L’exemple de Miyake illustre assez bien la contingence d’une gestion de crise, à travers les tensions entre des niveaux d’autorité emboîtés, accrus par le contraste entre Tôkyô et Miyake-jima, et les développements incertains d’une éruption. Des années plus tard, le dernier épisode éruptif imprime encore sa marque non seulement dans le paysage de l’île, profondément transformé sous l’effet des cendres et des gaz comme par les sabô devenus ubiquistes, par les informations de préventions visuelles et sonores comme par les transformations du bâti résidentiel, mais aussi dans le peuplement et les activités insulaires. Pour mieux cerner dans quelle mesure la condition de petite île - dans l’orbite de Tôkyô du surcroît, joue un rôle déterminant dans le traitement de la crise, pour mieux comprendre les paramètres en jeu, il convenait d’observer des îles volcaniques encore plus lointaines et plus isolées.
Le centre des îles éloignées (Ritô sentâ) recense vingt-trois îles volcaniques actives84. Elles sont toutes présentées à la fin de l’annexe 1. Sur ces vingt-trois îles ou îlots – parfois un simple rocher en mer, sept sont désertes, autant n’ont pas eu d’éruption historique ou du moins pas depuis près de douze siècles, une est trop lointaine et entièrement dédiée à l’armée. Parmi celles qui restent, j’ai privilégié celles qui possédaient les volcans les plus actifs (Satsuma Iô-jima et Suwanose-jima).
Par contre, à Ô-shima, trop proche de Miyake, j’ai préféré une autre île de l’archipel d’Izu, Aoga-shima. Lointaine périphérie du département de Tôkyô, elle est aussi en retrait par sa population. Avec deux cents habitants, Aoga-shima se targue en effet d’être le plus petit village du Japon. L’activité volcanique a imposé un demi-siècle d’évacuation fin XVIIIe. Discrète depuis, elle n’empêche pas la géothermie d’être mise à profit.
Dans l’archipel des Tokara トカラ(吐噶喇)列島ou à proximité, Kuchinoerabu-jima ou Nakano-shima auraient sans doute été de bonnes candidates. À leur place, Suwanose-jima a été retenue, outre l’intensité de l’aléa, pour sa richesse culturelle, évoquée plus loin, et l’évacuation qui la vidée de ses habitants pendant la majorité du XIXe siècle. Les trois îles qui vont être analysées ici n’ont pas connu de catastrophe majeure qui puisse être comparée à celles décrites plus haut. Pour cause, la modicité de leur population, qui ne dépasse pas 150 habitants à Iô-jima et moitié moins à Suwanose-jima. Contrairement à Aoga-shima, qui constitue un village à elle toute seule, Iô-jima fait partie de la commune de Mishima 三島村 (450 habitants répartis sur trois îles), tandis que Suwanose-jima est l’une des sept îles du village-archipel de Tokara トカラ 村 (600 habitants en tout).
L’activité économique de ces petites îles compose avec et valorise au mieux la présence du volcan.
Kakkazan-tô 活火山島. Shimadas (2004) p. 1155.