3.2.2. Niveau organisationnel

Il nous reste un deuxième niveau à observer dans lequel les adaptations jouent un rôle majeur. Il s’agit du niveau organisationnel, c'est-à-dire celui qui assure globalement le bon fonctionnement de la communication ainsi que l’organisation et la construction de l’interaction. Cette organisation est par exemple illustrée par la mise en place du format participatif, par la gestion des tours de parole ou par la cohérence des échanges. En ce sens, les adaptations semblent améliorer ou garantir la plupart du temps le bon fonctionnement de la communication entre les différents protagonistes. En plus de leur apport considérable au niveau de la politesse, les adaptations jouent un rôle à un niveau plus global du déroulement de l’interaction. Les locuteurs n’ayant pas forcément conscience de la proximité effective des deux systèmes linguistiques qu’ils ont à leur disposition, ils ont recours aux adaptations pour sélectionner leurs interlocuteurs, être sûrs de capter l’attention, l’écoute et la compréhension des participants concernés. Les adaptations sont donc fonctionnelles. Dans une situation de contact de dialectes, le fait d’utiliser dans un même discours plusieurs variantes montre peut-être un certain désordre dans la construction du discours ou certaines faiblesses de la part des locuteurs (qui ne peuvent utiliser uniquement la variante-cible), mais apparaît également comme une stratégie des locuteurs, visant à assurer le bon fonctionnement de l’échange. Après tout, à quoi bon parler parfaitement son dialecte si on est persuadé que l’autre ne le comprendra que très peu. Autant faire des efforts, même si l’organisation intra ou inter-tour s’en fait sentir, pour maximiser la compréhension et conserver l’attention des locuteurs concernés.

Les deux premières fonctions des adaptations reprises ci‑après au niveau organisationnel s’articulent autour du cadre participatif (désignation ou ratification d’un interlocuteur). Les participants vont alterner les rôles interlocutifs au cours de la même interaction. La répartition de ceux-ci est sujette à négociation, ce qui permet par exemple de savoir à tout moment qui (s’)est désigné émetteur d’un message ou destinataire de ce même message. Un des moyens de négociation utilisé par les locuteurs pour gérer cette alternance de tours ainsi que toutes les techniques d’adressage de prises de parole est le phénomène d’adaptation, spécifique à la situation de contact que nous avons observée. Les adaptations permettent par exemple de rendre l’adressage explicite.

‘Tout événement communicatif se déroule dans un cadre participatif particulier, dont certains éléments sont stables quand d’autres varient au cours du déroulement de l’interaction. En ce qui concerne le format de réception, la ratification et l’adressage sont en permanence négociés entre les participants, par des procédés aussi bien verbaux que non verbaux (comme le regard, qui joue à cet égard un rôle particulièrement important). (Kerbrat-Orecchioni, 2005 : 111)’

Quant aux trois dernières fonctions des adaptations, elles sont spécifiques à la construction des tours et des échanges (reprise en écho, discours rapporté, co-construction). Les locuteurs adaptants usent d’un certain nombre de stratégies pour rendre leur discours le plus accessible possible à leurs interlocuteurs de la variante voisine et montrent qu’ils font des efforts pour signifier leur motivation ou leur capacité à s’adapter. De cette manière, c'est-à-dire en ayant recours aux adaptations, ils maximisent les chances de capter ou de conserver l’attention des destinataires.