b) Le dénigrement du consensus libéral

L’année 1979 n’a peut-être pas été synonyme d’un tournant dans le processus décisionnel, mais elle a certainement marqué une rupture idéologique avec les idées politiques de la période d’après-guerre. Cette rupture a préparé le terrain au bouleversement de la culture décisionnelle qui a eu lieu au début des années 1990. La rupture n’est pas arrivée par hasard : elle a été soigneusement préparée, notamment par une critique virulente du consensus libéral du passé. Comme le politologue Richard Heffernan le note, afin que les nouvelles idées politiques puissent prospérer, il faut discréditer les vieilles idées existantes et montrer qu’elles ont échoué127. C’est exactement ce que le parti conservateur de Margaret Thatcher puis le parti néo-travailliste ont fait, avec beaucoup de succès. Les politiques criminelles de la période d’après-guerre, tout comme les politiques sociales qui les étayaient, ont été présentées comme laxistes (« soft ») et criminogènes et ainsi discréditées. On verra que, difficilement soutenables en réalité, ces critiques étaient à caractère fortement idéologique.

Le parti conservateur a été le premier à nier l’existence du consensus et à se dissocier des politiques de la période d’après-guerre. Il tentait ainsi d’associer les politiques pénales de cette période avec le « socialisme » et de les présenter comme la seule responsabilité, et l’échec, du parti travailliste. Loin d’être considéré comme la solution aux problèmes sociaux, le socialisme était désigné comme la source du problème. Cette stratégie est clairement déployée dans la citation suivante :

‘Today, there's a stronger sense of resentment at the unfairness of the Socialist system than I can ever remember. After five years of Labour Government, our cities and streets are less safe to walk in, our old folk and children more at risk, our faith in the values and beliefs which we used to think held us together more undermined by fashionable theories and official mockery. Of how many things did one used to hear it said, ‘Well, at least they'll never touch that! At least they'll never attack the judges,’ people said – but they have. ‘At least they'll never let the schools be closed,’ – but they were. ‘At least they won't support mass picketing,’ – but they did. ‘At least they won't let militants close hospitals, neglect emergencies, even prevent people giving blood,’ – but they did that too. Five years ago, these things would have seemed incredible, yet they have happened in our Britain, our supposedly free and tolerant country, with the Labour Government looking on, supine, paralysed, afraid to do what they knew ought to be done, in case they offended their master's voice. I think these things will be remembered against Labour for a generation, and so they should be 128 . ’

Dans ce discours, le socialisme est tenu pour responsable d’un bon nombre des problèmes sociaux qui affectaient la vie quotidienne des Britanniques à la fin des années 1970 : la criminalité, la perte des repères moraux et culturels, et les grèves au cours desquelles les écoles ont été fermées et les hôpitaux perturbés.

L’existence de ces problèmes est indiscutable : l’historien britannique Eric Hobsbawm a qualifié les années 1970 et 1980 de « crisis decades » (« décennies de crise »), à contraster avec le « Golden Age » (« l’âge d’or ») des années 1950 et 1960, caractérisées par une économie capitaliste forte fondée sur la consommation de masse d’une main-d’œuvre bien rémunérée qui bénéficiait du plein emploi et de bonnes protections sociales129. Les « décennies de crise » par contre ont été davantage marquées par la récession, le chômage croissant, une baisse relative des salaires et des réductions du budget social. Dès le début des années 1960, la Grande-Bretagne s’est trouvée piégée dans un cercle vicieux où le coût croissant des dépenses sociales130 entraînait la hausse du taux d’imposition qui, à son tour, entraînait l’inflation des salaires, ce qui impliquait l’augmentation des dépenses sociales (la plupart desquelles étaient indexées sur l’inflation)131… Cette situation s’est aggravée dans le sillage de la récession mondiale déclenchée par la crise pétrolière de 1973. Les salaires ne pouvant plus suivre le taux d’inflation croissant, de nombreux syndicats se sont mis en grève, notamment celui des mineurs en décembre 1973132. Le nombre de syndiqués a augmenté de 265 000 personnes en 1968 à 712 000 en 1978, avec une représentation croissante des classes moyennes133. Le taux de syndicalisation a atteint son apogée en 1979 avec un peu plus de 50 % des employés faisant partie d’un syndicat134. Avec l’activité syndicale croissante, aboutissant à la grève prolongée de l’hiver 1978-1979 – l’« hiver du mécontentement » (The Winter of Discontent) –, ce que certains appelaient « le corporatisme », mode de gouvernance privilégié depuis 1945, a été sérieusement remis en question, ainsi que les politiques qu’il induisait. Les conservateurs ont décidé qu’il fallait briser l’accord corporatiste voulant que le gouvernement accepte de formuler la politique en collaboration avec les syndicats et d’autres groupements d’intérêts afin d’assurer l’harmonie sociale. Pour Margaret Thatcher et ses sympathisants, cet accord n’a apporté au cours des années 1970 que le désaccord et le désordre généralisé, voire la violence et la criminalité.

Les thatchériens ont tenté de lier la criminalité au consensus social de la période d’après-guerre de façon directe et indirecte. Directement, ils associaient l’activité syndicale à un manque de respect pour la loi et l’ordre. Par exemple, en 1970, Enoch Powell, ancien cadre dirigeant du Parti conservateur, critique fortement les enseignants grévistes, les traitant de bandits et les accusant de menacer la loi et l’ordre135. Une semaine avant les élections législatives de 1979, il met en garde les gens de Birmingham contre le « invisible enemy within » (« l’invisible ennemi intérieur »), c’est-à-dire les étudiants qui étaient en train de « détruire » les universités, de « terroriser » les grandes villes et d’œuvrer à « renverser les gouvernements »136. Les termes mêmes de ce discours ont été repris par Margaret Thatcher lorsqu’elle a dû faire face à la grève des mineurs de 1984. Il est bien connu qu’elle a qualifié les mineurs d’ennemi intérieur, déclarant : « We had to fight the enemy without in the Falklands. We always have to be aware of the enemy within, which is more difficult to fight and more dangerous to liberty137. » C’est ainsi que le gouvernement Thatcher a pu justifier le recours au droit pénal pour résoudre un conflit civil. De nombreux grévistes ont été arrêtés pour troubles mineurs à l’ordre public, ce qui a renforcé l’idée que faire grève est un acte perturbateur, potentiellement criminel, et non plus un moyen légitime de défendre ses droits civiques et sociaux138.

Afin de dissocier son parti des problèmes des années 1970 et 1980, Margaret Thatcher a tenté de l’opposer de façon très franche au parti travailliste en présentant ce dernier comme un complice des forces du désordre. Déjà, en 1978, elle déclarait :

‘Sometimes, members of the Labour Party give the impression that as between the law and the law-breakers they are at best neutral. We Conservatives are not neutral. We believe that to keep society free the law must be upheld. We are 100 per cent behind the police, the courts, the judges, and not least the law-abiding majority of citizens 139 .’

De nombreux citoyens ont probablement eu le sentiment que ces mots sonnaient justes. On doutait de l’indépendance du parti travailliste, considérant qu’il était était fortement influencé par les syndicats. Non seulement le parti était largement financé par le mouvement syndical, mais à plusieurs reprises il avait semblé prêt à contourner la loi afin de protéger les intérêts de ce dernier. Lorsque cinq dockers grévistes londoniens ont été incarcérés en 1972 pour avoir enfreint une décision judiciaire prises aux termes de la loi sur les relations entre les patrons et les ouvriers de 1971 (The Industrial Relations Act), Tony Benn, président du parti travailliste à l’époque, leur a apporté son soutien personnel, félicitant ceux qui préféreraient aller en prison que de se trahir140.

