IV. D’autres grandes catastrophes qui ont marqué l’histoire de l’Archipel
Avant d’étudier plus avant le contexte géologique qui sous-tend toute cette activité volcanique, ces derniers paragraphes rendent justice aux autres volcans de l’archipel qui ont connu une activité significative, même si le cadre de l’étude ne permet pas de les aborder tous dans le détail. Ils font partie des perspectives de travail qui pourront prolonger cette recherche.
L’essentiel des informations qui suivent proviennent des données, soit du catalogue des volcans actifs japonais tenu à jour par le Kishôchô
90, soit de la banque de donnée internationale de référence pour tous les volcans actifs de la planète, le Global Volcanism Program (GVP), gérée par la Smithonian Institution américaine91. Les données concernant les îles éloignées sont tirées du catalogue des îles éloignées Shimadas
92. La présentation suit une progression géographique du nord au sud et du centre aux périphéries, en suivant la carte n°1 de l’introduction générale.
- Tokachi-dake (Hokkaidô) : durant le seul XXe siècle, il a connu deux violentes éruptions en 1926 et 1962, puis une autre moins volumineuse en 1988-1989. Trois noyaux d’habitat, en plus d’un habitat dispersé important spécifique à Hokkaidô sont sous sa menace directe. Biei 美瑛町et Kami-furano 上富良野町sont deux petites villes93 installées depuis environ un siècle au débouché de deux vallées radiales à environ vingt kilomètres du sommet du volcan. Sur le territoire de Biei, Shirogane Onsen白金温泉, une station thermale où résident trente-cinq habitants permanents, est établie à moins de sept kilomètres du cratère principal.
La fonte du manteau neigeux et l’effondrement d’un flanc du volcan pendant l’éruption de 1929 ont provoqué un lahar destructeur qui fit 144 victimes, détruisit la forêt primaire. Avec les cendres, il a stérilisé une grande partie des sols agricoles, qu’il a fallu recouvrir par des tombereaux de terre rapportée avant de pouvoir de nouveau les mettre en culture. En juin 1962, le volcan connut une autre éruption de grande ampleur lors de laquelle cinq mineurs récoltant du soufre dans une mine à proximité du cratère furent tués par des chutes de blocs. La dernière éruption, lors de l’hiver 1988-1989, n’a pas fait de victimes, mais les petites coulées de débris et de boue qui se succédèrent obligèrent les habitants de Shirogane à évacuer la station pendant 127 jours, et causèrent à l’époque près de 150 millions de yens de dégâts dans les deux municipalités voisines94.
- Komaga-take (Hokkaidô) : l’éruption de 1640 a fait sept cents morts, suite à une avalanche de débris et un tsunami provoqué par l’entrée des matériaux dans la baie voisine. En 1929, une nouvelle éruption accompagnée de coulées pyroclastiques, de lahars et de chutes de cendres fit quatre victimes.
- Iwate-san (Tôhoku 東北) : sa dernière éruption remonte à 1919. La ville voisine de Morioka盛岡市(près de 300 000 habitants) est construite sur des dépôts d’effondrements historiques, à moins de vingt kilomètres du sommet. En 1998 une crise sismique notable s’est produite, suivie par d’autres précurseurs d’activité (déformations crustales, transformation de l’activité fumerolienne). Malgré une annonce du comité de prédiction des éruptions indiquant une hausse de l’activité et un bulletin d’alerte du Kishôchô en novembre 1999, les effets de l’intrusion magmatique observée se sont estompés par la suite sans qu’aucune éruption n’ait lieu. L’expérience atteste que les précurseurs ne débouchent pas systématiquement sur une éruption ce qui est une pièce supplémentaire au casse tête de la prévention pour la population riveraine en cas d’alerte.
- Adatara-yama (Tôhoku) : une éruption phréatique en 1900 détruisit une mine de soufre proche du cratère et tua soixante-douze mineurs et en blesse dix autres, qui travaillaient tous dans le cratère.
- Bandai-san (Tôhoku) : forme un ensemble de stratovolcans superposés. Le « petit » Bandai (Ko-bandai 小磐梯) connut une éruption phréatique majeure en juillet 1888 qui provoqua, après une série d’explosions, l’effondrement de la partie nord de l’édifice, ouvert en un fer à cheval d’environ deux kilomètres de côté. Une avalanche de débris, provoqua la mort de 461 personnes et des dégâts considérables : enfouissement de villages, destruction de forêts et de terres cultivées. 1,5 milliards de m3 de téphras furent expulsées ; le réseau hydrographique perturbé a donné naissance à plusieurs lacs. Les cendres atteignirent le Pacifique, à plus de 80 kilomètres de distance.
Depuis, la seule activité est celle enregistrée par les sismographes, et l’effondrement occasionnel de matériaux instables, notamment en 1938 lorsque les débris atteignirent une zone habitée (deux morts, cinq blessés et quatre maisons détruites). Les flancs sont aujourd’hui largement boisés, dédiés au golf et à la pratique de ski.
- Izu Tori-shima (archipel d’Izu-Bonin) : îlot volcanique de 2,7 km de diamètre situé six cents kilomètres au sud de la capitale. L’éruption de 1902 a tué les 125 insulaires. Celle de 1939 a définitivement chassé les nouveaux habitants qui avaient tenté de se réinstaller. Seul un observatoire météorologique a ensuite fonctionné, entre 1947 et 1965, mais il a aussi dû fermer à cause de séismes volcaniques accrus. Depuis l’île est totalement déserte. Une autre éruption a eu lieu en 2002.
- Mont Aso : constitué d’une grande caldera de vingt-cinq kilomètres de diamètre, parsemé de dix-sept cônes dont l’un, le Naka-dake 中岳, a une activité strombolienne particulièrement vigoureuse. Les chutes de bombes ont souvent été meurtrières, comme en 1958 (onze morts) et en 1979 (trois morts et onze blessés), ce qui n’empêche pas le sommet, accessible par route et téléphérique, d’être une destination touristique très populaire.
Notes
90.
Kishôchô (2005), pour l’édition papier la plus récente, ou sur son site internet (cf. sitographie en annexe).
91.
Simkin et Siebert (1994). Le GVP propose un cadrage rapide et illustré sur les régions volcaniques et tous leurs édifices actifs. Il publie aussi des bulletins hebdomadaires et mensuels sur l’activité des volcans de la planète. Une version mise à jour est disponible en ligne depuis 2002 : Siebert et Simkin (2002- ). Le tiret est recommandé par l’institution elle-même.
92.
Ritô sentâ (2004b). Traduction P.Pelletier.
93.
De 11 300 et 12 300 habitants respectivement en 2007, d’après le registre communal (jûminhyô 住民票).
94.
Katsui et al. (1990), Hokkaidô Sômubu (1991).