Dans les sources japonaises deux termes sont utilisés de manière conjointe, apparemment interchangeable, en correspondance avec le nom français de « coexistence » : kyôson共存(kyô, ensemble + son, être, exister) et kyôsei共生 (ensemble + sei, vivre) qui au sens strict désigne la symbiose. Dans les publications bilingues japonais-anglais, ces deux termes sont traduits indistinctement par coexistence, plutôt que par symbiosis. Pour le dictionnaire Kôjien (2002), kyôson (prononcé parfois kyôzon), la coexistence, est « le fait de vivre soi-même ensemble avec les autres »387 ou « pour deux entités ou plus, d’exister ensemble en même temps »388. L’expression heiwa kyôson平和共存désigne ainsi la « coexistence pacifique » dans le contexte de la guerre froide, et kyôson kyôei 共存共栄, une « coexistence prospère » d’un point de vue économique. Kyôsei, la symbiose, correspond d’abord au « fait de vivre ensemble en un même lieu »389. Le sens principal, issu de la biologie, est le « phénomène par lequel des organismes vivants d’espèces différentes […] vivent en un même endroit, avec un lien physiologique actif »390. Deux formes sont distinguées, le mutualisme avec intérêts réciproques (kyôri kyôsei共利共生) ou la symbiose à sens unique (henri kyôsei 片利共生), dont le parasitisme, kisei 寄生, est une forme.
Le sens premier de symbiose, emprunté à la biologie, est bien identique en français : la symbiose est une « association durable entre deux ou plusieurs organismes et profitable à chacun d'eux »391, « association à avantages et inconvénients réciproques et partagés »392. Quant à la coexistence, c’est une « existence concomitante »393, en même temps mais surtout au même endroit. Ce qui « coexiste », c’est de la matière, du vivant. Dans le cas de la relation entre volcan et riverains, entre nature et société, le choix d’une métaphore organiciste apparaît d’abord totalement inapproprié, face à l’absurdité d’une réciprocité de profit ou d’une mutualité de bénéfices. Il ne peut s’agir que d’une vision anthropocentrique. À la limite, on peut admettre le terme de « symbiose » pour désigner la situation où l’activité du volcan favorise les activités humaines. Il y aura antagonisme sinon (mise en péril des activités humaines par l’activité volcanique).
Si l’on revient au sens ancien du terme (le grec sumbiôsis συμβιοσις désigne la « vie en communauté »), ou au sens figuré « fusion, union de plusieurs choses; association étroite et harmonieuse entre des personnes ou des groupes de personnes »394, la symétrie inhérente à la définition biologique est moins apparente, mais l’idée d’ « harmonie » reste aussi incongrue, du point de vue du volcan. Cette dimension d’harmonie, d’entente, de coopération, qui connote néanmoins les termes kyôson et kyôsei de manière positive, s’appliquerait plutôt à la société elle-même : kyôson exprime des valeurs qui caractérisent le corps social ou que celui-ci devrait adopter, plus qu’un rapport à double sens avec le milieu naturel. C’est donc l’idée de concomitance, ou plutôt, parce que théoriquement deux objets ou deux populations ne peuvent occuper, au sens strict, la même place en même temps, l’idée d’un voisinage que l’on voudrait « bon » et auspicieux, qu’il faut d’abord retenir. Bien que le mot ainsi contextualisé soit d’apparition récente, et puisse être associé à une transformation soit du risque soit de la tolérance au risque (cf. chapitre huit), cette coexistence peut aussi traduire une réalité vécue au quotidien, ancrée dans le patrimoine culturel nippon, où se mêlent un certain rapport à la nature, des productions artistiques et des faits religieux, une mémoire collective qui transparait par exemple dans certains toponymes ou des maximes populaires.
Jibun mo tanin mo tomodomoni seizonsuru koto 自分も他人も共々に生存すること.
Dôjini futatsuijô no mono ga tomoni sonzaisuru koto 同時に二つ以上のものが共に存在する こと.
Tomo ni tokoro wo onajikushite seikatsu suru koto 共に所を同じくして生活すること.
Kôdôteki, seiriteki na musubitsuki womochi, hitotokoro ni seikatsushiteiru jôtai 行動的・ 生理的な 結びつきをもち、一所に生活している状態.
TILF : trésor informatisé de la langue française, dictionnaire en ligne mis en place par le CNRS et l’université de Nancy 2, accessible à cette adresse : http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.
Bricage (2001).
TILF.
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