Pourtant, alors que les travaillistes, lorsqu’ils sont retournés au pouvoir en 1974, ont immédiatement abrogé la loi de 1971, accordant un ensemble de droits aux syndicats à travers la loi sur les syndicats et les relations du travail de 1974 (The Trade Union and Labour Relations Act) et la loi sur la protection de l’emploi de 1975 (The Employment Protection Act)141, en 1976 le nouveau gouvernement travailliste de James Callaghan a tenté de persuader les leaders syndicaux d’adopter volontairement une politique de contrôle des salaires. Certains commentatuers, tels que Paddy Hillyard et Janie Percy-Smith ont remis en question l’engagement du parti travailliste de cette époque envers la protection des droits des syndicats. Ils citaient pour preuve l’incapacité du gouvernement à protéger les droits des travailleurs impliqués dans le conflit social qui avait éclaté en 1976 dans une usine de développement photographique à Grunwick près de Londres à cause des mauvaises conditions de travail142.

Il était néanmoins important pour le parti conservateur de rendre l’opposition responsable des problèmes afin de se présenter comme le seul parti capable rompre avec le passé et de répondre aux craintes de l’électorat. Cette tâche se trouvait facilitée par le fait de présenter les problèmes de l’époque de façon simpliste, stéréotypée et exagérée, rendant la démarcation entre les politiques du passé et celle du présent encore plus franche. Alors qu’il est indéniable que les problèmes auxquels les gouvernements des années 1970 devaient faire face étaient très graves, certains suggèrent que la menace qu’ils représentaient a été exagérée. Andrew Cox, par exemple, estime que les grèves au Royaume-Uni n’étaient pas pires qu’ailleurs et qu’elles ne représentaient pas de menace fondamentale à la loi et l’ordre143.

En tout cas, le problème des grèves était considéré comme une manifestation supplémentaire d’une dégradation plus généralisée de l’ordre, représentée par l’apparition de ce qu’on appelle souvent la « société permissive ». C’est de ce point de vue que le consensus d’après-guerre était considéré comme une menace indirecte à la loi et à l’ordre. Le terme « permissive » est associé en anglais surtout aux années 1960, période durant laquelle ont eu lieu un certain nombre de « paniques » concernant l’état de la jeunesse, l’éclatement de la famille, la licence sexuelle et une crise générale de la moralité de la société. Déjà, à partir des années 1950, la société britannique a vu apparaitre de nouvelles cultures chez la jeunesse, notamment celle des Teddy Boys, associée au vandalisme et au manque de respect pour l’autorité144. Dans les années 1960 et 1970, les pratiques de la jeunesse étaient de plus en plus associées aux problèmes de la drogue et de la débauche sexuelle, provoquant des craintes, latentes depuis au moins le XIXe siècle145, que l’ordre social traditionnel était en train de se dissoudre.

En effet, le sociologue britannique, Stanley Cohen, qui a écrit une étude détaillée sur la panique relative à l’apparition des Mods et des Rockers dans les années 1960, suggère que la plus grande menace que ces jeunes représentaient était leur mépris moqueur pour la culture du travail et du loisir146. Outre les craintes concernant la jeunesse, on avait l’impression que la famille traditionnelle était fortement menacée : à la fin des années 1970, il y avait plus de dix divorces pour mille couples mariés en Angleterre et au pays de Galles, cinq fois plus qu’en 1961147. D’ailleurs, le taux de naissance des enfants illégitimes était également en hausse quasiment partout dans l’Occident148. Parallèlement à ces tendances, la libéralisation sexuelle touchait les hétérosexuels comme les homosexuels149. Pris dans leur ensemble, ces bouleversements culturels donnaient l’impression que l’ordre traditionnel, associé à la famille nucléaire et aux repères moraux fixes, était en train d’éclater.

Pourtant, paradoxalement, c’était justement ceux qui se présentaient comme les défenseurs de l’ordre traditionnel qui cherchaient à faire appel à la liberté individuelle, leitmotiv de ces mouvements divers. Les conservateurs de droite et de gauche affirmaient que les politiques sociales collectivistes de l’État providence avaient condamné les citoyens à vivre dans un état de dépendance où ils n’avaient plus besoin d’assumer la responsabilité de leur propre destin. Étant donné que les conservateurs, au premier rang desquels Margaret Thatcher, considéraient qu’un homme moral est celui qui exerce son propre jugement et prend ses propres décisions, ils avançaient qu’un État providence qui le rend dépendant fait de lui un « moral cripple » (handicapé moral)150. Paradoxalement, la vraie liberté était ainsi associée à la notion de responsabilité personnelle ; selon Phil Scraton et Kathryn Chadwick le concept de liberté a été « détourné » (« hijacked ») par la droite151. D’après les conservateurs, le problème avec l’État providence est qu’il avait encouragé la liberté sans exiger la responsabilité en contrepartie. De cette façon, ils ont réussi à opposer le libéralisme qu’ils proposaient à celui qui était censé avoir semé le désordre social, ceci en dépit du fait qu’il est également possible de prétendre, suivant la théorie d’anomie de Merton, que « moral laissez-faire followed the economic » et non l’inverse152.

Alors que les politiques économiques d’après guerre étaient considérées comme excessivement contraignantes, les conservateurs présentaient les politiques pénales et sociales comme excessivement libérales, source de la criminalité. On a vu que les tenants du consensus libéral envisageaient la politique pénale comme une branche de la politique sociale : il fallait rechercher les causes de la criminalité dans la société elle-même et puis tenter d’y réintégrer le délinquant. L’existence de cette politique, par conséquent, dépendait de certaines conditions politiques ; selon David Garland et Richard Sparks celles-ci étaient au nombre de cinq : la prédominance de politiques sociales-démocrates inclusives, des conditions économiques favorables aux dépenses sociales généreuses, le soutien des élites politiques, la foi dans l’idéal d’amendement et l’absence d’opposition politique153. Lorsque, dans les années 1970, ces conditions soit ont été remises en question, soit ont cessé d’exister, le consensus pénal a commencé à se fissurer. Tout comme la sociale-démocratie, on ne le considérait plus comme la solution aux problèmes mais plutôt comme la cause du problème lui-même. On le tenait pour responsable de la hausse importante du taux de criminalité depuis les années 1950 – de moins de 20 délits pour mille personnes en 1950 à plus de 40 au milieu des années 1970154.

Même si cette augmentation peut largement être expliquée par les changements de méthode d’enregistrement des délits pendant cette période, cela ne pouvait pas apaiser la panique publique qui en résultait155. On cherchait un bouc émissaire pour le problème de la criminalité et on l’a trouvé dans la société permissive. Le lien était très facile à faire une fois que le simple désordre était rendu synonyme de criminalité – on a vu que les signes de désordre étaient omniprésents. En outre, étant donné que l’augmentation de la criminalité avait commencé durant une période de prospérité sans précédent, la thèse courante selon laquelle les privations économiques et sociales provoquaient la criminalité devenait difficilement soutenable156. On commençait à penser que l’inverse pouvait être le cas. D’ailleurs, quasiment tous les criminologues estiment que l’érosion des contrôles formels par la famille et la collectivité à partir des années 1960 a contribué à une hausse du taux de criminalité. Il est également possible d’attribuer ces tendances à l’apparition d’une société de consommation, comme de nombreux criminologues l’ont fait157, mais le discours dominant était celui des conservateurs. On feignait d’ignorer alors que c’était la société de consommation qui avait accordé aux jeunes tant d’indépendance ou que la simple disponibilité de plus de biens de consommation pouvait provoquer une vague de criminalité, surtout lorsqu’il existait une contradiction si flagrante entre le choix des biens à vendre et des choix de vie si limités pour les pauvres.

