2. Transfert des stratégies rédactionnelles :

La réalisation de la tâche rédactionnelle en L2 nécessite un grand recours aux processus de haut niveau acquis en langue maternelle. Or, il apparaît qu’un niveau faible en langue cible ait pour conséquence « d’empêcher le transfert, de la langue maternelle à la langue étrangère, de certaines compétences qui, pourtant, pourraient paraître universelles : les insuffisances linguistiques semblent avoir pour effet de “court-circuiter“ la mise en œuvre de processus de haut niveau. » (Coirier & al., 1996, p.213).

Ces propos, soutenus par de nombreux chercheurs dont Barbier (1998) nous trace un inventaire, sont particulièrement démontrés à travers deux études de Sasaki et Hirose, l’une complétant l’autre (Cf. Barbier, 1998, p.364).

La première étude réalisée en 1994 (Hirose et Sasaki), avec des étudiants japonais apprenant l’anglais, montrait que l’habileté rédactionnelle en L1 justifiait 60% des performances obtenues en L2 ;

La seconde étude réalisée en 1996 (Sasaki & Hirose), toujours avec des apprenants japonais d’anglais langue étrangère mais d’un niveau linguistique moins élevé que les apprenants de la première recherche, montrait que l’habileté rédactionnelle ne justifiait que 18% des performances obtenues en L2.

A l’issue de ces deux études, les auteurs en ont suggéré que « le degré d’habileté rédactionnelle en L1 [était] un facteur explicatif des performances en L2 seulement à partir d’un certain niveau de maîtrise des connaissances linguistiques en L2. » (Barbier, 1998, p.364).

D’autres chercheurs (Arndt, 1987 ; Kobayashi & Rinnert, 1992 ; Pennington & So, 1993) en conclut également de même : pour pouvoir activer les compétences rédactionnelles existantes en L1 et pour les transférer dans la langue cible, le scripteur doit avoir atteint un niveau minimum de compétence linguistique dans cette langue. Effectivement, si l’on veut planifier ou réviser son texte, un savoir lexical, morphosyntaxique et orthographique s’avère indispensable. Comment planifier ou rédiger un texte si l’on ne connaît pas, par exemple, du vocabulaire ? Donc, les opérations de bas niveau permettront la mise en application des opérations de haut niveau.

Une connaissance linguistique fait donc contrainte à deux niveaux : 1- L’expression des idées ; 2- L’usage des stratégies d’écriture.

Même restreinte, ce savoir est primordial dans la performance des scripteurs et nous pourrions même en conclure qu’il serait un facteur plus déterminant que le processus d’écriture. Or, dans des conditions normales la compétence linguistique ne peut définir à elle seule l’habileté d’écriture : Elle est « un facteur additif augmentant la qualité du texte. » (Cumming, 1989, p.81) et permettant la mise en œuvre du processus d’écriture qui constitue l’autre condition pour la réalisation de la tâche rédactionnelle. Par conséquent, il serait plus acceptable de déduire que l’un ne va pas sans l’autre. Posséder un savoir linguistique sans connaître les exigences qu’impliquent l’écriture ne permettra pas à l’apprenant de rédiger un texte correct ; de même qu’une compétence linguistique limitée ne lui permettra pas de constituer un contenu avec une quantité d’informations suffisantes structurées de manière correcte linguistiquement. L’apprenant doit savoir conjuguer les aspects de bas et haut niveau.

Les apprenants de L2 sont « donc soumis à une tension considérable entre rendre compréhensible son récit » (Alarcon, 2001, p.5), respecter les normes de langue écrite et gérer les problèmes rédactionnels, tous étant liés à un degré de maîtrise du système d’une langue qui n’est pas la leur, d’où leur constante préoccupation linguistique lorsqu’ils rédigent en L2.