b) Les retombées sociales des politiques économiques néolibérales

La politique sociale a beaucoup été modifiée sous les gouvernements Thatcher et Major. Selon le chercheur Norman Johnson, l’État providence a été refondé entre 1980 et 1990 suivant quatre grandes lignes politiques : la privatisation, la limitation des pouvoirs du gouvernement local, la promotion de l’inégalité et les modifications apportées à la loi régissant l’aide sociale714. D’abord, les recettes de la vente des industries nationales ont permis au gouvernement de réduire le taux d’imposition pour les plus riches, entraînant l’augmentation des inégalités sociales715. Conformément à cette politique, les services publics ont été limités, obligeant ainsi les gens à se tourner vers le secteur privé716. On peut citer l’exemple de la limitation des pensions afin d’inciter le public à souscrire à des compléments de retraite fournis par les entreprises privées717. Deuxièmement, la réduction des pouvoirs des autorités locales, notamment au moyen de la loi de 1982 sur le financement de l’administration locale (The Local Government Finance Act), puis l’abolition en 1986 de la Greater London Assembly (le conseil municipal pour l’agglomération londonienne) et les Metropolitan County Councils (les conseils municipaux des grandes villes anglaises), ont transféré le pouvoir de fixer les dépenses locales à un gouvernement central qui s’est révélé souvent moins généreux718.

Selon Johnson, le creusement des inégalités sociales pendant cette période n’est pas le résultat du pur hasard mais une stratégie délibérée. Dans ce constat, il est soutenu par d’autres chercheurs, tels Chris Jones et Tony Novak719, Ray Hudson et Allan M. Williams720, et Alan Walker721. Ce dernier remarque : « Rather than seeing inequality as potentially damaging to the social fabric, the Thatcher governments saw it as an engine of enterprise, providing incentives for those at the bottom as well as those at the top722. » En effet, étant donné que les conservateurs néolibéraux considèrent que de nombreuses personnes choisissent de ne pas travailler, préférant rester dépendantes de l’État pour subvenir à leurs besoins essentiels, la menace de la pauvreté est utilisée comme un outil pour encourager la concurrence et le développement d’un esprit d’initiative. Une telle politique s’inscrit ainsi dans la tradition des lois régissant les pauvres du XIXe siècle qui étaient fondées sur le principe dissuasif de less eligibility selon lequel toute personne vivant de l’aide sociale doit avoir une situation moins favorable que les actifs les moins rémunérés. D’ailleurs, cette politique justifie l’adoption d’autres politiques néolibérales qui limitent les dépenses sociales afin d’assurer la liberté du marché et les gains des bénéficiaires de la concurrence capitaliste.

Johnson explique que les inégalités sociales ont été creusées par des politiques fiscales, la privatisation, les politiques salariales, l’affaiblissement du pouvoir syndical, un taux élevé de chômage et la limitation des dépenses sociales. En matière fiscale, le gouvernement conservateur a réduit le taux d’imposition sur les revenus les plus élevés de 83 % à 40 % alors que le taux de base n’a été réduit que de 35 % à 25 %723. En outre, l’impôt sur les revenus des capitaux et sur les droits de succession a baissé alors que la charge fiscale pour les plus pauvres a été alourdie par l’augmentation du taux de TVA724. La privatisation n’a fait qu’aggraver la situation, avec la création d’inégalités de richesse entre les actionnaires et les abonnés aux services privés et ceux qui n’ont pas d’actions et qui restent dépendants des services publics725. Les salaires de ceux qui gagnaient des revenus modestes sont restés bas, notamment en raison de la limitation du pouvoir des commissions salariales (wage councils) et de leur abolition en 1993, ainsi que le faible taux de rémunération des projets de travail pour les jeunes et les nouveaux employés726. Par ailleurs, les syndicats, qui ont été affaiblis par une série de lois limitant la protection légale des grévistes et la réduction du nombre d’employés publics, n’ont pas pu renverser cette tendance727.

Si la situation n’était déjà guère favorable à ceux qui travaillaient, le nombre de personnes sans travail a atteint des niveaux très élevés. Le taux de chômage est passé de 1,3 million en 1979 à 3,2 million en 1986728. Même si ce chiffre a baissé pour atteindre 1,7 million en 1989, le taux réel de chômage est probablement resté assez élevé en raison des modifications apportées aux méthodes de calcul du nombre de chômeurs729. En 1990, les chercheurs Kay Andrews et John Jacobs ont estimé que le gouvernement conservateur a réussi à rayer environ 500 000 noms des registres du chômage grâce à plus de vingt modifications successives730. Cette politique a continué dans les années 1990 lorsque de nombreuses personnes sont passées de la catégorie « chomeurs » à la catégorie « inaptes au travail »731.

