a) Anticiper l’aléa

L’expérience de l’évacuation réussie au mont Usu, où un plan de prévention et une carte existaient au préalable, est un arrière plan capital au « projet Fuji ». La coïncidence de deux éruptions qui imposent un déplacement conséquent de population, la réussite apparente de la gestion de crise dans toutes ses étapes, ont donné un argument de poids pour lancer un plan de prévention dans la même inspiration. Plusieurs comités sont créés, avec des membres communs pour l’essentiel : universitaires avant tout (volcanologues mais aussi spécialistes de la prévention, sociologues, agronomes, ingénieurs sabô, etc.), représentants du gouvernement central (intérieur, MLIT – bureau sabô et Kishôchô), de la sécurité civile locales (département de Shizuoka et Yamanashi) et des media (NHK). « Le comité Fuji » (Fujisan kyôgikai富士山協議会), désignera à partir d’ici l’un ou l’autre de ces groupes, dont le principal organe et la commission de concertation pour la prévention du risque volcanique du Fuji-san347. Une commission spécifique a été constituée en son sein pour l’élaboration de la carte de risque348, d’autres encore pour la réflexion sur les contre-mesures349.

Le premier intérêt de ce « projet Fuji » est de faire collaborer les deux départements et une dizaine de municipalités pour un plan de prévention qui doit être pensé à l’échelle du volcan dans son ensemble, et non dans les limites administratives locales. Dans le cas du mont Fuji plus qu’ailleurs, en raison de la taille de l’édifice, l’existence d’un comité de coordination au niveau supérieur est un gage de cohérence et d’efficacité. Le projet a permis de doubler le nombre d’appareils de surveillance sur les flancs du volcan350, de mettre à jour et d’améliorer la compréhension de l’histoire du mont Fuji, ce qui s’est traduit par un nombre conséquent de publications ces dernières années, après un relatif désintérêt pour le volcan – comparé à d’autres plus actifs. Le récent projet de forage, évoqué plus haut, entre dans ce cadre. Une méthodologie de prévention régionale a été mise en place, et une version d’étape a été présentée en 2005351. Elle inclut dans sa réflexion les aspects suivants :

  • Évacuation, avant et pendant une éruption,
  • Organisation centrale (sur place, au CCPVE, etc.),
  • Collecte et la diffusion des informations, la communication et vers le public (résidents, touristes, étrangers),
  • Rétablissements de première urgence (réseaux de communication, vivres, etc.), y compris les mesures contre les cendres,
  • Renforcement des industries contre la catastrophe (notamment des mesures pour éviter l’impact des rumeurs du danger sur la valeur de l’activité, et la mise en valeur des ressources volcaniques),
  • Aménagement d’équipements et usage du sol fondés sur l’environnement et la prévention.
  • Éducation au volcan (scolaires, public).

L’avant dernière section propose bien une timide amorce de zonage… Mais elle n’occupe que deux pages sur les cent du rapport, et ne présente que des propositions352 sans délimitation concrète sur le terrain. Dans les zones considérées comme les plus dangereuses, l’utilisation du sol serait limitée : en « zone A », sous la menace directe de chute de blocs, coulée de lave, nuée ardente et « zone A’ », sous la menace secondaire de lahar, le terrain serait utilisé pour la prévention, réservé à des périmètres sabô et des espaces verts (ryokuchi 緑地). Au-delà (« zone B »), certains types de construction, comme l’habitat ou les équipements sociaux, sont « déconseillés »353. Si ce projet expérimental renouvelle bien la prévention comme l’approche cartographique du risque, il semble mal à l’aise face à la question du zonage, qui reste largement évacuée. Et pour cause, l’impossibilité de concilier sur un même espace une sanctuarisation protectrice et le développement urbain ou touristique constitue une impasse de la gestion du risque.

Notes
347.

Fujisan kazan bôsai kyôgikai 富士山 火山 防災 協議会. Tous les travaux de cette commission sont publiés en ligne pour le public, et accessible à partir de la page d’information sur la prévention des risques du ministère de l’Intérieur, consultable à cette adresse : http://www.bousai.go.jp/fujisan/.

348.

Fujisan hazâdo mappu kentô iin-kai富士火山 ハザードマップ 検討委員会, comité d’investigation pour la carte de risque du mont Fuji, dont le rapport est disponible en ligne : http://www.bousai.go.jp/fujisan-kyougikai/report/index.html.

349.

Fujisan kazan kôiki bôsai kentô kai 富士山火山 広域防災 検討会, commission d’enquête pour la prévention dans la région du volcan Fuji et Fujisan kazan kyôsei wâkingu gurûpu 富士山火山 共生 ワーキンググループ, groupe de travail sur la coexistence avec le volcan Fuji.

350.

Kishôchô, 2005.

351.

Fujisan kyôgikai (comité Fuji), 30/V/2005.

352.

Kangaekata 考え方 : « point de vue, exemple ».

353.

Kenchiku fuka 建築不可 : « construction mauvaise, interdite ».