Les membres de l’élite décisionnelle étaient plus directement tenus pour responsables de la criminalité parce qu’ils avaient fait voter une série de lois considérées comme très laxistes. Parmi ces lois on peut compter la loi sur le meurtre [abolition de la peine de mort] de 1965 (The Murder [Abolition of the Death Penalty] Act) qui a signalé l’abolition de facto de la peine de mort en Grande-Bretagne ; la loi sur les délits sexuels de 1967 (The Sexual Offences Act) qui a décriminalisé les relations homosexuelles entre la plupart des adultes consentants ; la loi sur l’interruption volontaire de grossesse de 1967 (The Abortion Act) qui a légalisé l’avortement uniquement avec l’accord d’un médecin ; la loi sur les enfants et les jeunes de 1969 (The Children and Young Persons Act) qui cherchait à éviter aux jeunes délinquants d’aller en prison ; la loi de 1969 qui a simplifié les procédures de divorce (The Divorce Reform Act) ; la loi sur le mauvais usage des drogues de 1971 (The Misuse of Drugs Act) qui a allégé les peines pour simple détention de drogues ; et la loi sur la justice pénale de 1972 qui favorisait les peines alternatives à la détention. Certes, cette liste, loin d’être complète, des lois perçues comme étant potentiellement laxistes est longue, mais nous verrons qu’en pratique ces lois étaient assez strictes, ce qui rend la thèse selon laquelle elles auraient encouragé le développement d’une société permissive difficilement soutenable.

En 1977 le National Deviancy Council, un groupe de criminologues radicaux britanniques, a organisé une conférence sur le thème de la société permissive et, par la suite, a publié un recueil des communications dans un livre intitulé Permissiveness and Control : The Fate of the Sixties Legislation 158, dans lequel il dénonçait le caractère mythique de la société permissive. La libéralisation et la répression étaient en réalité deux facettes du même problème159. Aucune de ces lois n’était exclusivement laxiste : pour l’essentiel, la décriminalisation d’une partie de la population a justifié la répression renforcée d’une minorité. Par exemple, alors que la loi de 1967 légalisait les relations homosexuelles entre adultes consentants en privé, elle se montrait très stricte à l’égard de ceux qui avaient des relations homosexuelles dans un lieu public160. Par conséquent, les condamnations pour attentats à la pudeur ont augmenté de façon significative161. D’ailleurs, le comité Wolfenden, dont le rapport a mené à la loi de 1967, ne tolérait aucunement le comportement homosexuel. Stuart Hall se dit frappé par ce qu’il appelle l’« impeccable orthodoxy » (l’orthodoxie irréprochable) du rapport162. On considérait les homosexuels comme des défaillants : Leo Abse, député travailliste, lorsqu’il a proposé indépendamment le projet de loi sur la décriminalisation des relations homosexuelles, a formulé le problème en termes de savoir comment « reduce the number of faulty males in the community »163.

Il serait également difficile de suggérer que la loi légalisant les interruptions volontaires de grossesse était le signe d’une révolution dans les attitudes traditionnelles. D’après Greenwood et Young, le gouvernement de l’époque n’avait aucune intention de légaliser l’avortement sur demande pour toute femme qui le souhaitait164. Le but de la loi était simplement de réduire le nombre d’avortements illégaux et de permettre à l’État d’accorder les avortements pour les familles en difficulté afin de mettre fin au « cycle des privations » censé être responsable de la délinquance et des troubles psychiques165. La loi prévoyait qu’un avortement ne devait être accordé que si la grossesse risquait de porter atteinte à la vie de la femme ou à sa santé physique ou mentale166. Même lorsque la loi avait la capacité d’être réellement laxiste – on peut citer l’exemple des lois sur les enfants et les jeunes et sur la justice pénale qui cherchaient à limiter le recours à l’incarcération – la lettre de la loi n’était pas toujours respectée. Nous avons déjà noté qu’en dépit de la portée décarcérale de ces lois les effectifs emprisonnés n’ont cessé d’augmenter tout au long des années 1970. On peut donc mettre en question l’idée que la législation « laxiste » puisse être tenue pour responsable de la création d’une société permissive.

On pourrait proposer une autre grille de lecture : peut-être que la loi était surtout laxiste dans le domaine privé. En effet, le rapport Wolfenden déclarait :

‘It is not, in our view, the function of the law to intervene in the private lives of citizens or to seek to enforce any particular pattern of behaviour… Unless a deliberate attempt is made by society, acting through the agency of the law, to equate the sphere of law with that of sin, there must remain a realm of private morality which is, in brief and crude terms, not the law’s business 167 . ’

De même, la loi sur le divorce faisait explicitement la distinction entre les questions légales et morales168. Alors qu’avant 1969 le seul motif de divorce était le délit moral, la nouvelle loi stipulait que désormais le seul motif serait strictement légal, c’est-à-dire l’échec irréparable (« irretrievable breakdown ») qui ne nécessite aucune preuve de faute morale. Cependant, le but de la réforme légale n’était pas de faciliter le divorce. D’après le rapport de la commission pour la réforme de lois de l’Angleterre et du pays de Galles (The Law Commission), son but était de renforcer la stabilité du mariage en permettant aux partis d’y mettre fin avec le plus de justesse et le moins d’amertume possible lorsqu’il était en échec irréparable169. Il faut établir une distinction entre la volonté de ne pas intervenir dans les questions morales et l’encouragement des comportements immoraux. Ainsi Christie Davies le notait déjà en 1975 : « Parliament was at no stage seized with a zeal for permissiveness which led it to alter eagerly all the restrictive legislation it had inherited from its predecessors170. »

Il est donc possible d’affirmer que les décideurs politiques de cette période si contestée n’avaient aucunement l’intention expresse de rendre la société plus permissive. Au contraire, selon l’historien social, Dominic Sandbrook, les dirigeants du parti travailliste étaient opposés à certaines des réformes dites « permissives »171. Selon lui, en 1961, Hugh Gaitskell, alors leader du parti, et Harold Wilson, ministre des Affaires étrangers dans le gouvernement fantôme, ne voulaient pas prêter leur soutien aux recommandations du comité Wolfenden sur la réforme de la loi concernant les homosexuels172. En effet, Wilson, James Callaghan et George Brown, tous membres du cabinet fantôme, étaient conservateurs en matière de moralité173. D’ailleurs, Sandbrook suggère que le parti travailliste n’était pas responsable des réformes « permissives ». Selon lui, ces réformes ne trouvent pas leurs origines dans les années 1960 mais beaucoup plus tôt – il note que l’opposition aux lois interdisant l’homosexualité date des années 1890, la campagne pour la réforme de la loi relative au divorce des années 1910 et la campagne en faveur de l’avortement des années 1930174. D’ailleurs, les réformes ne faisaient pas partie de la politique officielle du parti travailliste – elles ont été avancées par une minorité des députés travaillistes libéraux ainsi que par certains membres du parti conservateur175. Pour Sandbrook, elles n’étaient surtout pas des réformes « socialistes » – il prétend qu’il n’aurait pas été impossible pour un gouvernement conservateur, dirigé par des ministres modérés, de faire voter les mêmes réformes176.

Il est possible que l’idée même d’une société permissive a été exagérée. Certes, il y a eu des bouleversements sociaux et culturels sans précédent qui ont accordé plus de liberté à certains groupes de la population, mais ces libertés étaient restreintes et elles n’attiraient pas le soutien de la grande majorité de la population. Dans les années 1960 et 1970 le grand public est resté assez conservateur – l’exemple le plus frappant étant évidemment la constance de son soutien à la peine de mort177. Nous avons noté que, au moment de sa suspension dans les années 1960, la plupart des britanniques étaient favorables à son maintien178. En outre, les attitudes sur la sexualité n’avaient pas complètement évolué au cours des années 1960. Encore en 1988, le British Social Attitudes Survey (enquête sur les attitudes sociales britanniques) enregistrait une certaine dose de « laxisme » sur les questions sexuelles chez les plus jeunes (âgés de 18 à 24 ans), mais il établissait également que les attitudes des plus âgés restaient conservatrices à cet égard179. Un autre chercheur ayant participé à l’enquête concluait après avoir étudié les différentes conceptions du bien et du mal : « Taken together, the evidence hardly portrays a breakdown in British social ethics180. »