De plus, la situation des chômeurs a été aggravée par la limitation de l’aide sociale, ce que Johnson pose comme la quatrième modalité de refondation de l’État providence britannique dans les années 1980. La limitation de l’aide sociale peut être considérée comme une extension logique de la « politique des inégalités ». Selon Marilyn Howard, commentatrice britannique, l’aide sociale a été réduite par le gouvernement Thatcher au moyen de la limitation des droits aux allocations sociales, la réduction du montant de ces allocations et le contrôle strict des bénéficiaires732. Les droits aux allocations chômage ont été limités par l’introduction en 1989 de l’obligation de la part du chômeur de prouver qu’il cherche sérieusement du travail733. Certains types de demandeurs – notamment la plupart des jeunes âgés de 16 à 18 ans et les étudiants à l’université – se sont trouvés tout simplement privés de leurs droits aux allocations734. Pour ceux qui n’ont pas perdu leurs droits, les allocations ont été fortement réduites. Conformément au principe de less eligibility, ces réductions, ajoutées à l’augmentation du nombre de prestations sociales dépendant des ressources des allocataires, ont entraîné une diminution du niveau de vie des personnes les moins rémunérées, ce qui était censé les motiver à trouver du travail. À titre d’exemple, les allocations chômage, en pourcentage des revenus moyens, ont baissé de 36 % en 1983 à 28 % en 1994735.

Cette politique de limitation de l’assistance publique, signe d’une méfiance profonde à l’égard de la validité des revendications des plus démunis, a été accompagnée par la mise en place de contrôles stricts des bénéficiaires. Dès 1980, le gouvernement Thatcher a consacré davantage de ressources à la lutte contre les demandes d’allocations frauduleuses736. D’après Andrews et Jacobs le but de cette politique n’était pas simplement d’épargner l’argent public – ils notent que le gouvernement Major n’a pas consacré autant de ressources à la lutte contre la fraude fiscale, qui pourtant coûte beaucoup plus d’argent à l’État – mais était plutôt motivée par le fait que « discrediting welfare claimants, and especially the unemployed, is all part of maintaining the stigma associated with welfare aimed at discouraging people from claiming »737.

Ce constat suggère que les réformes apportées à l’État providence dans les années 1980 ont davantage été informées par des considérations idéologiques que par des considérations économiques. En effet, alors que certaines de ces réformes ont permis à l’État de réduire certaines dépenses – on peut citer les économies importantes réalisées grâce aux réductions de l’aide sociale738 – en réalité les dépenses publiques n’ont cessé d’augmenter en termes réels pendant cette période739. De 1978/1979 jusqu’à 1990 elles auraient augmenté de 11 %740. Par conséquent, la plupart des chercheurs conviennent que l’État providence n’a pas été démantelé pendant les années Thatcher741. Norman Johnson note que les services principaux subsistent, même s’ils sont insuffisamment financés, et que le grand public semble encore soutenir l’État providence742. Par ailleurs, Rodney Lowe, historien britannique de l’État providence, constate qu’après 1979 l’État providence a continué à remplir la plupart de ses fonctions originelles : un niveau de vie minimum a été assuré pour les plus pauvres et les classes les plus aisées ont continué à en bénéficier lorsqu’elles perdaient leur travail, tombaient malades ou vieillissaient743. L’historien Martin Pugh suggère même que l’État providence a été élargi dans la mesure où davantage de subventions ont été offertes aux classes moyennes : le dégrèvement pour les remboursements de prêts immobiliers, les subventions fiscales pour l’achat d’actions, les fonds privés d’assurance-vieillesse744… Peter Taylor-Gooby partage ce point de vue745. Il considère que, loin de faire reculer les frontières de l’État, la privatisation a rendu possible l’extension de l’État providence au moyen des subventions fiscales746. Les réformes thatchériennes ont ainsi renforcé la tendance de l’État providence à bénéficier davantage aux classes moyennes.

Dès les années 1950, Richard Titmuss, un des grands spécialistes de la politique sociale de l’époque, avait été le premier à identifier ce phénomène, constatant que ceux qui bénéficient le plus de l’aide sociale sont ceux qui en ont le moins besoin747. Il considère qu’il est possible de diviser l’assistance publique en trois catégories : l’assistance sociale, l’assistance fiscale et l’assistance liée au travail, dont seule l’assistance sociale sous forme d’allocations en espèces bénéficie principalement aux pauvres. L’assistance payée en nature, c’est-à-dire la mise à disposition de tous d’écoles et d’hôpitaux gratuits, ainsi que l’assistance fiscale et celle liée au travail, bénéficient principalement aux classes moyennes, fonctionnant comme « concealed multipliers of social success »748. Titmuss parle ainsi de la « social division of welfare » (la division sociale de l’assistance publique) en référence à la capacité de l’État providence britannique de renforcer les inégalités existantes.

Bien qu’il s’agisse d’une tendance à long-terme, elle a été grandement exacerbée sous les gouvernements Thatcher. Ceci suggère que les politiques visant à faire reculer l’État ont pris une place secondaire par rapport à celles qui ciblent le creusement des inégalités dans le but de créer une « culture d’entreprise » en renforçant la responsabilité individuelle des pauvres. Il s’agit ici d’un projet politique : c’est par l’idée de capitalisme populaire (popular capitalism) – une réduction des charges fiscales qui a permis aux ouvriers les plus fortunés de devenir actionnaires et même propriétaires – que le Parti conservateur de Margaret Thatcher a tenté de devenir un parti populaire. Mais il s’agit avant tout d’un projet idéologique qui vise à généraliser le dogme néolibéral selon lequel les gouvernements doivent permettre au marché de fonctionner sans entrave afin de garantir l’accumulation des richesses. Dans la mesure où l’assistance publique aux classes moyennes sert à promouvoir cette accumulation, elle est souhaitable. Selon l’orthodoxie néolibérale, la limitation de l’assistance publique pour les plus pauvres est la meilleure façon de les aider, d’abord en les motivant à améliorer leur propre situation et, deuxièmement, car la création des richesses a des retombées économiques positives pour toutes les classes sociales selon le principe du trickle down.

