Au Sakurajima, où la logistique urbaine vient soutenir les initiatives individuelles, la gestion des pluies de cendre au quotidien (de la protection des enfants sur le chemin de l’école à celui du linge qui sèche, de l’entretien des infrastructures contre la corrosion au nettoyage des rues), l’adaptation des riverains et des autorités locales est devenu un modèle abondamment décrit à l’étranger497. Moyennant une surveillance volcanologique continue, des coûts d’entretien accrus et la bonne volonté de chacun pour tolérer des préjudices parfois lourds, la ville est parvenue à maintenir une vie relativement normale au quotidien, malgré des chutes de cendres qui atteignaient régulièrement, entre 1975 et 1995, le kilogramme par mètre carré et par an en ville. En 1985, un record de 5,9 kg/m² pour le seul mois d’août avait été enregistré par le Kishôchô (2005).
Le rapport d’experts néozélandais498 dresse un bilan complet de la situation de cette ville laboratoire pour la coexistence avec les cendres volcaniques. Leurs conclusions sont encourageantes : Kagoshima a réussi à gérer cet aléa et le risque, modéré et convenablement identifié, apparaît maîtrisé. La population, bien informée, est habituée au risque est s’est adaptée à ce qui ne constitue rien de plus qu’une nuisance. Les paragraphes qui suivent résument les observations de ce rapport.
Un ou deux millimètres de cendres suffisent à masquer le marquage au sol et par temps de pluie (d’autant plus fréquent que les vents d’est qui apportent les cendres sur la ville accompagnent la saison humide) le revêtement devient glissant. La mise en place d’infrastructures adaptées (voies et drains élargis) et la logistique de nettoyage de la ville permettent d’achever le déblai des cendres en trois jours, impliquant des coûts qui peuvent aller du simple au double (65 à 136 MY/an). Cela représente une moyenne de 55 000 yens par kilomètre linéaire et par an. La population est tenue de participer au nettoyage sur les terrains privatifs, comme les entreprises commerciales. La municipalité les aide en distribuant des sacs jaunes et en les collectant ensuite deux fois par semaine si nécessaire, dans 5 500 points de ramassage, signalé par un panneau spécifique (photo 3-10).Les cendres ne constituent ici, finalement, qu’une catégorie de déchets à trier en plus499. Elles ont donc un type d’emballage, un jour et un lieu de dépôt, exactement comme les autres déchets du tri sélectif.
Les cendres collectées, qui représentent environ deux tiers des volumes émis, sont compactées et stockées dans une décharge ad hoc, située dans l’une des profondes vallées adjacentes à la ville. Elles sont aussi utilisées, avec les dépôts de lahar dont les blocs les plus volumineux ont la taille d’une voiture, pour édifier de nouveaux terre-pleins, sur la baie face au volcan. Une carte animée sur tout le XXe siècle permettrait d’observer comment, des coulées de lave parvenues en mer aux terre-pleins qui s’avancent dans la baie, la ville et le volcan se rapprochent physiquement.
En revanche, ces téphras (particules de laves fragmentées) sont toxiques et comme les gaz magmatiques peuvent affecter les yeux et les bronches, ainsi que la peau : les cendres les plus fines peuvent être inhalées et pénétrer profondément les poumons ; les gaz, peuvent être dissouts dans le sang via les poumons. Les effets dépendent des concentrations et de la durée d’exposition ainsi que de la constitution de la personne exposée. Pour l’instant, aucun problème de santé aigu lié aux téphras, notamment des troubles respiratoires, n’a été démontré : la taille des cendres, assez grossière, et la trop faible durée des épisodes, immédiatement nettoyés, expliquerait cet absence d’impact majeur sur la santé. Elles favorisent néanmoins les problèmes oculaires comme les conjonctivites, et peuvent accentuer les manifestations de l’asthme ; lunettes, parapluies et calfeutrage sont les moyens de protections usuels pendant les épisodes cendreux. Les effets des gaz sont aussi difficiles à individualiser, car leur composition est proche ou identique de celle des effluents urbains et industriels. Depuis le retour des insulaires en 2005, Miyake-jima constitue un autre laboratoire d’étude pour l’effet des gaz sur l’homme, mais il est encore trop tôt pour en connaître les conséquences à long terme.