L’historien britannique Arthur Marwick, tout en reconnaissant que la société britannique de l’époque a connu une révolution culturelle, note également qu’il n’y avait pas de tendance unidirectionnelle vers une société permissive : il ne faut pas ignorer la puissante influence de forces conservatrices comme celle de Mary Whitehouse181. Son organisation, la National Viewers and Listeners Association (NVLA – l’’association britannique pour le contrôle des retransmissions télévisuelles et audiovisuelles), avec le soutien de figures d’autorité telles que Lord Hailsham (le lord Chancelier), le directeur de police de Lancashire et l’évêque de Blackburn, militait pour la censure, abordant également les questions de pornographie et d’éducation sexuelle182. Dominic Sandbrook considère Mary Whitehouse comme un personnage très important, affirmant que c’est elle qui a popularisé les problèmes de permissivité et de corruption morale183. Il suggère que, grâce à ses valeurs protestantes simples et à son dégoût pour le libéralisme moral, elle a dévancé la popularité de Margaret Thatcher elle-même184. Pour sa part, Stuart Hall note que la réaction contre la société permissive n’était pas l’affaire d’une minorité des extrêmistes : « In the 1970s, moral protest ceases to be a minority and fringe affair, and wins really massive publicity in all quarters of the press and television185. » En effet, la campagne contre le prétendue immoralité des années 1960 a été soutenue par des personnages divers, notamment par certains intellectuels influents tels l’écrivain Kingsley Amis et le poète Philip Larkin186. Ce dernier, dont les idées non-conformistes sur beaucoup de questions telles le mariage et la religion, a exprimé son mécontentement du gouvernement travailliste de Harold Wilson dans un style qui lui est particulier : « Fuck the lot of them, I say […] the decimal-loving, nigger-loving, army-cutting, abortion-promoting, murder-pardoning, daylight-hating ponces, to hell with them187. »

L’idée selon laquelle le parti travailliste était laxiste en matière de loi et d’ordre à cette époque est également difficilement soutenable. Bien que certains membres du parti aient toléré les activités illégales des grévistes des années 1970, nous verrons que cela représentait une exception très circonscrite à une règle générale. Dès son arrivée au pouvoir en 1945, le gouvernement de Clement Attlee s’est montré très réticent à l’égard de la réforme pénale. Malgré le fait qu’elle abolissait les travaux forcés et le châtiment corporel188, la loi sur la justice pénale de 1948 était dans l’ensemble loin d’être progressiste. Nous avons déjà vu que les dispositions concernant les peines indéterminées avaient une forte capacité punitive189. D’ailleurs, en dépit du fait que le projet de loi sur la justice pénale de 1938 prévoyait la suspension temporaire de la peine de mort (la loi n’a jamais été votée en raison du début de la guerre en 1939), la nouvelle loi n’a rien modifié à cet égard. Terence Morris, critiquant le fait que la loi n’a pas résolu le problème d’une population carcérale croissante, la considère comme un « penological dinosaur, obsolete in its conceptions and largely unadaptable to the changing world of post-war Britain »190. C’est également le gouvernement Attlee qui a interdit aux communistes d’occuper des postes « sensibles » dans la fonction publique. D’après les politicologues britanniques Paul Anderson et Nyta Mann, cette loi représentait « the nearest thing Britain had to McCarthyism »191. Pour Mick Ryan, la timidité du gouvernement de cette époque s’explique par le fait que le groupe parlementaire travailliste était très conservateur, se méfiant des habitués des bonnes œuvres qui soutenaient l’abolition du châtiment corporel192. À la différence de bien des membres de la base du parti, ils n’étaient pas tous convaincus que les délinquants étaient des victimes infortunées de leur situation sociale193.

Dans les années 1950 et 1960, sous l’influence d’Anthony Crosland et Roy Jenkins, le parti est devenu plus progressiste en matière de loi et d’ordre. Crosland a clairement exprimé son désir d’adopter des politiques plus libérales dans son livre majeur, The Future of Socialism : « In the blood of the socialist there should always run a trace of the anarchist and the libertarian, and not too much of the prig and the prude194. ». Dans le même esprit, Jenkins, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de Harold Wilson de 1965-1967, écrivait en 1959 : « There is a need for the state to do less to restrict personal freedom195. » Pourtant, nous avons vu que les lois votées pendant cette période étaient loin d’être libertaires, étant motivées par des préoccupations plus pratiques qu’idéologiques. Jenkins était critiqué non seulement par les conservateurs mais également par la gauche, ces derniers trouvant inadmissible sa décision de supprimer l’exigence que les verdicts des jurés soient unanimes196. Quoi qu’il en soit, cette période de libéralisme limité fut passagère, prenant fin avec l’arrivée de James Callaghan comme ministre de l’Intérieur de 1967 à 1970. Callaghan a adopté une position inflexible sur le plan de la loi et de l’ordre, refusant de décriminaliser le cannabis et affirmant son soutien à la police197. Tout comme certains conservateurs, il s’est opposé à ce qu’il dénommait la « rising tide of permissiveness »198. Selon Dominic Sandbrook, « Callaghan was not interested in building a reputation for progressivism, and was determined to reflect what he saw as the ordinary, decent values of Labour’s working-class electorate »199.

En effet, lorsqu’il a fait adopter le projet de loi sur les immigrés provenant du Commonwealth (The Commonwealth Immigrants Bill) en 1968, il répondait en grande partie aux inquiétudes des classes moyennes et ouvrières concernant l’immigration – un sondage de l’époque a relevé que 69 % des Britanniques interviewés soutenaient le projet de loi, le soutien le plus élevé provenant des ouvriers200. La loi a eu des conséquences très sévères, abolissant le droit automatique des indiens ayant un passeport britannique, mais résidantant au Kenya, d’accéder librement au Royaume-Uni. Elle a attiré des critiques des gens de toutes les tendances politiques, et le magazine britannique hebdomadaire conservateur, The Spectator, l’a qualifiée comme « a shameful and unnecessary act »201.

Lorsque Callaghan est devenu premier ministre en 1976, il s’est montré encore plus sévère. Il a résisté aux demandes en faveur de l’abrogation de la loi sur le blasphème et la libéralisation des lois sur l’obscénité202. En outre, il a accordé davantage de pouvoirs à la police et son gouvernement, comme celui d’Harold Wilson de 1974-1976, a été impliqué dans un nombre de procès politiques203. Pendant cette période, même Roy Jenkins, à nouveau ministre de l’Intérieur entre 1974 et 1976, s’est montré également très strict, son principal héritage étant la loi controversée sur la prévention de terrorisme de 1974 (Prevention of Terrorism Act)204. On a découvert dans les années 1980 que c’est Roy Jenkins qui avait autorisé la police de Manchester à acheter des mitrailleuses en 1976205. Il ne faut donc pas s’étonner que le commentateur britannique Martin Kettle estime que s’il y avait des différences entre les partis travailliste et conservateur dans les années 1960, elles étaient devenues insignifiantes à la fin des années 1970206. Anderson et Mann en tirent la conclusion suivante : « By 1979, the Labour government was beyond redemption as far as most civil libertarians were concerned207. »

Lorsqu’ils ont été relégués au banc de l’opposition, les travaillistes avaient à nouveau changé de tactique, le ministre de l’Intérieur du gouvernement fantôme (de 1980-83 et puis de 1987-1992), Roy Hattersley, s’opposant à de nombreuses mesures qui risquaient de porter atteinte aux libertés individuelles, notamment à l’élargissement des pouvoirs policiers prévu par la loi relative à la police et aux procédures pénales de 1984, à la limitation du droit du prévenu de choisir de passer ou non devant un jury par la loi sur la justice pénale de 1988, et à la loi relative à la prévention du terrorisme de 1989 (The Prevention of Terrorism Act) qui oblige les journalistes à nommer leurs sources lorsqu’ils traitent d’affaires de terrorisme208. Le parti militait également pour l’amélioration des conditions de vie carcérale et pour l’imposition de davantage de peines alternatives à la détention209, ce qui aurait pu alimenter sa réputation de laxisme en matière de loi et d’ordre.