Cependant, en tant que projet idéologique, la révolution thatchérienne n’a pas porté tous les fruits escomptés. Pour Peter Jenkins, écrivant en 1989, elle n’a été qu’à moitié achevée. Il explique : « It is a revolution in half of Britain […] For Britain remains not only ‘Two Nations’ but in two minds, torn between the old welfare ideal and the new enterprise ideal, rejecting socialism but not yet at ease with the new order749. » En effet, en dépit des meilleures intentions de Margaret Thatcher, son projet, en tant que tentative de discréditer le consensus social-démocrate et de forger ainsi un nouveau consensus néolibéral, n’est pas devenu hégémonique750. S’appuyant sur les résultats des British Social Attitude Surveys, Andrew Gamble considère qu’au bout de huit années de thatchérisme, il n’y avait aucun consensus parmi l’électorat en faveur de ses politiques751. Il note qu’une majorité des personnes interviewées en 1985 se disaient contre la privatisation, et que seulement 5 % des personnes interrogées approuvaient la limitation des services publics. D’ailleurs, en raison de l’opposition provenant de groupes d’intérêt importants, il constate : « By 1987 the Thatcher Government had run up a sizeable legitimacy deficit752. » Il admet toutefois que, parallèlement, on commençait à se rendre compte que certaines de ses politiques, notamment la privatisation, la réduction du secteur industriel et l’abolition des mesures de contrôle des changes, étaient irréversibles, dans la mesure où elles s’inscrivaient dans le contexte de changements profonds dans l’organisation de l’économie mondiale753.

Mais cela ne signifie pas pour autant que les dissensions n’étaient pas importantes. Au contraire, au fur et à mesure que ses réformes ont pris effet, les critiques de leurs conséquences sociales se sont multipliées. Ces critiques provenaient parfois de l’intérieur de l’Establishment, notamment de l’ancien Archevêque de Cantorbéry, Robert Runcie, qui tenait le gouvernement Thatcher en partie responsable de l’état appauvri des quartiers déshérités des grandes villes britanniques. C’est son inquiétude envers ce problème qui l’a poussé à former une commission spéciale, chargée d’enquêter sur les conditions sociales et économiques dans ces quartiers. Le rapport de la commission, Faith in the City 754, a été publié en 1985 par le corps exécutif de l’église anglicane. Dans la conclusion, la commission se demandait s’il existait « any serious political will to set in motion a process which will enable those who are at present in poverty and powerless to rejoin the life of the nation »755 et recommandait que le gouvernement conservateur augmente les allocations sociales756. Le rapport a ainsi été considéré comme une critique à peine dissimulée des conséquences sociales des politiques thatchériennes. L’Église n’est pas restée seule dans ses critiques : de nombreux universitaires et commentateurs sociaux l’ont rejointe.

En 1996, Arthur Marwick, historien britannique de renom, affirme que les politiques des gouvernements Thatcher et John Major ont créé une société manifestement « at odds with itself » (en conflit avec elle-même), caractérisée par la mendicité, un grand problème de sans-abris et l’endettement des individus qui se trouvaient dans l’impossibilité de continuer à rembourser leurs prêts immobiliers ou de payer leurs cotisations pour des fonds privés d’assurance vieillesse757. Martin Pugh, également historien, constate que les deux nations auxquelles Benjamin Disraeli avait fait référence au XIXe siècle étaient encore plus divisées en raison de l’accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales758. En effet, de nombreux problèmes sociaux, courants au XIXe siècle, étaient de retour. Par exemple, le problème des sans abris, auquel l’enquêteur social Charles Booth avait fait référence en 1898759, est redevenu d’actualité pendant les années 1980 : le nombre de ménages vivant dans un logement provisoire a augmenté de 11 096 en 1982 à 64 329 en 1991760. Ray Hudson et Allan Williams affirment ainsi :

‘Mrs Thatcher made a point of preaching the virtues of Victorian values. True to her word, when she was unceremoniously ejected from office by her own party in 1990, she left a legacy of a (Dis)United Kingdom, more deeply scarred and marked by poverty and inequality than at any time since the Victorian era 761 .’

