c) L’achèvement de l’institutionnalisation après guerre

De la restauration Meiji à la guerre, aucune éruption volcanique majeure n’a menacé le centre politique comme au XVIIIe siècle. Celles qui sont notables se produisent à l’écart de Tôkyô, au mont Bandai dans la région du Tôhoku (1888) et au Sakurajima (1914). Les sabô volcaniques stricto sensu sont d’ailleurs assez tardifs, puisque la législation relative aux volcans date de la fin des années 1980, alors que le Sakurajima connaît un pic d’activité, et que la catastrophe d’Armero (Colombie, 1986) a marqué les esprits.

Les flancs des montagnes, notamment ceux qui sont taillés dans des matériaux volcaniques, ont néanmoins pu contribuer de manière significative à la sédimentation dans les plaines. Cette contribution est malaisée à évaluer pour deux raisons qui découlent l’une de l’autre. Tout d’abord, l’utilisation des montagnes est peu « peuplante », comme le décrit Berque (1980a, 1982). L’absence de cheptel transhumant, notamment, a limité l’ampleur d’une déforestation qui a pu être importante ailleurs. Certains versants ont tout de même été intensément exploités pour la proto-industrie de la céramique (extraction d’argile et coupe de bois pour la cuisson), pour les salines ou pour le bois de construction. Les cultures ont pu exister aussi, mais ces activités sont moins bien connues et recensées que l’utilisation des plaines, car l’administration fiscale d’Edo basait l’imposition (et donc le cadastre) sur la production rizicole.

Les techniques de construction ont sans cesse été perfectionnées, reflétant la vitalité du développement technologique dans d’autres domaines. Depuis l’éruption de l’Unzen, des machines sans conducteurs, commandées à distance depuis une cabine de contrôle, sont utilisées au pied des volcans actifs (Usu). Elles permettent de poursuivre des chantiers sur des sites réputés dangereux, sans mettre en danger la vie des ouvriers. Dans un pays qui affectionne les robots, cette tendance atteste la confiance dans le progrès technologique, et la certitude qu’il est possible de venir à bout sinon de contrer durablement l’énergie des torrents qui descendent des flancs des montagnes ou des volcans actifs.

La politique de protection acquiert progressivement une structuration et une institutionnalisation toujours plus aboutie : révision des lois existantes et promulgation de lois nouvelles, pour la prévention des glissements de terrain et des effondrements ; création de départements ad hoc dans les ministères, et de centres de recherche et d’ingénierie.

Dans le cas général des rivières, la protection active peut être plus importante que les barrages : sans action sur la source de l’érosion, ceux-ci sont rapidement comblés et leur action réduite à néant. Par contre autour des volcans actifs il est beaucoup plus difficile d’agir sur la source des sédiments, toute tentative de revégétalisation, même bien conduite, étant susceptible d’être recouverte par les dépôts de l’éruption suivante.