b) La nouvelle cartographie (mont Fuji)

Le même embarras face au zonage se lit dans la cartographie du risque au mont Fuji. Celle-ci est partie intégrante du projet Fuji, mis en place en 2001. Cette fois, la valeur de modèle est clairement affirmée, et ce projet a été l’occasion de remettre à plat la méthodologie de la cartographie telle qu’elle était présentée dans le guide de 1992. Désormais, le comité en charge de la carte dispose de moyens technologiques qui permettent d’envisager de nouveaux types de cartes : une cartographie en trois dimensions, par le biais de modèles numériques de terrain réalisés à partir de radars aéroportés206, et une cartographie dynamique, avec des modèles de simulation de coulées de lave, de lahar ou de déformations du sol.

Dans le cas du mont Fuji, la catastrophe de 1707 sert de modèle de référence pour la prévision ; elle a été réinterprétée dans le cadre d’une enquête de terrain préliminaire destinée à réactualiser les connaissances sur l’histoire longue du volcan. En 1707, la dernière éruption majeure de ce stratovolcan de 3 776 m de haut avait expulsé 1,7 km3 de cendres jusqu’à Edo, l’ancienne Tôkyô. De nos jours, vingt et un millions de touristes207 visitent chaque année les lacs qui l’entourent, réputés pour leurs points de vue, et environ 300 000 en font l’ascension, essentiellement pendant l’ouverture officielle de juillet et août. L’affichage de la prévention a longtemps été différé car les résidents considéraient d’un mauvais œil la publicité d’une carte de risque explicitant l’ampleur du potentiel destructeur du volcan assoupi. La gestion de crise réussie au mont Usu, doté d’une carte de risque cinq ans avant l’éruption, a finalement contribué à décider les élus locaux. La surveillance sismique, continue depuis 1980, a aussi montré une augmentation significative du nombre de séismes profonds de faible magnitude208. Témoignant simplement d’une légère modification de la pression sous le volcan, elle a rappelé par le biais des médias, qui ont largement diffusé l’épisode, que le mont Fuji n’est pas un volcan éteint – ou que ce qualificatif n’avait pas de sens à l’échelle volcanique des temps. De nouvelles stations sismiques ont été implantées depuis, et un groupe de travail a été créé pour étudier l’activité passée du volcan, proposer des scénarios et établir un plan de prévention. Trois ans de travaux ont débouché en août 2004 sur la publication d’une carte de risque dans les municipalités limitrophes. Les cartes municipales sont réalisées sur un même modèle. À côté d’une carte à petite échelle présentant, pour l’ensemble du stratovolcan, les différents aléas et leur aire d’extension possible en pointillés (coulée de lave, chute de blocs et de cendres, coulées pyroclastiques et de débris), un agrandissement du territoire communal avec la même légende mais à plus grande échelle, porte mention des lieux d’évacuation. Si la bôsai mappu (format A1) de la ville de Fuji est assez détaillée (carte au 28 000e sur fond topographique et planimétrique), l’hazâdo mappu (format A2)de la ville voisine de Fujinomiya, au 50 000e, ne suggère le relief que par estompage, et seul le réseau routier est figuré en plus des informations sur le risque, tandis qu’un carton rappelle les « bénédictions » du volcan (sources thermales – onsen, lacs, etc.).

Fait nouveau par rapport aux publications précédentes, la cartographie inclut quatre zones de danger décroissant, ou plus exactement de temps de répit croissant à mesure qu’on s’éloigne du sommet. Autour de l’aire centrale des cratères se trouve un périmètre où il est nécessaire d’évacuer dès le début de l’éruption, puis une zone intermédiaire où le répit peut atteindre une journée selon les cas, et enfin une zone périphérique concernée par les évacuations seulement lors d’éruptions de grande ampleur (il est demandé d’écouter attentivement les informations diffusées). Il ne s’agit donc pas au sens strict d’un zonage en niveaux de risque, mais ce découpage peut néanmoins être considéré comme un ingénieux moyen de contourner l’épineux problème du zonage : le temps n’étant pas discontinu, l’employer comme borne revient à délimiter concrètement des zones de danger, matérialisées sur la carte, tout en relativisant la portée de la limite et donc la source de contestation éventuelle. Enfin une carte éditée pour les touristes localise les sites remarquables créés par les éruptions, met en scène un volcan qui rappelle, malgré son caractère actif, l’absence d’éruption dans un futur proche et la possibilité d’en faire l’ascension en toute sûreté.

Notes
206.

Les cartes des études de cas présentées dans le premier chapitre sont établies à partir de ces données radar. L’avantage est de se passer des courbes de niveau tout en ayant un rendu de la dimension verticale extrêmement précis (le capteur est capable de faire abstraction de toute couverture végétale et donne une vision « écorchée » de la surface terrestre en haute résolution).

207.

Asahi Shimbun (2001).

208.

274 ont été enregistrés en tout entre 1980 et 1999, contre 180 en 2000 et 172 en 2001 (Ukawa, 2003).