Avec le retour des problèmes sociaux du XIXe siècle, des termes semblables à ceux utilisés au XIXe pour les décrire ont été ressuscités. Par exemple, le terme d’underclass, semblable aux termes de pauper (indigent) des années 1840, de social residuum des années 1880, et d’unemployable (ceux que l’on considère incapables d’assumer un emploi) des années 1930, a été employé dans les années 1980 et 1990 pour faire allusion au même groupe social – ceux qui se trouvent exclus du marché du travail et contraints de dépendre de l’assistance publique762. Il faut bien noter qu’il existe plusieurs explications de l’underclass – notamment celles qui soulignent le statut des membres de ce groupe comme victimes de leur propre situation763 – mais c’est la version stigmatisante de Charles Murray qui est devenue la plus courante au Royaume-Uni.

Paradoxalement, alors que l’idée de l’existence d’une underclass, entièrement responsable de ses propres difficultés, permettait d’exonérer le gouvernement conservateur de toute responsabilité pour le problème, elle a également révélé l’échec du projet thatchérien de cultiver une véritable « culture d’entreprise ». Au contraire, en flagrante contradiction avec les valeurs néolibérales d’autosuffisance et de responsabilité individuelle, l’underclass était mariée à l’État et dépendante de lui pour subvenir à ses besoins essentiels. Pour le politologue et ancien partisan du thatchérisme John Gray, c’est le néolibéralisme qui crée une underclass dépendante, en raison de la prolifération des allocations soumises à examen de ressources764. Il considère que cette façon de limiter les allocations crée une situation où il devient plus intéressant pour les personnes assistées de ne pas travailler car elles risquent de perdre toutes leurs aides dès qu’elles gagnent un peu d’argent765. D’ailleurs, son existence a exposé les faiblesses de la théorie de trickle down, remettant ainsi en question les politiques économiques néolibérales. En effet, pour le député travailliste Frank Field, la création d’une underclass est la conséquence directe de l’éclatement de la citoyenneté sociale qui résultait des politiques sociales et fiscales des gouvernements Thatcher766.

D’autres conséquences des politiques thatchériennes ont également menacé la légitimité de son projet, notamment la montée inexorable du taux de criminalité – de 79 % – pendant ses trois mandats767. Alors que le gouvernement conservateur a essayé de présenter cette tendance à la fois comme une conséquence de la société « permissive » et comme une caractéristique de l’underclass, certains criminologues, notamment Robert Reiner, la considère comme une conséquence inévitable des politiques néolibérales. Reiner explique que le néolibéralisme a contribué à une « crime explosion » entre 1980 et 1992, principalement en raison de l’érosion des contrôles sociaux de toute sorte qui peuvent freiner les tendances criminelles768. Il note : « Moral laissez-faire followed the economic769. » Autrement dit, la « décision » d’adopter un comportement criminel peut être considérée comme un « choix rationnel » déterminé par l’éclatement de la sociale-démocratie et la perte correspondante d’intérêt pour la société770. Les valeurs qui sont promues par le néolibéralisme – la volonté de prendre des risques, l’esprit entrepreneurial… – sont semblables à celles qui motivent le délinquant essayant de survivre dans un monde où les voies d’accès légitimes à la réussite sociale lui sont fermées.

Les gouvernements Thatcher puis Major étaient bien conscients du désordre social qui pouvait résulter de leurs politiques et remettre éventuellement en question leur droit légitime à gouverner ainsi que leur projet néolibéral. Par conséquent, ils ont tenté de forger un nouveau bon sens autour duquel la nation pouvait se rallier. Selon David Harvey, cette stratégie a été adoptée par quasiment tous les gouvernements qui ont accepté l’orthodoxie néolibérale771. Suivant Polanyi772 il explique que lorsque la notion de la liberté est réduite à la liberté du marché, les mauvaises libertés qui menacent la solidarité de la société en tant que telle ont libre cours773. Afin d’éviter le chaos social et de générer un soutien populaire, le gouvernement néolibéral cherche à forger de nouveaux liens sociaux fondés sur des intérêts communs pour la religion, la liberté, une nouvelle conception de la citoyenneté, voire d’autres formes politiques telles que le nationalisme ou le fascisme774. Comme nous l’avons fait remarquer plus haut, ceci représente une des plus grandes contradictions du néolibéralisme : afin d’éviter le désordre social qui résulte du retrait de l’État dans le domaine économique, l’État se trouve contraint d’intervenir davantage dans le domaine social. Aux États-Unis, le néo-conservatisme répond au besoin de développer ce nouveau bon sens, en mesure de réunir la nation.

Au Royaume-Uni, par contre, l’idéologie néoconservatrice adoptée par la New Right outre-Atlantique n’a jamais dominé le terrain politique. Alors que l’adoption d’une position moraliste a servi à discréditer le gouvernement travailliste des années 1970 en le présentant comme laxiste, le thatchérisme n’a pas été un allié de la New Right 775. Malgré la promulgation de la clause 28 de la loi sur l’administration locale de 1988 (The Local Government Act) qui interdisait aux autorités locales de procéder à la promotion de l’homosexualité et aux établissements sociaux publics de présenter l’homosexualité comme une relation familiale, le gouvernement Thatcher est entré en conflit avec ceux qui prônaient les valeurs morales en raison de ses subventions aux centres de planning familial et de la timidité de sa législation concernant la pornographie et la violence à la télévision et au cinéma776.