Pourtant, l’élément le plus frappant reste que, durant cette période, les conservateurs ne se sont pas toujours montrés stricts dans ce domaine non plus. Nous avons déjà fait remarquer que l’élite décisionnelle a continué de formuler la politique à l’abri du regard public tout au long des années 1980, favorisant les alternatives à la détention210. D’ailleurs, cette élite était largement soutenue par les ministres haut placés comme Douglas Hurd, qui avait mis en avant la probation211. Les trois objectifs de ce que Michael Cavadino et James Dignan ont appelé « the Hurd Approach » étaient de limiter le recours à la détention, de favoriser l’imposition de peines alternatives à la détention et de limiter la prise en compte des condamnations antérieures dans la détermination d’une peine212. Ce n’est donc pas un hasard si Douglas Hurd est devenu président du Prison Reform Trust de 1998 à 2001, militant pour la réforme pénale. Son libéralisme en matière de loi et d’ordre correspondait à l’approche de son successeur au ministère de l’Intérieur de 1990 à 1992, Kenneth Baker, un Tory « progressiste » qui considérait l’incarcération des jeunes délinquants comme inutile et coûteuse213. Le juriste britannique Andrew von Hirsch suggère même qu’en dépit de déclarations périodiques très strictes en matière de criminalité, la loi et l’ordre n’étaient pas une priorité pour le gouvernement Thatcher, qui a concentré son attention punitive sur la politique économique, la limitation des droits syndicaux et l’administration locale214. En effet, il y a eu une réduction du taux d’incarcération sous les conservateurs de 1988 à 1993215 : Margaret Thatcher a accordé deux amnisties qui ont entraîné la libération de milliers de détenus anglais et gallois avant qu’ils aient purgé la totalité de leurs peines216.

D’ailleurs, ce libéralisme restreint en matière de politique pénale s’inscrit pleinement dans la tradition du parti. Au cours des années 1950, certains membres du parti conservateur ont soutenu des politiques progressistes telles que celles mises en place lorsque Rab Butler était en charge du ministère de l’Intérieur (1957-1962). On peut citer comme exemples la limitation de la peine de mort à cinq catégories de meurtres, par la loi sur l’homicide de 1957 (The Homicide Act)217, et la nomination du comité présidé par Lord Wolfenden qui a proposé la quasi décriminalisation de l’homosexualité. Ainsi, le gouvernement conservateur a préparé le terrain pour les réformes des années 1960 que les conservateurs partisans de Margaret Thatcher tiendraient plus tard responsables de la création d’une société permissive.

En conclusion, donc, il serait impossible de caractériser les partis conservateur ou travailliste comme uniformément stricts ou laxistes en matière de loi et d’ordre. La politique dans ce domaine n’a jamais été constante, oscillant en permanence entre les deux extrêmes, mais se positionnant le plus souvent au milieu, de l’après-guerre jusqu’aux années 1990. Le fait que les deux partis se soient montrés plutôt stricts ou laxistes pendant les mêmes périodes (plus libéraux de la fin des années 1950 à la fin des années 1960, plus stricts dans les années 1970) est la preuve de l’existence d’un véritable consensus pénal à cette époque, les similitudes entre les partis étant souvent aussi frappantes que les différences. Il y avait beaucoup de continuité, un parti reprenant souvent la politique là où l’autre parti s’était arrêté. Néanmoins, la rhétorique électorale du gouvernement Thatcher a eu beaucoup de succès en dénonçant le laxisme de l’opposition en matière de loi et d’ordre et en présentant les conservateurs comme le seul parti capable d’assurer la sécurité des gens respectueux des lois. Au moment de l’élection du parti conservateur en mai 1979, 58 % des personnes interviewées lors d’un sondage d’opinion par l’institut MORI le considéraient comme le parti le plus à même de faire respecter la loi et l’ordre, contre seulement 19 % pour le parti travailliste218. En dépit de la promulgation de nombreuses lois plus ou moins punitives sous les gouvernements Wilson et Callaghan des années 1970, les travaillistes semblaient donc être enfermés dans le « political ghetto of penal reform »219, considérés comme un parti qui s’intéressait plus aux droits des délinquants qu’à ceux des gens respectueux des lois.

Les élites intellectuelles libérales associées aux prétendues politiques laxistes du parti travailliste ont également été stigmatisées, avec pour conséquence l’encouragement d’une sorte d’anti-intellectualisme prônant des politiques inspirées du bon sens. Alors que le terrain pour cette réaction violente contre l’ancien consensus avait déjà été préparé dans les années 1970 et 1980, ce n’est que vers la fin des années 1990 qu’elle commence à être vraiment ressentie. Le consensus d’après-guerre n’était pas facile à affaiblir. Nous avons vu qu’il a continué à influencer la politique pénale tout au long des années 1980. Il a fallu attendre la construction d’un nouveau consensus politique commun aux deux principaux partis britanniques pour que l’influence de l’ancien soit considérablement limitée. Les premiers balbutiements de ce nouveau consensus ont coïncidé avec la nomination de Tony Blair comme ministre de l’Intérieur du cabinet fantôme en 1992. Hanté par leur réputation de parti « soft on crime » – en mars 1992, 40 % de la population britannique considérait encore que le parti conservateur avait les meilleures politiques en matière de loi et d’ordre (contre seulement 24 % pour les travaillistes)220 – les travaillistes cherchaient à tout faire pour se montrer plus « tough » (stricts) dans ce domaine. Pour reprendre les termes de David Downes et Rod Morgan, il fallait impérativement se débarrasser des « skeletons in the cupboard » 221(les cadavres dans le placard) et des « hostages to fortune »222, autrement dit se distancier des groupements d’intérêts et des idéologies qui risquaient de devenir un poids mort pour le parti – les syndicats, les lobbys pour la réforme pénale, les personnes ayant des comportements antisociaux et le consensus libéral sur le question de la loi et de l’ordre.

L’arrivée de Michael Howard au ministère de l’Intérieur en mai 1993 a fourni aux travaillistes l’occasion de le faire. Confrontés à un taux de criminalité en hausse223, tragiquement symbolisé par le meurtre en février 1993 de James Bulger, un petit garçon de deux ans, par deux jeunes âgés de dix ans, ainsi qu’à une crise de légitimité économique suite au Black Wednesday (lorsque la récession a forcé le Royaume-Uni à sortir du système monétaire européen), les conservateurs ont cherché à regagner de la popularité en annonçant plus de fermeté en matière pénale. Lors de la conférence du parti conservateur de 1993 Michael Howard a prononcé les mots, devenus célèbres depuis, « prison works », déclarant que : « In the last thirty years the balance in our criminal justice system has been tilted too far in favour of the criminal and against the protection of the public. The time has come to put that right224. » Il a ainsi donné le ton aux politiques pénales futures, comme celles tant appréciées par l’administration néo-travailliste, qui justifient la dureté à l’égard du délinquant par l’impératif de protéger la victime de la criminalité. Howard a annoncé 27 mesures destinées à combattre la criminalité, dont la plupart ont été adoptées à travers deux lois draconiennes : la loi sur la justice pénale de 1993225 et la loi sur la justice criminelle et l’ordre publique de 1994226. Fait révélateur, aucune de ces lois n’a été contestée par le gouvernement fantôme. Au contraire, les néo-travaillistes ont tenté de se montrer encore plus sévères dans ce domaine, approuvant non seulement les politiques de l’opposition mais allant souvent plus loin, par exemple, en adoptant l’ASBO qui proscrit une gamme de comportements beaucoup plus large que celle de la loi de 1994. Par conséquent, Downes et Morgan affirment : « First Blair, then Straw, not only dogged Howard’s heels ; they became his doppelganger, even his caricature227. »

Ce tournant punitif a marqué une rupture importante avec les politiques décisionnelles du passé :

‘Since 1993 and the advent of Michael Howard as Home Secretary, criminal justice policy-making has become dominated, to quite an unprecedented extent, by the politics of law and order. The lengthy process of gestation, consultation, and re-drafting which went with the decarceration policy of the 1980s was abruptly thrown into disarray by the ‘Prison Works’ U-turn of 1993 228 .’

