2. Huit aléas volcaniques majeurs

L’archipel nippon est caractérisé par un volcanisme de type explosif potentiellement redoutable. Dans ce contexte, les aléas les plus destructeurs sont les écoulements et les chutes pyroclastiques, en raison de leur rapidité et de leur température. Les coulées de lave, chutes de blocs et émissions de gaz sont aussi communes. Les éruptions s’accompagnent parfois de phénomènes induits comme des tsunamis ou d’amples déformations crustales.

Pour mieux hiérarchiser toutes ces manifestations, les volcanologues utilisent depuis les années 1980 un indice d’explosivité volcanique (VEI)130. Cet indice indique l’ampleur relative d’une éruption volcanique, dont l’estimation et basée sur le volume de matériaux émis, la hauteur de la colonne éruptive, la durée de l’éruption, et sa description qualitative. L’échelle est ouverte, graduée de zéro à huit, de l’expulsion de quelques milliers de mètres cubes à plusieurs milliers de kilomètres cubes de laves, pyroclastites et gaz. Le VEI indique une explosivité croissant de manière logarithmique, le passage d’un degré au suivant signifiant un facteur dix pour l’augmentation du volume d’éjectats. Les volumes estimés sont indiqués en «équivalent roche dense », sans tenir compte de la porosité ou de la perméabilité des matériaux.

Cette échelle pourrait être rapprochée de celle de Richer pour mesurer la magnitude des séismes. Les éruptions sont d’autant plus importantes qu’elles sont rares ; le tableau ci-dessous en indique le nombre pour chaque degré, avec les paramètres retenus et quelques exemples.

Par ailleurs, plusieurs critères de classement des différents phénomènes éruptifs existent. À des fins appliquées, les aléas primaires s’opposent aux aléas secondaires. Ceux-ci sont manifestations directes de l’activité éruptive, depuis les déformations du sol et les séismes précurseurs jusqu’à l’expulsion de magma sous une forme ou une autre ; ceux-là sont causés par les premiers et peuvent se produire pendant l’éruption, comme un tsunami, ou après coup, comme certains lahars. Puisque ils peuvent survenir tant que le stock de téphras n’est pas épuisé, ces lahars, écoulements torrentiels mobilisant des matériaux d’origine volcanique, nécessitent une gestion sur le long terme.

Tableau 2-2 – Estimation de l’intensité des éruptions – l’indice d’explosivité volcanique (VEI)
VEI Description
(nombre à l’holocène)
Panache (alt. en km) Volume Type Exemples (d'après le GVP)
0 Non-explosif < 0,1 milliers de m3 Hawaiien Izu Tori-shima 1965 (éruption sous-marine)
1 Doux 0,1 - 1 dizaine de milliers de m3 Hawaïen / Strombolien Ô-shima 1970, Komaga-take 1996 et 2000, Suwanose 2004, Miyake 2004-2006
2 Explosif (3 477) 1 - 5 Millions de m3 Strombolien / Vulcanien Unzen 1792, Usu 2000, Asama 2004
3 Sévère (868) 3 - 15 dizaines de millions de m3 Vulcanien
Usu 1977, Miyake 1983 et 2000, Sakurajima depuis 1955, Nevado Del Ruiz (Colombie) 1985
4 Cataclysmique (278) 10 - 25 centaines de millions de m3 Vulc. /Plinien Sakurajima 1914, Pelée 1902, Asama 1783, Bandai 1888, Suwanose 1813
5 Paroxysmique (84) > 25 1 km3
(1 Md m3)
Plinien Asama 1108, Komaga-take 1640, Usu 1663, Fuji 1707. St Helens (États-Unis) 1980, Vésuve 79
6 Colossal (39) > 25 dizaines de km3 (Ultra)-Plinien Caldera de Mashû 4 880 BP, Pinatubo (Philippines) 1991, Krakatoa (Indonésie) 1883
7 Super-colossal (4) > 25 centaines de km3 Ultra-Plinien caldera de Kikai 6 300 BP, Tambora (Indonésie) 1815
8 Méga-colossal (0) > 25 milliers de km3 Ultra-Plinien Yellowstone (États-Unis) 2 Ma et 600 000 BP, Lac Toba (Sumatra) 730 000 BP

Sources : Simkin et Siebert (1994); USGS (1999)

Il est aussi possible d’isoler les phénomènes cantonnés à proximité du volcan, comme les chutes de blocs ou l’émission de gaz volcaniques à haute concentration, de ceux qui peuvent parcourir plusieurs dizaines ou une centaine de kilomètres ; ceux dont la trajectoire est chenalisée et commandée par la topographie de ceux qui s’en affranchissent au moins partiellement ou dont la diffusion dépend des conditions atmosphériques ; ceux qui sont brutaux et rapides, de ceux qui sont lents et progressifs. La figure suivante présente ces aléas principaux et leur champ d’action théorique.

Tableau 2-3 – Influence théorique de la distance sur l’impact des phénomènes éruptifs.
Tableau 2-3 – Influence théorique de la distance sur l’impact des phénomènes éruptifs.

D’après Chester et al. (2001)

Ce tableau fait bien apparaître la variété des aléas impliqués : les chutes de cendres et de blocs abîment le bâti, la végétation et les cultures et perturbent les échanges, tandis que les coulées (laves, boue et débris, pyroclastites) brûlent ou ensevelissent tout sur leur passage. Les dégâts peuvent être exportés loin en aval, soit parce que les cendres fines sont portées par le vent sur de longues distances, soit que le réseau hydrographique relaie le transport des matériaux issus du cratère. Les processus de relais, dans lesquels les phénomènes s’enchaînent, sont un facteur de catastrophe au moins aussi important que l’éruption elle-même : tsunamis dans une baie après une éruption sous marine ou l’écroulement d’une partie de l’édifice, comme à l’Unzen en 1792, ou bien lahars causés par la fonte brutale du manteau neigeux déstabilisé par le magma, comme au Tokachi-dake en 1926.

Un dernier aléa peu présenter localement un danger. Il s’agit des conséquences des circulations hydrothermales et gazeuses dans les portions de terrains poreuses et fracturées. L’altération chimique des terrains superficiels peut être très avancée, et provoquer l’instabilité du sol voire son effondrement. Ces circulations dans le sous-sol se traduisent en surface par une activité fumerolienne énergique et des dépôts minéraux très purs (soufre notamment) ; elles ne concernent que les abords immédiats (quelques centaines de mètres, voir kilomètres autour) de certains volcans actifs comme Noboribetsu, le Tokachi-dake ou l’Osore par exemple. Autrement, elles sont l’apanage de l’activité sous-marine qui ne sera pas abordée dans ce travail.

En résumé, on distinguera des aléas proximaux (cerclés en trait continu dans le tableau), dont l’influence ne s’étend pas au-delà de la centaine de kilomètres, et les aléas distaux (en pointillé). Tout comme il existe une corrélation statistique inverse entre l’intensité d’une éruption et sa fréquence, on peut dire que les aléas distaux sont plus rares et sont plutôt à redouter dans un avenir plus ou moins lointain (demain, le mont Fuji ?), tandis que les aléas proximaux sont courants ; ce sont ces derniers qui se produisent aujourd’hui, qui sont documentés par les éruptions des dernières décennies. Ces éruptions de fraîches dates, parce qu’elles sont imprimés dans les mémoires, donnent le « la » des actions menées par la société en matière de mitigation.

Notes
130.

Newhall C. G., S. Self (1982). "The volcanic explosivity index (VEI): An estimate of explosive magnitude for historical volcanism". Journal of Geophysical Research (87): 1231–1238.