John Major a essayé d’adopter une position morale plus tranchante avec le lancement de sa campagne Back to Basics, lors de la conférence annuelle du Parti conservateur en 1993. Il y déclarait :

‘We are going to lead Britain back to the values of common sense. It is time to get back to basics, to self-discipline and respect for the law, to consideration for others, to accepting responsibility for yourself and your family and not shuffling it off onto the state 777 .’

La moralité qui est censée étayer ces « valeurs de bon sens » n’est pas élaborée ou expliquée en détail : elle est simplement acceptée comme une évidence que tout le monde partage778. Un tel discours simpliste diabolise facilement ceux qui ne respectent pas ces valeurs, telles les mères célibataires qui vivent des allocations sociales. Ils font partie des rangs de l’« enemy within »779 (ennemi intérieur) qui menace l’ordre même de la société, permettant ainsi au gouvernement de se décharger de toute responsabilité à leur égard et de poursuivre son projet néolibéral sans être entravé par des sentiments socialisants. Qui mieux qu’un ennemi commun peut rassembler une population autour de son gouvernement ?

L’efficacité d’une telle tactique a été bien illustrée lors de la guerre des Malouines de 1982 lorsque le peuple s’est réuni contre un ennemi extérieur et intérieur à la fois. Dans le sillage de la victoire, Margaret Thatcher a déclaré : « We have ceased to be a nation in retreat. We have instead found a new confidence […] born in the economic battles at home and tested and found true 8 000 miles away780. » La guerre a réussi à raviver les sentiments nationalistes et elle est souvent considérée comme un facteur majeur (the Falklands factor) ayant contribué à la victoire du Parti conservateur lors des élections législatives de 1983.

Le besoin de se rassembler afin de combattre un ennemi commun a encore plus de résonance dans le contexte de la société du risque(risk society) – le passage d’une société moderne dans laquelle on trouvait facilement ses repères vers une société plus fluide qui présente de nouveaux risques et crée des nouvelles insécurités. Comme le sociologue allemand Ulrich Beck l’explique, « calculating and managing risks which nobody really knows has become one of our main preoccupations »781. Dans une telle situation, l’État intervient pour offrir ses services en tant que risk manager. Paradoxalement, il gère les insécurités qu’il a contribué à fabriquer lui-même, en s’appuyant sur la moralité comme une sorte de « social glue » (ciment social)782.

Il ne s’agit pas d’une simple coïncidence si les valeurs qui constituent la moralité inspirée du bon sens sont également celles du néolibéralisme. C’est en promouvant des valeurs « populaires » qui résonnent avec les sentiments de la Middle England que le gouvernement britannique a tenté de dissimuler le rôle que ses propres politiques pouvaient jouer dans la création des insécurités et le désordre social. Pour ce faire, il s’est souvent montré autoritaire envers les grévistes et les syndicats, les « parasites » de l’État providence ou encore, sous la direction de John Major, contre ceux qui mènent des modes de vie alternatifs. Par conséquent, il est possible de prétendre que l’on a affaire ici à l’« autoritarisme populaire », théorisé à l’époque thatchérienne par Stuart Hall783. Malgré l’apparence populaire des politiques menées depuis la fin des années 1970, au fil du temps, lorsque leurs conséquences sociales sont devenues de plus en plus manifestes, le côté autoritaire de ce genre de populisme a été contesté et les valeurs qui promeuvent l’individualisme rampant ont perdu de leur popularité. En fin de compte, « The unbridled turbo-capitalism of the Thatcher years had devastating consequences for order that far outweighed the strong state measures introduced to control it in a Canute-like effort to stem the social tsunami »784.

Par conséquent de la fissuration du ciment social, le projet thatchérien a été sérieusement remis en question. Des anciens partisans du thatchérisme se sont retournés contre le projet. John Gray, par exemple, prétend que ce projet était autodestructeur, la libération du marché sapant la sécurité des groupements sociaux qui en étaient les premiers bénéficiaires et créant ainsi la « middle class pauperdom » (la paupérisation des classes moyennes)785. En effet, dans le sillage du régime Thatcher, l’insécurité économique et sociale s’est répandue, touchant désormais non seulement les couches les plus défavorisés qui, selon le politologue Will Hutton représentaient en 1995 30 % de la société britannique, mais également encore les 30 % de la population qui ont des emplois instables786. On compte parmi ces derniers 30 % des travailleurs occasionnels, des employés à temps partiel, voire ceux qui travaillent à plein temps mais qui n’ont souvent que des contrats à duré déterminée et qui ne bénéficient plus des mêmes protections légales au travail qu’auparavant787. La situation précaire de 60 % de la population britannique à la fin des années Thatcher et Major était en opposition totale avec celle du dernier 40 % ayant un emploi stable788. Par conséquent, la société était profondément divisée et il est devenu de plus en plus difficile de trouver le « ciment social » capable de la réunir. Pour beaucoup de commentateurs, au lieu d’être liée par une moralité commune, elle était liée par une amoralité :

‘For what binds together the disorders of the British system is a fundamental amorality. It is amoral to run a society founded on the exclusion of so many people from decent living standards and opportunities; it is amoral to run an economy in which the only admissible objective is the maximisation of shareholder value; it is amoral to run a political system in which power is held exclusively and exercised in such a discretionary, authoritarian fashion 789 .’