L’approche intellectuelle du problème de la criminalité a été ouvertement critiquée, voire ridiculisée, en faveur de politiques inspirées du prétendu bon sens. De plus en plus, les « experts », c’est-à-dire les fonctionnaires et les intellectuels qui se chargeaient auparavant de la politique pénale, sont accusés de vivre dans leur tour d’ivoire, isolés et ignorants des problèmes du citoyen moyen. Ce point de vue a été soutenu par des personnes de premier rang de l’administration néo-travailliste. Par exemple, Peter Mandelson et Roger Liddle, dans leur livre The Blair Revolution, conçu comme un exposé de la pensée du New Labour 229, parlent d’« an enormous and unbridgeable gulf between left-of-centre intellectuals and the general public » sur la question de la criminalité230. Ils en concluent que pour gagner la confiance du public dans ce domaine, les néo-travaillistes doivent déclarer sans équivoque qu’ils puniront les délinquants231. Le New Labour n’a pas hésité à faire suivre ses promesses de sévérité par des lois très strictes, dont deux ont été votées moins d’un an après son arrivé au pouvoir – la loi sur les peines de 1997 et la loi sur le crime et le désordre de 1998.

Les politiques strictes en ce domaine s’accordent parfaitement avec les notions de bon sens du bien et du mal, mais beaucoup plus difficilement avec les recherches empiriques complexes qui mettent en question leur efficacité à lutter contre la criminalité. Ceux qui s’opposent à ces lois et au tournant punitif en général sont fortement critiqués, étant qualifiés à tour de rôle de la manière suivante : « the intellectuals » – un terme devenu une injure rituelle pour le New Labour ; « the chattering classes » (la gauche caviar) ; voire « the sneer squad » (la bande de railleurs)232. Jack Straw, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur (de 1997 à 2001), a critiqué ce qu’il appelait le « woolly-minded liberalism » (le libéralisme aux idées floues) de ceux qui s’opposaient à son projet de réforme du droit du délinquant de choisir d’être jugé par un jury en cour d’assise233. En pratique, les conseils d’experts en matière pénale ont souvent été ignorés en dépit de la prétendue préférence du gouvernement Blair pour ce qu’il appelle « evidence-based policy » (la politique fondée sur les preuves). On peut citer l’exemple des peines plancher qui ont été adoptées et maintenues contre l’avis de nombreux « experts » qui considèrent qu’elles pourraient être injustes en raison de leur sévérité disproportionnelle au délit pour lequel elles sont imposées234. De même, la peine IPP (Indeterminate Sentence for Public Protection), introduite par la loi sur la justice pénale de 2003235, est beaucoup plus sévère que celle proposée par le rapport Halliday qui n’envisageait son utilisation que dans des cas exceptionnels236. En outre, les experts en politique pénale Mike Hough et Jessica Jacobson ont détecté dans la stratégie gouvernementale de lutte contre les comportements antisociaux « a self-conscious anti-intellectualism »237. Ils critiquent le refus de fournir une définition exacte de tels comportements et le manque de véritable analyse politique à cet-égard238. En effet, les effets stigmatisants des ASBO vont totalement à l’encontre de l’opinion experte qui déconseille l’étiquetage des jeunes comme délinquants, au motif qu’il est souvent contre-productif – un point de vue exprimé notamment par l’ancien Commissaire européen aux droits de l’homme239.

Force est de constater que sous l’administration néo-travailliste « les intellectuels » ont vraiment été mis à l’écart du processus décisionnel – selon le politologue Anthony Sampson, « no profession has been more conscious of its diminishing status and political influence »240. En se plaçant du côté du bon sens du grand public, le New Labour a réussi à se distancer des anciens experts, maintenant discrédités, devenant ainsi le nouveau parti de la loi et de l’ordre. En mai 1998, un sondage de l’institut MORI estimait que 41 % de l’électorat considérait que les néo-travaillistes avaient les meilleures politiques en matière de loi et d’ordre (contre seulement 22 % pour les conservateurs)241. Il serait donc facile de penser que le tournant punitif s’accorde avec le bon sens du peuple et que les politiques strictes dans le domaine pénal sont vraiment populaires et démocratiques. Certes, ce constat prête une légitimité à des politiques sévères mais il faut se demander s’il résiste à l’examen des faits. Ce sera le but de la partie suivante.

Notes
127.

Richard Heffernan, New Labour and Thatcherism : Political Change in Britain, Houndmills, Palgrave, 2001.

128.

« Aujourd’hui, le sentiment de mécontentement contre l’injustice du système socialiste est plus fort que je ne l’ai jamais ressenti. Après cinq ans de gouvernement travailliste, nos grandes villes et nos rues sont moins sûres, nos personnes âgées et nos enfants courent plus de risques, notre foi dans les valeurs et les convictions qu’on croyait avoir en partage est encore plus sapée par les dernières théories à la mode et le dénigrement au sommet. Combien de fois avons-nous entendu dire, " Au moins, ça, ils n’y toucheront jamais ! Au moins, ils ne s’attaqueront jamais aux juges ", – mais ils l’ont fait. " Au moins ils ne laisseront jamais fermer les écoles ", mais ils l’ont fait. " Au moins ils ne soutiendront les grands piquets de grève ", – mais ils l’ont fait. " Au moins, ils ne laisseront pas les militants fermer les hôpitaux, ignorer les urgences, voire empêcher les dons de sang ", – mais, ça aussi, ils l’ont fait. Il y a cinq ans, on aurait cru ces choses impensables, or ça s’est produit dans notre Grande-Bretagne, dans notre pays prétendument libre et tolérant, sous un gouvernement travailliste qui regarde, les bras ballant, paralysé, n’osant pas faire ce qu’il sait qu’il devrait faire, par peur de désobéir aux ordres de son maître. Je pense que tout ça sera retenu contre les travaillistes pendant toute une génération, comme il se doit. » Propos tenus par Margaret Thatcher lors d’un rassemblement politique à Cardiff le 16 avril 1979. Mis en ligne par The Margaret Thatcher Foundation. Disponible sur : http://www.margaretthatcher.org/ speeches/displaydocument.asp?docid=104011 [page consultée le 17 septembre 2007].

129.

Eric Hobsbawm, The Age of Extremes, 1914-1991, Londres, Abacus, 2004.

130.

Il est estimé que les dépenses sociales représentent autour des trois quarts de la croissance du montant des dépenses publiques de 1951 à 1983. Source : Peter Taylor-Gooby, Public Opinion, Ideology and State Welfare, Londres, Routledge and Keegan Paul, 1985, p. 75.

131.

Peter Jenkins, Mrs Thatcher’s Revolution, Londres, Pan Books, 1989, p. 9.

132.

Ibid., p. 14.

133.

Ibid., p. 15.

134.

Craig Lindsay, A Century of Labour Market Change : 1900-2000, Office for National Statistics, mars 2003, p. 140 [en ligne]. Disponible sur : http://www.statistics.gov.uk/articles/labour _market_trends/century_labour_market_change_mar20 03.pdf [page consultée le 25 avril 2008].

135.

Stuart Hall, Chas Critcher, Tony Jefferson, John Clarke et Brian Roberts, Policing the Crisis : Mugging, the State, and Law and Order,Londres, Macmillan, 1978, p. 275.

136.

Ibid.

137.

« Nous avons dû combattre l’ennemi extérieur aux Malouines. Nous devons toujours avoir conscience de l’ennemi intérieur, plus difficile à combattre et plus dangereux pour la liberté. » Propos tenus pas Margaret Thatcher, citée par Paul Wilenius, « Enemies Within : Thatcher and the Unions », BBC [en ligne], 5 mars 2004. Disponible sur : http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news /politics/ 3067563.stm [page consultée le 17 septembre 2007].

138.

Paddy Hillyard et Janie Percy-Smith, The Coercive State, Londres, Fontana, 1988, pp. 162-164.

139.

