2.3.1.3. Difficultés socio-culturelles

Dans la communication les enjeux culturels sont puissants et les connaissances des règles linguistiques du fonctionnement de la langue ne suffisent pas à assurer tant à l’oral qu’à l’écrit, une compétence de communication. Aussi la compétence linguistique doit-elle être accompagnée de savoir-faire culturels et sociaux qui permettront de répondre aux attentes des destinataires du discours puisque « la visée vers l’auditoire est primordiale. » (Golder & Favart, 2003, p.200).

Lorsqu’on analyse des textes d’apprenants de L2, il est vu que les problèmes qui en ressortent ne sont pas seulement au niveau grammatical, orthographique et lexical mais aussi au niveau de l’organisation du discours, au niveau rhétorique et culturel (Kaplan, 1988). Comme le souligne l’approche traditionnelle de la rhétorique, dont l’objectif est depuis les années 60 d’étudier les caractéristiques culturelles des textes produits afin de déterminer si elles peuvent être à l’origine des erreurs de production en L2, « chaque langue ou culture a des conventions rhétoriques qui sont uniques à elle-même. » (Kubota & Lehner, 2004, p.8). C’est pourquoi l’apprenant qui produit un texte dans sa L2 se doit de communiquer en tenant compte du contexte culturel, de la perspective de son lecteur natif et pour ceci doit savoir ce qu’il faut dire/écrire (aspect culturel) et comment le dire/écrire (aspect rhétorique) dans toutes situations de communication.

Dans cet objectif, l’acquisition d’une compétence socio-culturelle (ou socio-linguistique) s’avère indispensable. Cette compétence, définie par le Cadre européen de référence pour les langues (Conseil de l’Europe, 2005 p.93) comme « la connaissance et les habiletés pour faire fonctionner la langue dans sa dimension sociale. », comprend, par exemple, les marqueurs de relations sociales (salutations, conventions de prise de parole), les règles de politesse, la connaissance des proverbes, des expressions idiomatiques…

Dans le cas contraire, c’est-à-dire sans l’acquisition ou la prise en compte de cette compétence, le scripteur aura tendance à utiliser les références, les styles, les conventions qui fonctionnent dans sa propre culture et donc procèdera à un transfert négatif puisque les façons de penser, de raisonner changeant selon les cultures, il ne répondra pas à l’attente des lecteurs natifs de sa langue cible dans une situation de communication donnée ; ce qui risque d’affecter la qualité du texte car le principe de la rhétorique, « qui relève d’une mise en forme telle qu’elle puisse faciliter le travail de lecture et témoigner d’une capacité du scripteur à entrer en relation avec son lecteur. » (Vigner, 2001, p.86), ne sera pas respectée.

A ce propos, une recherche faite par Söter (1988, cité par Lefrançois, 2001) démontre bien ces transferts négatifs d’une langue à l’autre. Ce chercheur, qui a comparé les textes écrits en anglais par des élèves anglophones et des élèves d’origine vietnamienne et arabe vivant tous en Australie, a conclut que ces deux derniers groupes de scripteurs (vietnamien et arabe) usaient effectivement des caractéristiques rhétoriques de leur langue maternelle. Söter (ibid.) a constaté que :

Certes, les stratégies rhétoriques telles le recours à l’exemple, à la comparaison… sont des éléments communs pour la majorité des langues et leur transfert ne devrait pas poser de problèmes majeurs pour la compréhension d’un texte mais, l’organisation textuelle, les normes, les conventions s’avèrent différentes dans beaucoup de cultures et à différents types de textes correspondent des structures particulières. Par exemple, on n’écrit pas une lettre de la même manière en français et en néerlandais : les francophones saluent d’abord et laissent leur nom en fin d’interaction alors que les néerlandais commencent en donnant leur nom (Debrock & al., 1999). Quant aux anglo-saxons, ils sont étonnés par le « caractère ampoulé des formules de salutations employées par les francophones dans leurs lettres officielles. » (Simard, 1992, p.278).

Cependant, il est vrai que des transferts positifs des conventions sociales peuvent aussi se manifester en fonction de la proximité de la culture et également de la proximité des langues elles-mêmes (alphabets, structure syntaxiques…) tels le français et l’espagnol. Or, ce transfert dépend largement de la compétence linguistique de la L2 (Yen-Ren, 1996 cité par Lefrançois, 2001). Ainsi, même si la compétence culturelle est indispensable pour une communication écrite, elle ne peut exister indépendamment de la compétence linguistique tout comme le transfert des stratégies de rédactions qui ne pouvaient se manifester sans une maîtrise minimum de ce savoir linguistique.