Ce raisonnement a été adopté par le New Labour. Il a été très clairement énoncé par Tony Blair lors de son premier discours en tant que Premier ministre à la cité d’Aylesbury dans la banlieue londonienne. Blair s’est insurgé contre les valeurs de l’époque « who cares ? » (qui s’en soucie), considérant qu’il est moralement inadmissible qu’il existe tant de personnes qui ne sont pas en mesure de participer à la société, et déclarant : « There will be no forgotten people in the Britain I want to build790. » Les conséquences de cette situation sont graves pour la société toute entière : « Comfortable Britain now knows not just its own forms of insecurity and difficulty following the recession and industrial restructuring. It also knows the price it pays for economic and social breakdown in the poorest parts of Britain791. » La dégradation sociale et économique est évidente. Elle se traduit par le chômage de masse – Blair cite les cinq millions de personnes qui vivent dans un ménage où personne ne travaille792. Elle se traduit également par le fait que le Royaume-Uni compte le nombre de familles monoparentales le plus élevé de toute l’Europe, 150 000 sans abris, 100 000 enfants qui ne vont pas à l’école en Angleterre et au pays de Galles, un taux de criminalité le plus élevé d’Occident, des écoles défaillantes et des cités déshéritées793.

Pour le Premier ministre, la société a donc la responsabilité d’agir afin de faire face au problème de l’underclass – « people cut off from society’s mainstream, without any sense of shared purpose » – en formant une alliance entre les « haves » et les « have-nots » (les riches et les pauvres)794. Il s’agit de fonder une nouvelle moralité autour de laquelle puissent se rallier toutes les couches sociales. Tony Blair définit cette moralité ainsi :

‘What we need is [a morality] grounded in the core of British values, the sense of fairness and a balance between rights and duties. The basis of this modern civic society is an ethic of mutual responsibility or duty. It is something for something. A society where we play by the rules. You only take out if you put in. That’s the bargain 795 .’

Cette notion de contrepartie représente l’essence même de la « troisième voie » politique adoptée par le New Labour. Se présentant comme un remède contre « the wreckage of our broken society »796, elle marque une rupture avec les politiques individualistes de Margaret Thatcher, résumées par son affirmation célèbre selon laquelle la société n’existe pas797. Elle implique l’existence d’une société forte dans laquelle chaque citoyen est lié à l’autre et au gouvernement par son acceptation d’un pacte aux termes duquel il accepte de remplir des devoirs en contrepartie des droits dont il bénéficie. En même temps, elle rompt avec les politiques de la sociale-démocratie du passé et de la culture « anything goes » (tout est permis)798, en soulignant la responsabilité personnelle. Il s’agit maintenant de voir dans quelle mesure cette tentative de gérer la crise sociale créée par les politiques thatchériennes représente réellement une rupture avec la stratégie conservatrice.

Notes
714.

Norman Johnson, Restructuring the Welfare State : A Decade of Change 1980-1990, Hemel Hempsted, Harvester Wheatsheaf, 1990.

715.

Ibid., p. 8.

716.

Ibid., p. 9.

717.

Ibid., p. 8.

718.

Ibid., pp. 15-24.

719.

Chris Jones et Tony Novak, Poverty, Welfare and the Disciplinary State, Londres, Routledge, 1999. Tony Novak, Poverty and Inequality, Londres, Pluto Press, 1984.

720.

Ray Hudson et Allan M. Williams, Divided Britain, Paris, Mallard Éditions, 2000 [1989].

721.

Alan Walker, « Introduction : the strategy of inequality », dans Alan Walker et Carol Walker (éds.), Britain Divided : The growth of social exclusion in the 1980s and 1990s, Londres, Child Poverty Action Group, 1997.

722.

« Au lieu de considérer l’inégalité comme potentiellement nuisible au tissu social, les gouvernements Thatcher ont considéré qu’elle poussait à l’entreprise, incitant autant ceux d’en bas que ceux d’en haut à travailler. » Ibid., p. 5.

723.

Norman Johnson, op. cit., p. 27.

724.

Ibid., p. 28.

725.

Ibid., p. 32.

726.

Ibid., pp. 28-29.

727.

Ibid., pp. 30-32.

728.

Ibid.¸ p. 30.

729.

Ibid.

730.

Kay Andrews et John Jacobs, Punishing the Poor : Poverty under Thatcher, Macmillan, Londres, 1990, p. 146.

731.

Brian Lund, Understanding State Welfare : Social Justice or Social Exclusion ?, Londres, Sage, 2002, p. 179.

732.

Marilyn Howard, « Cutting social security », dans Alan Walker et Carol Walker (éds.), op. cit.

733.

Ibid., p. 85.

734.

Ibid., p. 86.

735.

Brian Lund, op. cit., p. 180.

736.

Kay Andrews et John Jacobs, op. cit., p. 164-169.

737.

« […] discréditer les demandeurs d’aide sociale, en particulier les chômeurs, c’est maintenir la stigmatisation associée aux allocations, afin de décourager les demandes », ibid., p. 169.

