3.2.1.3. Les logiciels d’aide à la révision

Comme nous l’avons vu, le traitement de texte est un logiciel qui peut s’utiliser pour la planification et la mise en texte. Mais, comme il permet en particulier de modifier, d’effacer, de couper-coller, de déplacer des fragments de phrases voire des paragraphes (sans que la copie prenne l’allure d’un brouillon) et qu’il répond par conséquent aux quatre opérations canoniques à effectuer pour l’amélioration des textes, à savoir le remplacement, l’ajout, la suppression et le déplacement (cf. 2.3.2.1), il a très vite été adopté par les enseignants et chercheurs comme étant un instrument pour réviser et apprendre à réviser. Cependant comme il en a été pour la planification et la mise en texte, l’usage du traitement texte n’a pas répondu aux espérances. Les recherches concernant ce logiciel en tant qu’outil de révision, et qui obéit au caractère récursif du processus d’écriture puisqu’ avec ce logiciel le scripteur peut aussi modifier le texte en cours de rédaction et non pas seulement à la fin, ont montré que l’apprenant est davantage conduit à une focalisation des erreurs de surface et que le sens est souvent négligé. Par exemple, l’étude menée par Genevaix & Gervaix (1992, cités par Crinon, 2000, p.51) avec des élèves devant réviser un récit a démontré que :

Crinon (ibid.) attribue ces résultats à la difficulté de la lecture sur écran car il y a « meilleure révision lorsque les apprenants font des allers et retours entre l’écran et les sorties d’imprimante ». En effet, sur papier le scripteur accède à une meilleure vision d’ensemble de son texte et simultanément aux différentes parties du texte ce qui « favorise ainsi une révision « pour le sens » ».

Cependant, les résultats de l’étude de Bisaillon (1997, citée par Bisaillon & Desmarais, 1998, p.196-197), sur un échantillon de 60 étudiants de français langue étrangère ou langue seconde inscrits au cours de Rédaction II et utilisant le traitement de texte, ont révélé que « l’enseignement de stratégies de révision combiné avec l’utilisation du traitement de texte est un moyen d’améliorer la qualité de la révision autant que la qualité des écrits. ». En fait, il est question de combiner les habiletés pédagogiques de l’enseignant et le traitement de texte.

Par ailleurs, il existe un autre logiciel pour la révision qui est, selon nous, important car il a été intégré par la suite au traitement de texte alors qu’il s’agissait d’un logiciel indépendant au départ : le correcteur orthographique. Le but de ce correcteur, qui signale les répétitions de mots, les mots mal orthographiés et qui ne se limite qu’à l’orthographe lexicale, est de détecter les fautes dans les textes et de suggérer des corrections possibles. Pour cela, il se réfère à son dictionnaire intégré et compare les mots écrits par l’utilisateur avec ceux du dictionnaire pour juger de la conformité des premiers. S’il y a faute, il propose une correction que l’utilisateur peut soit accepter, soit ne pas l’accepter. Dans ce dernier cas, il demandera au correcteur de juger correct son mot et de l’introduire dans le dictionnaire car il est possible qu’il n’y existe pas, d’où le signalement d’erreur par le logiciel. Effectivement, le correcteur conçoit comme une faute tout mot ne prenant part dans son dictionnaire.

Cette fonctionnalité est certes intéressante pour un scripteur qui rédige en sa langue maternelle, néanmoins pour un scripteur de L2 ne maîtrisant pas encore très bien la langue, les mots bien orthographiés mais détectés en tant que faute par le correcteur peuvent constituer une lacune.

En ce qui concerne les recherches effectuées en vue de connaître les effets du correcteur orthographique sur la performance des scripteurs, nous voyons que les résultats sont souvent contradictoires. Ainsi, parmi les études inventoriées par Desmarais (1998, p.88-92) :

  • L’étude de Teichman & Poris (1985) montre que l’usage du correcteur orthographique n’a aucune influence significative sur la production orthographiques des sujets, ni sur leur habileté générale à écrire.
  • L’étude de Greenland & Bartholome (1987) n’a pas également révélé des résultats significatifs.
  • L’étude de Meyer, où il était question d’un groupe expérimental utilisant le correcteur orthographique et d’un groupe témoin utilisant seulement le traitement de texte, ne rapporte pas aussi une différence significative entre les deux groupes.
  • Par contre, l’étude de Dalton & al. (1990) révèle qu’avec le correcteur orthographique les deux jeunes écoliers constituant l’échantillon de la recherche ont amélioré leur performance orthographique. Ils réussissaient à reconnaître parmi les options suggérées par le correcteur la forme orthographique correcte mais ils « n’ont pas fait de correction aux mots non repérés par le correcteur ». Par ailleurs, malgré qu’il soit question de leur langue maternelle, un des sujets de l’étude éprouvait des difficultés à ne pas tenir compte des mauvaises interventions du correcteur qui « repérait par erreur un mot bien orthographié », chose qui perturberait encore plus un apprenant de L2.
  • L’étude menée par Eliason (1995) sur deux groupes d’apprenants (groupe témoin et expérimental) démontre que le correcteur a augmenté la qualité des productions écrite.

Ainsi, nous voyons que les chercheurs sont départagés en ce qui concerne les effets du correcteurs orthographiques sur la production écrite. Mais Bisaillon & Desmarais (1998, p.199) précisent que, les capacités des outils technologiques ayant évolué avec le temps, ce sont les expériences le plus récentes qui présentent de meilleurs résultats en ce qui concerne la qualité orthographique des productions écrites. « Toutefois, ces expériences [n’indiquant] pas [toutes] si l’utilisation du correcteur orthographique permet un accroissement de la compétence orthographique en L1 ou en L2. » (ibid.), Desmarais (1994, ibid.) a mené une étude auprès de 27 adultes anglophones et francophones et a constaté « l’utilité du correcteur orthographique comme outil d’apprentissage lorsque son utilisation est dirigée. » et donc, encore une fois, lorsque l’enseignant intervient.