Photo M. Augendre (2006)
Les lahars, deuxième aléa majeur du Sakurajima, sont strictement confinés sur les flancs du volcan lui-même et n’affectent en rien Kagoshima, contrairement aux cendres. Ce n’est d’ailleurs pas la ville qui les gère mais une section sabô, mise en place par le département dès 1943 et sous tutelle du ministère de la Construction (actuel MLIT) depuis le redoublement d’activité de 1974. L’un des enjeux principaux est la route 224 reliant (via le ferry500) Kagoshima à la péninsule d’Ôsumi. En cas de lahar, la surveillance assure l’interruption automatique de la circulation sur les ponts en aval, et permet de la rétablir immédiatement après, grâce aux sabô qui contiennent le trajet torrentiel jusqu’à la côte.
Les dépôts sont dragués régulièrement, parfois triés et recyclés pour la construction et les terre-pleins. Pour le plus actifs des dix-neuf torrents du Sakurajima, le Nojiri 野尻川, les dépôts torrentiels collectés ont atteint le volume record de 600 000 m3 la seule année 1990 ; le total dragué entre 1985 et 1994 dépasse 3,15Mm3. C’est un véritable travail de Sisyphe : l’activité volcanique apporte constamment de nouveaux éjectats sur les pentes, mobilisés facilement par le ruissellement501, et entraînés vers la mer. La compétence et la puissance du courant déchaussent les barrages, attritionnent jusqu’à l’acier les dalles en béton armé et leurs tabliers. Il faut sans cesse réparer, renforcer, reconstruire502. Les dépenses afférentes sont bien évidemment considérables, de l’ordre du milliard de yens annuellement. Pour Durand et al. (2001), elles ne se justifient pas au vu des quelques milliers d’habitants de l’île503 qui ne pourraient à l’évidence pas les financer seuls.
Mais le site sert aussi de laboratoire de recherche appliqué pour les systèmes de contrôle des coulées de débris, destinés à être utilisés ailleurs au Japon et exportés à l’étranger. C’est donc avant tout une vitrine de l’État, dans laquelle les riverains ont finalement peu de place. D’ailleurs, la population baisse parfois les bras : tandis que Kagoshima ne cesse de se développer, le Sakurajima se dépeuple : de 30 000 résidents avant l’éruption de 1914, la population est tombée à 8 500 en 1918, 6 300 en 2000 et 5 800 en 2007.
Le classement UNESCO de « Decade Volcano » a sans doute contribué à sa diffusion. Cf. Durand et al. (2001), pour l’expertise. Une version vulgarisée représentative se trouve dans le très bel ouvrage de Philippe Bourseiller et Jacques Durieux (2001) : Des volcans et des hommes, Éditions de la Martinière, 416 p. Le cas du Sakurajima, évoqué avec le Tokachi-dake (p. 251-3), fait partie du chapitre intitulé « Coexistences », sous le titre « Japon : la technologie au pied des volcans ».
Durand, op.cit.
Et elles sont nombreuses au Japon, avec pour chaque type un jour et une périodicité précise de ramassage : à Nagoya, où ce tri sélectif est particulièrement tatillon, il faut séparer ordures ménagères organiques et non organiques, journaux, bouteilles et emballages plastiques autres, boîtes métalliques-canettes, aérosols, verre, briques de carton, barquettes polystyrènes, et encombrants, soit une dizaine de types différents (http://www.city.nagoya.jp/).
Il est emprunté annuellement par 1,9 millions de passagers.
La moyenne annuelle des précipitations est de 2 300 mm (données Kishôchô).
Le site web du centre international sabô, Sakurajima kokusai kazan sabô sentâ桜島国際火山砂防センター(http://www.qsr.mlit.go.jp/osumi/sivsc/home/index.html, en japonais avec une partie en anglais) présente de nombreuses photos de ces dégâts sur les ouvrages de protection, et plus généralement beaucoup de ressources concernant les sabô et l’activité du Sakurajima. Il a été construit sur l’île en 1999 pour servir tout à la fois de musée, refuge, bureaux et salle de surveillance.
En 2007, 5 842 habitants (dont 1 569 pour les sept bourgs de Sakurajima est, et 4 273 pour les onze de Sakurajima ouest) d’après les données de la ville de Kagoshima :
http://www.city.kagoshima.lg.jp.