738.

En 1987, il était estimé que les réductions des dépenses d’aide sociale avaient épargné £ 12 milliards à l’État britannique depuis 1979. Cf. ibid., p. 8.

739.

Andrew Gamble, The Free Economy and the Strong State,Basingstoke, Macmillan, 1989, p. 122.

740.

Norman Johnson, op. cit., p. 224.

741.

Par exemple, Peter Jenkins, Mrs Thatcher’s Revolution, Londres, Pan Books, 1989, p. 375.

742.

Norman Johnson, op. cit., p. 225.

743.

Rodney Lowe, The Welfare State in Britain since 1945, Macmillan, Basingstoke, 1999, p. 340.

744.

Martin Pugh, State and Society : British Political and Social History 1870-1992, Londres, Arnold, 1994, p. 313.

745.

Peter Taylor-Gooby, Public Opinion, Ideology and State Welfare, Londres, Routledge et Keegan Paul, 1985.

746.

Ibid., p. 86.

747.

Richard M. Titmuss, Essays on ‘The Welfare State’, Londres, George Allen & Unwin Ltd., 1976 [1958], p. 229.

748.

« […] des facteurs cachés de réussite sociale », ibid., p. 52.

749.

« C’est une révolution dans la moitié de la Grande-Bretagne […] Parce que non seulement la Grande-Bretagne est toujours divisée en ‘Deux Nations’ mais elle est également divisée entre deux points de vue : entre l’ancien idéal d’assistance publique et le nouvel idéal de l’entreprise, rejetant le socialisme mais pas encore à l’aise avec le nouvel ordre. » In Peter Jenkins, op. cit., p. 378.

750.

Andrew Gamble, op. cit.

751.

Ibid., p. 216.

752.

« En 1987, le gouvernement Thatcher accusait un grand déficit de légitimité. » Ibid., p. 219.

753.

Ibid., p. 221.

754.

The Archbishop of Canterbury’s Commission on Urban Priority Areas, Faith in the City : A Call for Action by Church and Nation, Londres, (General Synod of the Church of England) Church House Publishing, 1985. Disponible sur : http://www.cofe.anglican.org/info/papers/ faithinthecity.pdf [page consultée le 14 février 2008].

755.

« […] quelque volonté politique sincère d’impulser un processus qui permettrait à ceux, impuissants, qui vivent actuellement sous le seuil de pauvreté, de rejoindre le niveau national », ibid., p. 360.

756.

Ibid., p. 365.

757.

Arthur Marwick, British Society Since 1945, Londres, Penguin, 1996, pp. 395-396.

758.

Martin Pugh estime que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 5 million en 1980 à 6,6 million en 1989. Par ailleurs, alors qu’en 1979 les 20 % des salariés les mieux rémunérés jouissaient de 37 % du revenu national, les 20 % des salariés les moins rémunérés jouissaient de seulement 9 % du revenu national. En 1988 ces chiffres étaient de 44 % et 6,9% respectivement. Martin Pugh, op. cit., pp. 312-314.

759.

Charles Booth, « An account of homelessness in Whitechapel », carnet n° 350, p. 49, écrit dans le cadre des recherches pour son enquête sur la vie et le travail des pauvres de Londres (1886-1903). Disponible sur : p. 49http://booth.lse.ac.uk/notebooks/b350/jpg/49.html [page consultée le 14 février 2008].

760.

Office for National Statistics, Homeless Households in Temporary Accommodation 1982-1999 : Social Trends 31 [en ligne]. Disponible sur : http://www.statistics.gov.uk/StatBase/ssdataset.asp ?vlnk=3621&Pos=4&ColRank=2&Rank=448 [page consultée le 14 février 2008].

761.

« Mme Thatcher s’est efforcée de prêcher les vertus des valeurs victoriennes. Fidèle à sa parole, lorsqu’elle a été expulsée sans cérémonie du gouvernement par son propre parti, elle a laissé en héritage un Royaume (Dés)Uni, plus profondément défiguré par la pauvreté et l’inégalité qu’il ne l’avait été depuis l’ère victorienne. » In Ray Hudson et Allan M. Williams, op. cit., p. x.

762.

Kirk Mann, The Making of an English ‘Underclass’ ? The Social Divisions of Welfare and Labour, Milton Keynes, Oxford University Press, 1992, p. 140.

763.

Cf. William Julius Wilson, The Truly Disadvantaged : The Inner City, the Underclass, and Public Policy, Chicago, University of Chicago, 1987 ; Neil Ascherson, Independent on Sunday, cité par Chris Jones et Tony Novak, Poverty, Welfare and the Disciplinary State, Londres, Routledge, 1999, pp. 2-3.

764.

John Gray, After Social Democracy : Politics, capitalism and the common life, Londres, Demos, 1996, p. 43.

765.

Ibid.

766.

Frank Field, Losing Out : The Emergence of Britain’s Underclass, Oxford, Basil Blackwell, 1989.

767.

Martin Pugh, op. cit., p. 314.

768.

Robert Reiner, op. cit., pp. 95-96.

