Le Sakurajima constitue LE modèle japonais d’interaction réussie entre ville et volcan actif. Il est aussi devenu une vitrine de la protection contre le risque de lahar depuis les années 1970 et 1980. Kagoshima subit fréquemment des pluies de cendres, comme les bourgs situés au pied même du volcan, car l’activité du volcan est quasi permanente depuis 1955. Le port de l’île est situé à cinq kilomètres du cratère actif. La presqu’île abrite 5 875 habitants.
Une nouvelle coulée de lave en 1946 marque le début d’une phase d’activité explosive quasi permanente, au Minami-dake. Les dépôts emportés par les pluies donnent de nombreux lahars, comme celui de 1974, qui fait huit morts. Cette nouvelle phase d’activité est bien documentée à partir de 1960, avec l’installation de l’observatoire volcanologique du Sakurajima au pied oriental du volcan. Le volcan a bénéficié aussi, dans la décennie 1990, de son statut de volcan « laboratoire » dans le cadre de la décennie pour la réduction des risques naturels conçue par l’ONU58.
Cette nouvelle phase d’activité sommitale subcontinue se caractérise par une éruption tous les deux ou trois jours en moyenne, parfois même plusieurs dans la même journée. Ainsi, plus de 7 700 explosions ont été enregistrées entre 1955 et 2001. Entre 3 et 29 M t de cendres sont expulsées annuellement, le maximum ayant été atteint en 1985 (figure 1-1). À cause de cette nappe de matériaux fins et non consolidés, et d’un important volume de précipitations pendant la saison des pluies ou lors des typhons59, des coulées de débris se produisent régulièrement. Elles seraient « pratiquement contrôlées par l’ingénierie sabô 60 » d’après le centre de recherche volcanologique de l’Université de Tôkyô (VRC).
L’activité explosive sommitale du Minami-dake qui a commencé en octobre 1955 a connu un paroxysme dans les décennies 1970 et 1980, puis s’est atténuée après 1993, à tel point que seulement 100 000 tonnes de cendres ont été émises annuellement depuis 2001, contre 10 à 30 M chaque année dans la décennie 1980. Il semblerait que le conduit magmatique ait été obturé. Le nombre d’explosions annuel est irrégulier, avec des répits très nets (1971, 1989, 1997) ainsi que des pics (1960, 1974, 1985) associés à de puissantes projections de bombes volcaniques (≥4 km) et parfois de courtes nuées ardentes (≤1,2 km). Il s’agit d’explosions, bakuhatsu 爆発, éruptions associées à des ondes de choc qui dépassent 0,1 hPa enregistrés sur l’île, des séismes, et des bombes volcaniques expulsées hors du cratère. Les coulées et chutes pyroclastiques les plus dangereuses ne passant pas les flancs du volcan, la création d’une zone interdite de deux kilomètres de rayon autour du cratère actif suffit pour limiter ces risques. Par contre, les lahars atteignent régulièrement la zone côtière peuplée et le littoral du Sakurajima, tandis que les pluies de cendres, selon la direction des vents, se font régulièrement sentir à Kagoshima.
Source : Kishôchô (2005)
Plus récemment, les bulletins du Global Volcanism Program soulignent une reprise à partir de 2004, la plus forte depuis quatre ans. En juin 2006, pour la première fois depuis l’éruption de 1946, des explosions sont parties non pas du cratère du Minami-dake mais de son flanc, depuis le cratère Shôwa昭和火口. Ouvert en 1946 vers 800 m d’altitude, celui-ci est situé à mi-pente du flanc oriental du Minami-dake, donc du côté opposé à Kagoshima. L’éruption s’est maintenue de façon intermittente les jours suivants, et le Kishôchô annonce que l’activité volcanique passe du niveau deux (état habituel du Sakurajima) au niveau trois61.
Même si aucune donnée ne laisse supposer la montée ou l’intrusion d’un grand volume de magma sous le volcan à l’heure actuelle, selon le directeur de l’observatoire (SVO) Ishihara Kazuhiro石原和弘, « l’augmentation de l’activité du Sakurajima est probablement inévitable ». Il a demandé aux résidents de signaler tout phénomène anormal62 le plus rapidement possible aux autorités ou à la sécurité civile. Les premiers signes de l’activité actuelle ont été signalés le dimanche 4 juin au Kishôdai 63 et à la préfecture de Kagoshima par un technicien de l’observatoire volcanologique, d’après les données d’observation, confirmées par l’observatoire après une inspection de terrain. La crise fut brève, et le 18 août, le niveau d’activité était ramené de trois à deux, un niveau resté inchangé un an plus tard, et qui correspond à une activité limitée à des explosions accompagnées de pluies de cendres occasionnelles.
Si les données sismiques indiquent que l’accumulation de magma sous la caldera se poursuit, aucun mouvement de magma de grande ampleur n’a pu être observé directement sous le Sakurajima. L’alimentation magmatique de la chambre impose une vigilance maintenue, l’éventualité d’une réactivation ne devant pas être écartée. D’après les données GPS, le magma dans la caldera d’Aira serait à 80 % du niveau de la quantité émise en 1914. Depuis dix ans, environ 10 M m3 se seraient accumulés.
Depuis cinquante ans, les produits éruptifs divers, gaz, cendres, lapilli et bombes volcaniques, les ondes de choc qui accompagnent les explosions ainsi que les lahars secondaires ont régulièrement fait des dégâts de tous côtés, y compris hors de l’île. Le cas du Sakurajima constitue un exemple rare d’aléa d’intensité modérée mais de fréquence élevée, qui oblige, tout en étant préparé à une évacuation en cas d’éruption plus violente, à gérer au quotidien les chutes de cendres en milieu urbain (Cf. p. 270 sqq.).
Grâce à ce statut international, une page anglophone lui est consacrée sur le site du Volcano Research Center (VRC) de l’université de Tôkyô :
http://hakone.eri.u-tokyo.ac.jp/unzen/sakura/sakura.html.
D’après les statistiques du Kishôchô, il tombe en moyenne 700 mm à Kagoshima pendant la saison des pluies qui dure du début juin à la mi juillet - tsuyu, ; les typhons qui s’enchaînent (pour les deux tiers en août-septembre) apportent aussi des pluies de forte intensité, qui peuvent dépasser en quelques jours le double ou le triple mensuel usuel (données pour 1951-2005, issues de la page http://www.data.kishou.go.jp).
Cf. le chapitre cinq, p. 149 sq.
L’échelle d’activité volcanique comporte six degrés, de zéro pour l’absence d’activité (ce qui n’a jamais été enregistré pour ce volcan), à cinq pour une éruption affectant toute l’île avec émission de lave, comme en 1946 ou 1914.
Les phénomènes éruptifs sont décrits dans la nouvelle « disaster map » distribuée aux riverains en mars 2006.
気象台. Station météorologique régionale, qui est aussi chargée d’observations sismiques et volcanologiques. Le système de surveillance japonais est présenté plus en détail au chapitre six.