2.3.1.4. Connaissances référentielles

Outre, le “comment écrire“, qui interpellait la compétence socio-culturelle et la connaissance rhétorique, le “quoi écrire“, c’est-à-dire le contenu de la rédaction qui interpelle la connaissance référentielle, est une autre difficulté que rencontre le scripteur.

Effectivement, lorsqu’il rédige son texte, établit un contenu, le scripteur doit faire appel à des connaissances à propos d’un domaine, d’un sujet particulier en fonction du thème de sa rédaction car « On ne saurait écrire, …, sans disposer de quelques éléments de référence sur le domaine… » (Vigner, 2001, p.81).

Cette connaissance référentielle, que l’on peut définir comme la connaissance du monde, est placée par Alexander et al. (1991, cité par Kellogg, 1999, p.72) dans la catégorie de connaissance de type conceptuel qui comprend la connaissance thématique (content knowledge) et la connaissance discursive (discourse knowledge). Selon ces chercheurs, « La connaissance discursive [qui] réfère à la connaissance de la langue et à ses usages. » (Kellogg, 1999, p.74) implique la connaissance lexicale et syntaxique, la connaissance rhétorique ainsi que ainsi que la connaissance de la structure des textes (narrative, explicative…). Quant à la connaissance thématique, elle implique la connaissance domaine (domain knowledge) et la connaissance à contenu disciplinaire (discipline knowledge), c’est-à-dire relative à un champ particulier. Par exemple, alors que connaître les parties du corps font partie de la connaissance du domaine, connaître plus de choses précises et distinctes à ce propos fait partie de la connaissance à contenu disciplinaire : cette dernière concerne donc les connaissances spécifiques et la première les connaissances “communes“ sur un domaine.

En parallèle à Alexander et al., Olive et al. (1997, p.72) expliquent que la connaissance thématique et la connaissance discursive sont « Deux grands ordres de connaissances [qui] contribuent à la maîtrise de l’activité rédactionnelle ». Ils ajoutent que « la qualité du texte produit dépend du niveau de connaissances détenues par les rédacteurs à propos d’un domaine spécifique. » (p.72-73).

Ainsi, outre l’effet de la compétence linguistique et socio-culturelle sur la qualité des textes, la connaissance référentielle est un autre aspect qui contribue à la rédaction d’un discours de bonne qualité c’est-à-dire à un discours comportant une quantité d’information suffisante linguistiquement bien structurée.

La majorité des recherches ayant pour sujet l’apport des connaissances référentielles concernent la compréhension orale ou écrite (étude de Carrel, 1983 citée par Gaonac’h, 1987, p.165-166 ; étude de Recht et Leslie, 1998 citée par Tardif, 1997, p.55-56) tandis que celles relatives à la relation entre la performance rédactionnelle et les domaines de connaissances sont moindres (Bart & Evans, 2003, p.4 ; MC Cutchen, 1986, p.432). De plus, elles reposent essentiellement sur la production écrite en langue maternelle.

Cependant, comme il existe bine des cas où « l’apprenant de L2 se trouve dans une situation analogue à celle de l’enfant en L1… » (Wolff, 1996, p.110), c’est sur ces études que nous nous baserons pour expliquer l’existence d’une relation entre ces deux variables, à savoir : plus le scripteur dispose de connaissances à propos du sujet de rédaction, et par conséquent rédige à propos d’un thème connu ou familier, plus son texte est riche en information. Par ailleurs, ces études ont aussi montré qu’être familier au thème permet de mieux organiser les idées à travers le texte (Kellogg, 1999, p.73), ce qui contribue également à valoriser la qualité d’un texte.

Par exemple, l’une de ces études est celle réalisée en 1986 par Mc Cutchen sur 30 garçons choisis parmi 300 participants qui ont répondu à une enquête évaluant et contrôlant leur connaissance de domaine à propos de la terminologie et des règles de football. Ces 30 élèves divisées en deux groupes, à partir des résultats de l’enquête, selon leur niveau de connaissance élevé et faible sur le football, ont écrit huit textes : quatre au sujet du football et quatre au sujet de l’école ou des gens qu’ils connaissent (thème contrôle). Mc Cutchen en a conclut que :

Une autre recherche de Voss, Vesonder et Spilich (1980, cité par Kellogg, 1999, p.72), qui ont comparé les récits narratifs produits par des scripteurs de niveau de connaissance élevé et faible sur un jeu de baseball, a montré également que, les scripteurs qui connaissant bien le domaine, détaillent beaucoup plus leurs idées (ibid., p.73).

Quant à Caccamise (1987, cité par Kellogg, 1999, p.73), sa recherche consistait à mesurer la quantité d’idées produites par les élèves à l’étape de la planification face à deux sujets de rédaction : l’un familier, l’autre non familier. Avec l’aide de la technique à haute voix, elle a constaté que les élèves produisaient moins d’idées lorsqu’il était question du thème non familier que du thème familier. De plus, les idées du thème non familier étaient moins bien organisées.

Golder & Favart ( 2003, p.202) ainsi que Kellogg (199, p.92) expliquent cette facilitation procédurale par le fait que devant un thème connu, les apprenants se sentent plus motivés à s’engager dans la tâche, se sentent plus impliqués alors qu’un thème non familier les décourage à un tel engagement et les incite à faire appel à « des jugements très stéréotypés et souvent très impersonnels empruntés au nombreux discours diffusés par les médias. » (Golder & Favart, ibid.).

Ainsi, les connaissances référentielles faciliteraient l’activité de planification et par conséquent l’activité de mise en texte même si celui-ci requiert également une compétence linguistique et socio-culturelle : Avoir « d’excellentes connaissances générales sur l’écriture […] lui [à l’apprenant] seront d’aucune utilité sans un certain bagage de connaissances spécifiques. » (Tardif, 1997, p.55).

Par conséquent, les apprenants de L2 qui sont déjà face, en écriture, à des contraintes et difficultés rédactionnelles, linguistiques et socio-culturelles, risquent de se sentir encore plus découragés devant un sujet qu’ils ne connaissent pas ou sur lequel ils n’auraient pas beaucoup de choses à dire, surtout si ce sujet de rédaction inclut des connaissances référentielles se rapportant au pays, à la culture de la langue cible.

Rédiger un texte implique donc plusieurs niveaux de connaissance et présente de par cela de grandes difficultés aux scripteurs mais particulièrement aux scripteurs de L2 qui, pour certains, sont déjà démunis devant la rédaction en leur langue maternelle et, pour d’autres, même s’ils réussissent cette tâche en L1, ont très souvent besoin d’aides aux différents niveaux de connaissances car « l’habileté rédactionnelle en L2 implique bien plus que l’appropriation d’un nouveau code graphique. » (Lefrançois, 2001).

‘« Il ne s’agit plus seulement d’apprendre en situation le système de la langue, mais véritablement d’apprendre à communiquer en se référant tout autant au code linguistique qu’aux règles sociales et culturelles qui dans un milieu donné régisse l’échange langagier. » (Vigner, 1982, p.4). ’

De ce fait, le scripteur de L2 a souvent besoin d’aide afin d’atteindre les objectifs fixées en production écrite. C’est pourquoi, dans la suite de notre recherche nous verrons comment remédier aux difficultés de l’apprenant et traiterons des pratiques pouvant répondre à ses besoins.