« Les membres du Parti travailliste donnent parfois l’impression que, à choisir entre la loi et ceux qui la bafouent, ils resteraient, au mieux, neutres. Nous, les conservateurs, ne sommes pas neutres. Nous sommes convaincus que la loi doit être respectée pour sauvegarder la liberté de la société,. Nous sommes à cent pour cent derrière la police, les tribunaux, les juges, et surtout la majorité des citoyens respectueux des lois. » Propos tenus par Margaret Thatcher lors de la conférence annuelle du Parti conservateur le 13 octobre 1978. Mis en ligne par The Margaret Thatcher Foundation. Disponible sur : http://www.margaretthatcher.org/speeches/ displaydocument.asp?docid=103764 [page consultée le 17 septembre 2007].

140.

Peter Jenkins, op. cit., pp. 72-73.

141.

Andrew Cox, « Free Collective Bargaining and Public Order », dans Philip Norton (éd.), op. cit., p. 127.

142.

Paddy Hillyard et Janie Percy-Smith, op. cit., pp. 161-162.

143.

Andrew Cox, op. cit., p. 116.

144.

Geoffrey Pearson, Hooligan : A History of Respectable Fears,Basingstoke, Macmillan, 1983, pp. 12-18.

145.

Ibid.

146.

Stanley Cohen, Folk Devils and Moral Panics, Londres, Routledge, 2005 [1972], p. 162. Voir infra, pp. 314-316.

147.

Eric Hobsbawm, op. cit., p. 321.

148.

Ibid., p. 322.

149.

Ibid.

150.

Margaret Thatcher, discours aux jeunes conservateurs de Londres en 1976, citée par Peter Jenkins, op. cit., p. 66.

151.

Phil Scraton et Kathryn Chadwick, « The Theoretical and Political Priorities of Critical Criminology », dans Kevin Stenson et David Cowell (éds.), The Politics of Crime Control, Londres, Sage, 1991, p. 161.

152.

« […] le laissez-faire moral a suivi le laissez-faire économique », in Robert Reiner, Law and Order : An Honest Citizen’s Guide to Crime and Control, op. cit., p. 96. Pour une analyse plus complète, voir supra., pp. 353 et 393-397.

153.

David Garland et Richard Sparks, « Criminology, Social Theory and the Challenge of Our Times », op. cit., p. 197.

154.

Source : Joe Hicks et Grahame Allen, A Century of Change : Trends in UK statistics since 1900 [en ligne], House of Commons Research Paper 99/111, 21 décembre 1999, p. 14. Disponible sur : http://www.parliament.uk/commons/lib/research/rp99/rp99-111.pdf [page consultée le 28 mai 2007].

155.

Robert Reiner, Law and Order, op. cit., pp. 61-65.

156.

Robert Reiner, Law and Order, op. cit., p. 91.

157.

Voir par exemple, John Lea et Jock Young, op. cit. et Robert Reiner, op. cit.

158.

National Deviancy Conference (éd.), Permissiveness and Control : The Fate of the Sixties Legislation, Basingstoke, Macmillan, 1980.

159.

Victoria Greenwood et Jock Young, « Ghettos of Freedom : An examination of permissiveness », dans National Deviancy Conference, op. cit., p. 174.

160.

Ibid., pp. 163-166.

161.

Ibid., p. 166.

162.

Stuart Hall, « Reformism and the Legislation of Consent », dans National Deviancy Council, op. cit., p. 9.

163.

« […] réduire le nombre de mâles défaillants dans la société », in Leo Leo Abse, cité par Victoria Greenwood et Jock Young, dans National Deviancy Council, op. cit., p. 163.

164.

Victoria Greenwood et Jock Young, op. cit., pp. 169-171.

165.

Ibid., pp. 169-170.

166.

Ibid., p. 170.

167.

« Ce n’est, à notre avis, pas le rôle de la loi d’intervenir dans la vie privée des citoyens ou de chercher à faire respecter un mode de comportement particulier […]. À moins que la collectivité, agissant par la loi, tente délibérément d’assimiler le domaine de la criminalité à celui du péché, il faut préserver un domaine de moralité et d’immoralité privées qui, en termes crûs et brefs, ne regarde pas la loi. » in The Wolfenden Report, 1957, cité par Stuart Hall, « Reformism and the Legislation of Consent », op. cit., p. 12.

168.

Stuart Hall, op. cit., pp. 15-16.

169.

Christie Davies, op. cit., p. 18.

170.

« Le Parlement ne s’est à aucun moment pris d’un zèle de permissivité qui l’aurait conduit à une frénésie de révision de toutes les lois restrictives héritées de ses prédécesseurs. » Ibid., p. 14.

171.

Dominic Sandbrook, White Heat : A History of Britian in the Swinging Sixties, London, Abacus, 2007, p. 338.

172.

Ibid.

173.

Ibid.

174.

Ibid., p. 341.

175.

Ibid., p. 342.

176.

Ibid.

177.

Voir infra, pp. 246 et 252.

178.

Voir supra., p. 206.

179.

Stephen Harding, « Trends in Permissiveness », dans Roger Jowell, Sharon Witherspoon et Lindsay Brook (éds.), British Social Attitudes : The 5 th Report, Aldershot, Gower, 1988, p. 45.

180.

« Prise globalement, l’étude est loin de montrer une dégradation de la morale sociale britannique. » In Michael Johnston, « The Price of Honesty », dans Roger Jowell et al., op. cit., p. 13.

181.

Arthur Marwick, British Society Since 1945, Londres, Penguin, 1996, p. 125.

182.

Stuart Hall et al., Policing the Crisis, op. cit., pp. 286-287.

183.

Dominic Sandbrook, op. cit., p. 580.

184.

Ibid.

185.

« Dans les années 1970, la contestation morale cesse d’être un fait minoritaire et marginal, et bénéficie d’un véritable battage médiatique dans tous les quartiers de la presse et de la télévision. » In Stuart Hall, op. cit., p. 286.

186.

Dominic Sandbrook, op. cit., pp. 585-591.

187.

« Je dis qu’ils aillent tous se faire foutre, ces décimalistes convaincus, fondus de nègres, démembreurs d’armée, militants de l’avortement, pardonneurs de meurtriers, petites frappes de la nuit, qu’ils aillent tous au diable. » Propos tenus par Philip Larkin dans une lettre écrite à son ami, Kingsley Amis. Cité par Dominic Sandbrook, ibid., p. 582.

188.

Jusqu’en 1948, les tribunaux anglais pouvaient imposer des peines de châtiment corporel – la flagellation par un chat à neuf queues ou par un fouet de bois – aux hommes ayant commis des délits de vol avec coups et blessures et aux jeunes ayant commis des vols simples et autres délits. La flagellation des femmes fut abolie aux années 1820 et les flagellations publiques dans les années 1830. Jusqu’en 1967, la flagellation a été encore pratiquée en prison pour violation des règles pénitenciaires, et elle ne fut abolie au sein des centres de redressement pour les jeunes et de l’école publique qu’en 1987.

189.

Voir supra, p. 41.

190.

« […] un dinosaure pénologique, d’une conception obsolète et généralement incapable de s’adapter au monde changeant de la Grande-Bretagne de l’après-guerre », in Terence Morris, op. cit., p. 77.

191.

« […] ce qui rapprochait le plus la Grand-Bretagne du maccarthysme, » in Paul Anderson et Nyta Mann, Safety First : The Making of New Labour, Londres, Granta, 1997, p. 232.

192.

Mick Ryan, « Engaging with Punitive Attitudes Towards Crime and Punishment », op. cit., p. 140.

193.

Ibid.

194.

« Il faut toujours qu’il reste une trace de l’anarchiste et du libertaire dans le sang du socialiste, et non point trop du dévot ou du pudibond. » Anthony Crosland, cité par Paul Anderson et Nyta Mann, op. cit., p. 233.

195.

« Il devient nécessaire que l’État diminue les restrictions aux libertés individuelles. » Roy Jenkins, cité par Paul Anderson et Nyta Mann, op. cit.

196.

Ibid., p. 234.

197.

Ibid., p. 235.

198.

« […] la vague croissante de permissivité. » James Callaghan, cité par Victoria Greenwood et Jock Young, op. cit., p. 169.

199.

