Avec Gilles, il leur paraît également souvent plus facile de parler en français.

Dans les trois sous-corpus étudiés, Cathy, Martin et NZ sont les trois locuteurs qui, en produisant des adaptations, essayent de réduire les distances horizontale et verticale.

Dans l’étude longitudinale que nous avons menée, nous constatons que les adaptations peuvent être des marqueurs de relations horizontale ou verticale, mais elles peuvent également avoir d’autres fonctions, au niveau relationnel.

Notes
174.

Dans ce travail, nous ne sommes pas allée jusqu’à exploiter en détail le choix du registre de la variante qui n’est pas toujours aisé à identifier.

175.

En regardant le fonctionnement des pronoms personnels d’adresse (ou des morphèmes flexionnels de personne sur les verbes), nous observons également une utilisation dissymétrique : l’évêque et le prêtre tutoie Cathy et Martin (et Julie) et Cathy les vouvoie en retour. En revanche, même si Martin emploie leurs appellatifs religieux, il les tutoie tous les deux.