Le Japon a finalement abandonné en juin 2004 le premier projet de zonage du risque, qui visait à mieux contrôler l’usage du sol autour d’un volcan actif de Hokkaidô, le mont Usu, dont les éruptions se succèdent pourtant régulièrement. Après sa dernière éruption un ambitieux zonage avait été planifié par les trois communes qui sont à son pied. Il incluait une zone "A" non constructible ; une zone "X", sommet du cône de déjection destiné à des ouvrages sabô ; une zone "B", zone tampon inconstructible (projet de parc végétalisé avec digues sabô) ; et une zone "C", zone constructible mais réglementée (commerces et bâtiments publics fréquentés à la journée seulement, relocalisation conseillée pour le bâti existant). Dans le même temps, le redéploiement des centres urbains riverains du lac était prévu, de façon à limiter l’urbanisation et la concentration de fonctions vitales dans l’aire à risque. Comparable aux PPR français, ce projet était sans équivalent au Japon où la tentative de planification visant à enrayer l’extension urbaine désordonnée de la Haute Croissance (1955-1973) avait échoué. En effet, le projet de loi de l’époque prévoyait bien des zones de protection où les aménagements seraient strictement interdits, mais la loi promulguée en 1968 n’inclut plus aucune zone de cette nature. Plus permissive, elle laisse au contraire des « espaces indéterminés » aux règlements flous, notamment dans les petites villes205.
Dans les régions volcaniques, souvent rurales, on peut comprendre que cette absence de routine juridique ne facilite pas la mise en place de réglementations. Témoin de ces difficultés, l’abandon du projet de zonage du mont Usu s’explique autant à cause du refus d’implication financière de l’Etat central que pour éviter localement le casse-tête d’un tracé précis des frontières entre zones réglementées. C’est une façon, en quelque sorte, de reconnaître que les études scientifiques n’ont pas un statut intangible, tout en éludant la négociation et incidemment la confrontation qui pourrait en résulter, entre des acteurs et leurs intérêts contradictoires : demande sécuritaire des résidents et prévention des risques d’un côté, pression foncière sur un territoire attractif et développement du tourisme de l’autre. Ce revirement n’est pas nécessairement un retour en arrière : le parc sabô sera bientôt achevé, les acteurs locaux sont en quête de mesures de prévention alternatives. Mais la disparition de la zone C porte un coup dur à toute tentative future de zonage du risque à l’échelle du pays. Moins parce que le projet avait d’emblée vocation de modèle ou de pilote que parce que parce l’aura de la gestion de crise de 2000 aurait pu largement contribuer à sa dissémination en dehors de Hokkaidô.
Doi (2000).