2.2.2. Le Processus d’Ecriture en Langue Maternelle

Parmi les modèles qui ont constitué la base théorique de l’étude du processus d’écriture en langue maternelle (Cooper & Matsusahi, 1983 ; Beach & Bridwel, 1984 ; Bereiter & Scardamalia 1987 ;…) et qui reposent tous sur l’identification et la description des processus mentaux des scripteurs experts afin d’élaborer un programme d’enseignement pour former les scripteurs novices (Whalen, 1994, p.52-53), c’et essentiellement le modèle de Hayes et Flower (1980) qui est le plus souvent retenu car il :

  • décrit en détail les opérations cognitives du scripteur,
  • considère le processus d’écriture comme étant récursif parce que chaque étape menant au texte peut apparaître plusieurs fois et dans un ordre varié,
  • « a l’avantage d’avoir été vérifié par l’analyse de protocoles » (Bisailon, 1991, p.9) qui consiste à transcrire les paroles de l’apprenant lorsqu’on lui demande de penser à haute voix quand il écrit.

Inspirés de la théorie du traitement de l’information, Hayes et Flower divisent l’activité rédactionnelle en trois grandes parties pour décrire les différentes stratégies auxquelles le scripteur expert a recours :

  1. Le contexte (ou environnement) de la tâche qui « inclut tous les facteurs extérieurs au rédacteur et qui influencent la réalisation de la tâche. » (Hayes, 1998, p.53). Il s’agit en fait de toutes variables pouvant influencer l’écriture telles le thème du texte à produire, les lecteurs éventuels, les consignes des enseignants, l’environnement physique dans lequel se trouve le scripteur… Par exemple, c’est en fonction des caractéristiques des lecteurs que le scripteur choisira son lexique.
  2. La mémoire à long terme où sont stockés les connaissances permettant au scripteur de produire un texte cohérent : connaissances à propos du sujet à traiter, connaissances des codes grammaticaux, lexicaux, connaissances des typologies des textes (narratifs, descriptifs,…), etc. Donc, l’apprenant aura recours à ses savoirs et savoir-faire.
  3. Le processus d’écriture où les connaissances puisées de la mémoire à long terme seront actualisées à travers trois grandes étapes qui constituent le processus d’écriture : la planification, la mise en texte et la révision. Ces trois étapes impliquent des stratégies cognitives et métacognitives (Cf. Cyr, 1998).

La planification ou préécriture : Dans cette première étape, le scripteur définit sa tâche, le problème à résoudre, analyse la situation de communication (à qui est adressé le texte et dans quel but), définit le type de texte qu’il doit écrire, rassemble de son environnement immédiat ses connaissances en rapport avec le sujet à traiter et donc fait appel à sa mémoire à long terme pour trier les informations nécessaires. A partir de tout cela, il organisera ses idées et élaborera un plan qui le guidera à la seconde étape : la mise en texte. Il est évident que plus le scripteur possède un niveau de connaissances probables élevées en rapport avec le thème, plus l’étape de planification se fait plus facilement, plus rapidement et aboutit à un produit de meilleure qualité.

La mise en texte ou l’écriture : Ici le scripteur rédige en transformant ses idées énumérées dans son plan en phrases, en paragraphes pour créer un texte cohérent. Pour cela, il tient compte de son objectif et de ses lecteurs, procède à un choix lexical, fait appel aux constructions syntaxiques et aux marques de cohérence. Donc, il fait usage dans cette étape des composantes de la compétence de communication écrite (composante linguistique, référentielle,…). Par ailleurs, tout en procédant à la mise en texte, il peut revenir à l’étape de planification, ajouter des idées, en retirer, restructurer son plan.

Il faut préciser que le choix lexical est important car il « aura une incidence très forte sur la qualité même du texte. » (Vigner, 2001, p.74). Il en est de même pour la ponctuation, la constitution des paragraphes, l’usage des connecteurs, des anaphores, des pronoms…

La révision ou la post-écriture : Cette troisième étape, « qui se caractérise par une sorte de mouvement d’aller et retour… » (Cornaire & Raymond, 1999, p.28), consiste en l’évaluation et en l’amélioration du texte par son auteur. Ce dernier se relira attentivement afin de se corriger : fautes d’orthographe, ajouts d’idées, modifications de phrases au niveau du sens… Mais la révision a également pour objectif de contrôler la conformité entre la planification et la mise en texte c’est-à-dire de vérifier si le texte produit répond bien au plan construit au départ et à l’intention de communication. Elle n’est pas à concevoir comme la dernière étape du processus d’écriture qui intervient une fois le texte terminé : C’est une activité qui « peut intervenir aux différents niveaux de traitements et conduire à différents types de transformations du texte en cours d’élaboration. » (Gabsi, 2004, p.8). Ainsi, en intervenant dans l’ensemble du processus, la révision se manifeste plus qu’un simple contrôle graphique.

Le modèle de Hayes et Flower démontre bien que les connaissances, les habiletés et le traitement de l’information sont les concepts qui concourent à la production d’un texte bien établi et qu’elle ne peut être limitée à être conçue comme une activité de rédaction visant à contrôler les acquis grammaticaux, lexicaux, orthographiques… Il s’agit d’un travail cognitif complexe, qui par l’intermédiaire de ces acquis, permet au scripteur de fonder un raisonnement scriptural. Comme l’indique Vigner (2001, p.73), « Ecrire un texte rassemble un nombre important d’opérations et la gestion simultanée par l’élève ne manque pas de poser problème. ». Ces arguments sont, bien sûr, également valables pour la production écrite en langue 2 (L2) puisque le processus de production et donc les enjeux qu’implique l’activité d’écrire sont les mêmes qu’en langue 1 (L1).