C’est un principe d’entraide et de coopération. Les insulaires se serrent les coudes, au quotidien comme en cas de coup dur. Ceux de Miyake-jima ont été deux fois séparés, une première pendant l’évacuation, alors que les résidents étaient dispersés entre Hachijô-jima, des logements sociaux réquisitionnés ou des pensionnats à Tôkyô, ou encore selon les stratégies individuelles de chacun, puis une seconde fois lorsque la suspension de l’évacuation n’a pas permis à tous de rentrer. Pour préserver malgré tout le lien insulaire et reconstituer une forme de communauté, une association de liaison a été mise en place, Miyake-jima furusato saisei network三宅島ふるさと再生ネットワーク (« Réseau pour la renaissance de Miyake-village »). Réunissant résidents et bénévoles non insulaires, qui vivent et se réunissent le plus souvent à Tôkyô, elle propose des visites aux personnes âgées, publie une lettre d’informations, réalise des enquêtes sur la population. Son site internet522 regroupe les bulletins parus, les résultats de ces enquêtes et les messages de soutien aux résidents. Elle continue de fonctionner pour ceux qui ne sont pas encore rentrés, même si son activité diminue à mesure que la situation se normalise (figure 8-5). Environ quatre cents ménages, un millier d’habitants, ne sont pas encore rentrés. Une ou deux centaines ne sont pas localisés.
Sources : mairie de Miyake-jima (2007) et Hoshikawa (2006).
La Shimabara Fugen Kai島原普賢会, Association de Shimabara-Fugen, a été créée de façon très similaire. Dirigée par Ômachi Tatsurô, un entrepreneur et ancien résident du secteur enseveli par les lahars, elle vise à favoriser le retour des habitants sur le triangle d’Annaka à partir de 2000, transmettre l’expérience vécue et apporter du soutien aux autres victimes d’une évacuation longue.
Dans les ritô, où les aléas et les surcoûts de l’approvisionnement depuis l’extérieur font monter les prix, une partie des échanges s’effectue sans argent. À Miyake, depuis le retour sur l’île, on s’offre des fruits, des légumes, des poissons, on donne un coup de main dans une association pour préparer un marché libre ou un festival, au boulanger pour faire les gâteaux de riz (mochi 餅) les veilles de célébrations. À Satsuma Iô-jima, tous ceux qui sont disponibles vont couper et conditionner les pousses de bambous pour pouvoir les envoyer vers Tôkyô par le bateau suivant, aident à la construction de nouveaux casiers pour les algues etc. Ceux qui peuvent pêcher ou qui ont un lopin de terre pour cultiver, s’opposent à ceux qui ne sont pas propriétaires fonciers, plus dépendants de la venue du bateau comme je l’avais évoqué à propos d’Aoga-shima (p.116).
Des pratiques collectives contribuent à renouer un lien social altéré par plusieurs décennies d’exode rural ou par l’évacuation. À Miyake, les cours de yoga ou la chorale. À Iô-jima, d’une manière plus inattendue, Tokuda Kenichirô 徳田健一郎donne des cours de Djembe523 qui rapprochent les habitants des trois îles qui forment la municipalité de Mishima (Satsuma-Iô-jima, Take-shima et Kuro-shima 黒島). Ces énergies locales servent aussi une promotion touristique qui valorise l’originalité et l’unicité des événements proposés.
Suwanose-jima a connu une forme particulière d’expérimentation sociale, sans qu’il soit possible d’affirmer que la présence du volcan ou « l’énergie » qu’il dégagerait en soit à l’origine524. Sakaki Nanao, figure de la contre-culture au Japon dans les années 1960, après avoir entendu parler et visité l’île, y fonde le Banyan Âshram, « ermitage » que rejoint parmi d’autres membres de la « tribu » (buzoku部族), le poète américain Gary Snyder, proche de Jack Kerouac et d’Allen Ginsberg. Snyder passa quelques mois sur l’île et se maria au bord du cratère. Inspiré par l’écologie profonde, le dernier chapitre de l’un de ses recueils525 décrit le quotidien de la communauté et porte un regard écologique sur la nature sauvage de l’île volcanique. Il ne reste plus trace de cette expérience, sauf quelques membres qui se sont installés définitivement.
http://thoshikawa.com/miyake.furusato.net/top.htm. Ce site est hébergé et géré par le sociologue Hoshikawa Tsuyoshi 干川 剛史, spécialiste des systèmes d’information pendant les catastrophes : http://homepage3.nifty.com/thoshikawa/hoshikawaHP/2index.html.
Créée en 2004 cette école permet de poursuivre un échange commencé en 1994 avec le passage du Djembefola guinéen Mamadi Keita, venu donner des cours sur l’île ; la première expérience avait été couronnée par une tournée nationale avec les enfants d’Iô-jima, à laquelle Tokuda avait participé.
Yamazato Katsunori (2006), p. 120, 150-151.
Snyder (1969), p 141-142.