b) Depuis l’après guerre

Le système de 1955 (gojûgo nen taisei, 55年体制), ordre politique en vigueur de la fondation du PLD en 1955 jusqu’à la crise, se maintient depuis pour l’essentiel, malgré les déboires du parti dominant. Cette continuité gouvernementale explique la consolidation et l’importance prise par les réseaux entre élus, administration et patronat – source d’une corruption récurrente qui est manifeste dans le secteur du bâtiment, et l’une des raisons qui a coûté le pouvoir au PLD dans les années 1990. Cette situation n’a rien d’une spécificité culturelle japonaise ; en France par exemple le conseil de la concurrence épingle régulièrement les entreprises de construction pour des ententes faussant les appels d’offre et des financements irréguliers aux partis politiques242.

Ses racines datent d’avant guerre, puisque la rupture institutionnelle voulue par les Américains après 1945 ne touche pas l’appareil d’État. La culture politique antérieure s’est maintenue, avec le rétablissement de l’essentiel des élites et de la bureaucratie. Ceci explique largement le décalage entre la théorie (législation nouvelle) et la pratique du politique, qui dans le cas des travaux publics comme dans d’autres secteurs reste parfois peu démocratique et souvent informelle. D’autres éléments conjoncturels sont venus soutenir le maintien dans la durée et l’ancrage du secteur des travaux publics (BTP) dans l’économie :

  • les plans de relance soutenus par les États-Unis, avec des volets BTP fortement dotés ;
  • la Haute Croissance, en fournissant des capitaux mobilisables et en permettant une rapide progression des techniques ;
  • l’économie de Bulle ensuite, par la puissance industrielle et financière assurée par la survalorisation des actifs boursiers et immobiliers ;
  • les « fiefs » bureaucratiques et les organisations d’utilité publique, qui défendent des politiques de construction ;
  • le clientélisme légal (grande « foire à l’influence ») ;
  • les politiques de développement local, qui ont veillé à créer des emplois dans le BTP (filiales pléthoriques de compagnies de constructions dans le moindre village, comme on l’a observé dans les îles éloignées par exemple) ;
  • les catastrophes naturelles enfin, qu’elles soient nationales, historiques (Tokachi-dake 1926) ou récentes (Ise en 1951 ; Kôbe en 1995…) ou internationales (Armero, 1986), parce qu’elles mobilisent la conscience collective et alimentent le besoin de protection.

Notes
242.

Cf. l’affaire Drapo par exemple (Juillard J.-F., « Des patrons multirécidivistes au tableau de chasse de Bercy », Le Canard enchaîné, 25VII2007, p. 4). Le texte intégral de la décision est consultable sur le site du Conseil de la concurrence :
http://www.conseil-concurrence.fr/pdf/avis/06d07.pdf