b) Le « rhume » de l’ère Heisei

L’éruption du mont Unzen pendant la première moitié de la décennie 1990 est une catastrophe majeure. Elle commence par une éruption phréatique en novembre 1990, après plusieurs mois de recrudescence sismique. La montée vers la surface d’un magma pâteux, de la dacite, se traduit par l’apparition d’un dôme de lave en forme de chou-fleur. Instable et soumis à la poussée continue du magma sous-jacent, ce dôme fini par s’effondrer en générant des coulées pyroclastiques de type Merapi. La première, le 24 mai 1991, fit une victime. La municipalité recommanda alors aux résidents d’évacuer la zone. Le 3 juin 1991, la coulée la plus longue de toute la période éruptive atteignit le pied oriental du volcan, à cinq kilomètres et demi du cratère, et tua quarante-trois personnes. Ce drame, survenu dans une zone qui avait été évacué au préalable par les autorités, a contribué à soulever des critiques contre la gestion de crise. Une carte de risque, alors en préparation à Tôkyô, fut apportée aux autorités locales quelques jours plus tard.

Carte 1-3 – Plan de Shimabara sud (Mizunashi gawa et Heisei machi)
Carte 1-3 – Plan de Shimabara sud (Mizunashi gawa et Heisei machi)
Carte 1-4 – Le lotissement d’Annaka Sankaku
Carte 1-4 – Le lotissement d’Annaka Sankaku

Le processus de croissance-effondrement du dôme s’est répété une douzaine de fois pendant quatre années, avant que l’alimentation magmatique ne se tarisse. Environ 9 400 coulées pyroclastiques furent enregistrées entre mai 1991 et la fin de l’éruption en 199564, pour un volume de magma d’environ 0,2 km3 en cinq ans65. Les dépôts résultants des effondrements successifs sont largement répandus sur les flancs orientaux et au pied du volcan. À chaque saison des pluies, en juin et surtout en fin d’été, ils sont remobilisés sous forme de lahar. Au total plus de 2 000 maisons furent détruites par l’un ou l’autre des phénomènes entre 1991 et 1993. Près de 12 000 personnes furent évacuées à partir de l’été 1991. 7 000 l’étaient encore après un an66, 3 000 à la fin de 1993.

Le Mayu-yama, par sa position de barrière entre Shimabara et le sommet, contribua cette fois à protéger le centre de la ville des décharges pyroclastiques et torrentielles. La zone la plus touchée se situe plus au sud, le long d’un lit torrentiel (Mizunashi gawa 水無川 : la « rivière sans eau »), aujourd’hui bardé d’ouvrages de protection. Les anciens résidents, organisés en association, ont décidé de réinvestir le site après qu’il eut été surélevé pour éviter les inondations. Les dépôts de lahars constamment dragués dans le cadre du programme sabô ont servi à construire, entre les deux bras du chenal torrentiel rectifié et dédoublé, un terre plein surélevé de quelques mètres en forme de triangle, prolongé sur la mer par un polder artificiel, Heisei Machi 平成町, la « ville de l’ère Heisei » (carte 1-3).

Le programme de rénovation, conduit à la fois par la section sabô et la municipalité, est loin d’avoir effacé les séquelles de la dernière éruption. Si les constructions nouvelles qui se multiplient donnent une allure de périurbain classique au lotissement (carte 1-4, photo 1-1 : maisons reconstruites sur des terres pleins surélevés et serres à l’arrière plan), le parcellaire redessiné montre très clairement l’opposition entre les secteurs pentus, protégés de l’éruption, où les parcelles anciennes sont minuscules et imbriquées, et le cône alluvial qui porte les nouveaux champs, vastes et découpés au cordeau, le long des digues et des bassins de rétention sabô.

La reconquête d’Annaka Sankaku安中三角, au pied même du nouveau dôme (photo 1-2), pose un défi à la prévention, même si sa réoccupation reste d’abord agricole, et la densité limitée. Elle est aussi significative d’un ajustement au risque qui répond à la volonté de certains anciens résidents de rester sur place. L’argument économique doit entrer en ligne de compte également, les terrains de ce quartier réaménagé étant meilleurs marché que ceux de Shimabara. Alors, transgression ou bien adaptation ?

L’exposition au danger perdure, comme l’attestent les études sur le potentiel effondrement du dôme en place à la suite d’un séisme ou de très fortes pluies. Rencontré en avril 2006, le directeur du bureau des travaux de restauration de l’Unzen (une antenne sabô), Hata Kôji 秦耕二, reconnaissait qu’il existait un danger que le dôme s’écroule, et que la surveillance n’était pas opérationnelle67. Il est vrai que les conditions d’observation fine sont particulièrement délicates. Par exemple, le système d’observation mis en place en 1997 a rapidement été mis hors d’usage par les gaz volcaniques et leur effet corrosif ; remplacer et installer les équipements à proximité du sommet coûte extrêmement cher. Sans jouer les Cassandre, il convient de reconnaître que la situation du lotissement d’Annaka est particulièrement vulnérable, d’autant que la situation semble taboue : les résidents, même mal informés, veulent croire que la surélévation les a mis hors de danger. Si le degré de sécurité vis-à-vis d’une coulée torrentielle semble acceptable, il n’en est pas de même vis-à-vis d’un événement de plus grande ampleur, qui serait impossible à maîtriser.

Notes
64.

Nakada (1997).

65.

Bureau des travaux de restauration de l’Unzen - Unzen fukkô jimusho 雲仙 復興 事務所(2002).

66.

Yanagi et al. (1992).

67.

« 溶岩ドームが崩れる危険性はあります[...]つまり、現状では、ドームのモニター誰も行っていません ».