Chapitre 2: « tough on the criminal »

‘It is completely unacceptable that law-abiding people should be in fear of a lawless minority. It is time to reclaim the streets for the decent majority, and all of us in Parliament and in the country should work to that end.
Tony Blair, 2005425

C’est grâce au slogan « tough on crime, tough on the causes of crime » (intransigeant envers la criminalité, intransigeant envers les causes de la criminalité), que le New Labour a réussi à convaincre l’électorat qu’il allait adopter une toute nouvelle approche au problème de la criminalité, une approche digne de la « troisième voie », capable de concilier les préoccupations traditionnelles de la gauche (« tough on the causes of crime ») avec celles de la droite (« tough on crime »). Cependant, de nombreux commentateurs ont suggéré que la première partie du distique a été mise en avant au détriment de la deuxième, se traduisant par des politiques qui se montrent très strictes à l’égard du délinquant et non seulement de son délit. David Downes et Rod Morgan considèrent ainsi la plupart des politiques citées dans le premier chapitre comme une manifestation de la priorité accordée à la sévérité : les ASBO, les peines minimales automatiques, les couvre-feux, l’abolition de doli incapax, la surveillance des délinquants remis en liberté conditionnelle au moyen de dispositifs électroniques, la condamnation des parents des délinquants mineurs426… Pourtant, la volonté de s’intéresser au délinquant plus qu’à son crime n’implique pas automatiquement une prédilection pour les peines punitives : au contraire, ce n’est qu’en prêtant attention au délinquant lui-même qu’on peut espérer mieux le comprendre et ainsi comprendre les mobiles de ses actes – autrement dit, les causes de la criminalité. En effet, il s’agissait là d’un des buts primordiaux des politiques d’amendement du délinquant adoptées dès le tournant du XXe siècle et poursuivies jusque dans les années 1970. Aujourd’hui s’est développé un nouvel idéal d’amendement – le neo-rehabilititative ideal 427 – qui se concentre autant sur le délinquant lui-même que sur son délit. Dans une première partie, on s’attachera à déterminer si ce nouvel idéal peut être considéré comme un moyen efficace de s’attaquer aux causes de la criminalité ou si, au contraire, il ne représente qu’un moyen d’être plus stricte avec le délinquant. On se demandera également si cette politique est vraiment novatrice. Dans la deuxième partie du chapitre, on étudiera l’hypothèse selon laquelle l’accent mis sur le délinquant – ou plutôt sur le délinquant type – se traduit par une politique très stricte à l’égard de tout délinquant potentiel.

Notes
425.

« Il est totalement inadmissible que ceux qui respectent la loi vivent dans la peur de la minorité qui la bafoue. Il est grand temps de rendre la rue à la majorité respectable. Tout le monde, au Parlement et dans l’ensemble du pays, doit travailler à cette fin. » Propos tenus par Tony Blair, Hansard [en ligne], débat du 17 mai 2005, vol. 446, col. 48. Disponible sur : http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200506/cmhansrd/vo050517/debtext/50517-06.htm#50517-06_spmin1 [page consultée le 30 mai 2007].

426.

David Downes et Rod Morgan, « The Skeletons in the Cupboard : The Politics of Law and Order at the Turn of the Milennium », dans Mike Maguire, Rod Morgan et Robert Reiner (éds.), The Oxford Handbook of Criminology,Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 296.

427.

Le terme semble avoir été forgé par Rod Morgan, « Just Prisons and Responsible Prisoners », dansAnthony Duff, Sandra Marshall, Rebecca Emerson Dobash et Russel P. Dobash, Penal Theory and Practice : Tradition and innovation in criminal justice,Manchester, Manchester University Press, 1994.