« Callaghan ne cherchait pas à se faire reconnaître pour son esprit progressif, il tenait surtout à refléter ce qu’il considérait comme les valeurs simples et respectables de l’électorat ouvrier du Parti travailliste. » In Dominic Sandbrook, op. cit., p. 502.

200.

Randall Hansen, « The Kenyan Asians, British Politics, and the Commonwealth Immigrants Act, 1968 », The Historical Journal, 1999, vol. 42, n° 3, p. 812.

201.

« […] une loi honteuse et inutile », ibid., p. 821.

202.

Paul Anderson et Nyta Mann, op. cit., p. 238.

203.

Par exemple, en 1975 il a entamé des poursuites judiciaires contre quatorze pacifistes qui avaient distribué des pamphlets appelant à la désobéissance des soldats britanniques en Irlande du Nord. Ibid.

204.

Paddy Hillyard et Janie Percy-Smith, op. cit., pp. 255-257. Cette loi a accordé des pouvoirs extensifs relatifs à l’arrestation et à la détention de suspects terroristes. Elle a également accordé de nouveaux pouvoirs au ministre de l’Intérieur, lui permettant notamment d’exclure toute personne qu’il soupçonne d’être un terroriste, sans audition et sans l’informer des raisons de son exclusion.

205.

Ibid., p. 240.

206.

Martin Kettle, « The Drift to Law and Order », dans Stuart Hall et Martin Jacques (éds.), The Politics of Thatcherism, Londres, Lawrence & Wishart, 1985, p. 222.

207.

« En 1979, pour la plupart des défenseurs des libertés individuelles, le gouvernement travailliste était allé beaucoup trop loin. » In Paul Anderson et Nyta Mann, op. cit., p. 238.

208.

Ibid., pp. 241-242.

209.

Ibid., p. 242.

210.

Voir supra, pp. 207-209.

211.

Voir supra, pp. 140-141.

212.

Michael Cavadino, Iain Crow et James Dignan, Criminal Justice 2000 : Strategies for a New Century, Winchester, Waterside Press, 1999, p. 69.

213.

John Pitts, The New Politics of Youth Crime : Discipline or Solidarity ?, Basingstoke, Palgrave, 2001, p. 9.

214.

Andrew von Hirsch, « Sentencing Reform : its goals and prospects », dans Anthony Duff, Sandra Marshall, Rebecca Dobash et Russel P. Dobash, Penal Theory and Practice: Tradition and innovation in criminal justice, Manchester, Manchester University Press, 1994, p. 39.

215.

Office for National Statistics, Prison Population 2003 [en ligne]. Disponible sur : http://www.statistics .gov.uk/cci/nugget.asp?id=1101 [page consultée le 17 juin 2008].

216.

Roger Matthews, « Rethinking Penal Policy : Towards a Systems Approach », dans Roger Matthews et Jock Young (éds), op. cit., p. 226.

217.

La loi de 1957 a prévu que la peine de mort ne pouvait désormais être infligée que sur les personnes ayant

commis deux meutres sur deux occasions différentes

commis un meutre dans le cadre d’un vol

tué par arme à feu ou par une explosion

tué dans le but de résister ou d’empêcher une arrestation ou afin de permettre l’évasion d’une personne légalement détenue

tué un policier, un gardien de prison ou tout autre membre du personnel pénitenciaire.

Pour tout autre type de meutre, la peine encourue était la réclusion à perpétuité.

218.

IPSOS, Best Party on Key Issues [en ligne]. Disponible sur : http://www.ipsos-mori.com/polls/trends/bpoki-law.shtml [page consultée le 24 septembre 2007].

219.

John Pitts, op. cit., p. 143.

220.

IPSOS MORI, Best Party on Key Issues [en ligne], op. cit.

221.

David Downes et Rod Morgan, « The Skeletons in the Cupboard : The Politics of Law and Order at the Turn of the Milennium », dans Mike Maguire, Rod Morgan et Robert Reiner (éds.), The Oxford Handbook of Criminology,Oxford, Oxford University Press, 2002.

222.

David Downes et Rod Morgan, « Dumping the ‘Hostages to Fortune’ ? », op. cit.

223.

Selon les statistiques de la BSC et de la police, les années 1992-1993 ont vu le taux de criminalité le plus élevé depuis le début de la BSC en 1981. Voir fig. 8, supra., p. 194.

224.

« Au cours des trente dernières années, la balance de notre système de justice pénale a trop penché en faveur du délinquant au détriment de la protection du public. Il est grand temps de rétablir cette situation. » Propos tenus par Michael Howard lors de son premier discours en tant que ministre de l’Intérieur à la conférence du Parti conservateur, 1993. Transcrite d’un enregistrement du discours réalisé par Peter Hill et BBC News, Great Political Speeches (cassette audio).

225.

Voir supra, p. 36.

226.

Voir supra, pp. 77 et 80.

227.

« Blair, en premier lieu, puis Straw n’ont seulement emboîté le pas de Howard, ils en sont devenus le double, voire la caricature. » In David Downes et Rod Morgan, « The Skeletons in the Cupboard », op. cit. p. 295.

228.

« Depuis 1993, avec l’arrivée de Michael Howard au poste de ministre de l’Intérieur, la politique en matière de justice pénale est dominée, à un niveau jamais atteint, par la loi et l’ordre. Les lents processus de gestation, consultation et amendements, qui allaient de pair avec la politique de décarcéralisation des années 1980, se trouvaient brutalement plongés dans la confusion totale par la volte-face de 1993, sous le slogan "la prison, ça marche".» In David Downes et Rod Morgan, « Dumping the ‘Hostages to Fortune’ ? », op. cit., p. 118.

229.

Anthony Seldon, Blair, Londres, The Free Press, 2005, p. 163.

230.

« […] un fossé énorme et infranchissable entre les intellectuels du centre-gauche et le grand public », in Peter Mandelson et Roger Liddle, « The Blair Revolution Revisited », dans Peter Mandelson, The Blair Revolution Revisited, Londres, Politico’s Publishing, 2002, p. 133.

231.

Ibid.

232.

Stuart Hall, « The Great Moving Nowhere Show », Marxism Today, novembre/décembre 1998, pp. 13-14. Disponible sur : http://www.amielandmelburn.org.uk/collections/mt/pdf /98_11_09.pdf [page consultée le 24 septembre 2007].

233.

Michael White, « Straw attacks woolly liberals », The Guardian [en ligne], 10 janvier 2000. Disponible sur : http://www.guardian.co.uk/guardianpolitics/story/0,,248780,00.html [page consultée le 24 septembre 2007].

234.

Michael Tonry, « Evidence, elections and ideology in the making of criminal justice policy », op.cit., p. 16.

235.

Voir supra, pp. 37-40.

236.

Michael Tonry, « Evidence, elections and ideology in the making of criminal justice policy », op. cit., p. 17.

237.

Mike Hough et Jessica Jacobson, « Getting to grips with antisocial behaviour », dans John Grieve et Roger Howard (éds.), Communities, Social Exclusion and Crime [en ligne], The Smith Institute, 2004, p. 36. Disponible sur : http://www.smith-institute.org.uk/pdfs/crime.pdf [page consultée le 24 septembre 2007].

238.

Ibid.

239.

Alvaro Gil-Robles, « Report by the Commissioner for Human Rights on his visit to the United Kingdom, 4th-12th November, 2004 » [en ligne], CommDH(2005)6, Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme, Strasbourg, le 8 juin 2005, p. 37. Disponible sur : http://www.statewatch.org/news/2005/jun/coe-uk-report.pdf [page consultée le 23 mai 2007]. Français sur : http://www.libertysecurity.org/IMG/doc/CommDH_2005_6_F.doc

240.

« […] aucune autre confrérie n’a eu plus conscience du déclin de son statut et de son influence politique », in Anthony Sampson, Who Runs This Place ? The Anatomy of Britain in the 21 st Century, Londres, John Murray, 2005, p. 197.

241.

IPSOS MORI, Best Party on Key Issues, op. cit.