769.

« Le laissez-faire moral a suivi le laissez-faire économique. » Ibid., p. 96.

770.

Ibid.

771.

David Harvey, op. cit.

772.

Voir supra., p. 331.

773.

David Harvey, op. cit., pp. 80-81.

774.

Ibid., p. 81.

775.

Martin Durham, Sex and Politics : The Family and Morality in the Thatcher Years,Houndmills, Macmillan, 1991.

776.

Ibid.

777.

« Nous allons aider la Grande-Bretagne à retrouver les valeurs du sens commun. Il est temps de renouer avec les fondements, avec l’autodiscipline et le respect de la loi, avec la considération envers les autres, avec la prise de responsabilité pour soi-même et pour sa famille et non de s’en remettre à l’État. » propos tenus par John Major lors de la conférence annuelle du Parti conservateur, 1993. Cité par Andrew Ward, Talking Dirty : Moral Panic and Political Rhetoric,Londres, IPPR, 1996, p. 4.

778.

Ibid., p. 21.

779.

Voir supra., pp. 218-219.

780.

« Nous ne sommes plus une nation en recul. Au lieu de cela, nous avons retrouvé une confiance […] forgée chez nous dans les batailles économiques et victorieusement éprouvée à 8 000 miles d’ici. » propos tenus par Margaret Thatcher, citée par Brendan Evans, Thatcherism and British Politics 1975-1999,Stroud, Sutton Publishing, 1999, p. 70.

781.

« […] estimer et gérer les risques que personne ne connaît est devenu une de nos préoccupations majeures », in Ulrich Beck, « The Politics of Risk Society », dans Jane Franklin (éd.), The Politics of Risk Society, Malden, Polity Press/IPPR, 1998, p. 12.

782.

Le terme est emprunté à David Harvey, op. cit., p. 82.

783.

Stuart Hall, The Hard Road to Renewal : Thatcherism and the Crisis of the Left, Londres, Verso, 1988. Voir supra., p. 260.

784.

« Le turbo-capitalisme débridé de l’ère Thatcher a eu des conséquences dévastatrices pour l’ordre, et l’a largement emporté sur les mesures étatiques fortes, introduites pour le contrôler dans un effort de Canut pour arrêter le raz-de-marée social. » In Robert Reiner, op. cit., p. 96.

785.

John Gray, op. cit., p. 11.

786.

Will Hutton, The State We’re In, Londres, Vintage, 1996 [1995], p. 106.

787.

Ibid., pp. 106-108.

788.

Ibid., p. 108.

789.

« Ce qui lie les désordres du système britannique est une amoralité fondamentale. Il est amoral de gérer une société qui prive tant de personnes de bonnes conditions de vie et d’opportunités ; il est amoral de gérer une économie dont le seul but admissible est de maximiser la fortune des actionnaires ; il est amoral de gérer un système politique dans lequel le pouvoir est exclusivement tenu et exercé de façon discrétionnaire et arbitraire. » Ibid., p. 24.

790.

« Il n’y aura pas de personnes oubliées dans la Grande-Bretagne que je veux constuire. » Tony Blair, discours prononcé à la Aylesbury Estate, le 2 juin, 1997 [en ligne]. Disponible sur : http://archive.cabinetoffice.gov.uk/seu/newsa52f.html?id=400 [page consultée le 18 février 2008].

791.

« La Grande-Bretagne nantie connaît non seulement ses propres formes d’insécurité consécutives à la récession et à la restructuration industrielle. Elle connaît également le prix à payer pour la dégradation économique et sociale dans les quartiers les plus déshérités du pays. » Ibid.

792.

Ibid.

793.

Ibid.

794.

Ibid.

795.

« Ce dont on a besoin, c’est [une moralité] fondée sur l’essentiel des valeurs britanniques, le sens de l’équité et un équilibre entre les droits et les devoirs. Le fondement de cette société moderne civique est une éthique de la esponsabilité mutuelle ou du devoir. C’est donnant-donnant. C’est une société dans laquelle on respecte les règles. Vous ne pouvez pas en tirer les bénéfices sans contrepartie. ça fait partie du marché. » Ibid.

796.

« Les décombres de notre société brisée. » In Tony Blair, New Britain : My Vision of a Young Country, London, Fourth Estate, 1996, p. 68.

797.

Déclaration de Margaret Thatcher lors d’un entretien le 23 septembre 1987 pour le magazine féminin Woman’s Own. Mis en ligne par la Margaret Thatcher Foundation : http://www.margaretthatcher.org/speeches/displaydocument.asp?docid=106689 [page consultée le 18 février 2008]. Elle y déclare : « [People] are casting their problems on society and who is society? There is no such thing! There are individual men and women and there are families and no government can do anything except through people and people look to themselves first. » –  « [Des gens] projettent leurs problèmes sur la société mais qui est la société ? Elle n’existe pas ! Il y a des individus hommes ou femmes, et il y a des familles, et aucun gouvernement peut faire autrement que de les aider à travers d’autres personnes. Des individus comptent d’abord sur eux-mêmes. »

798.

Tony Blair, discours à la Aylesbury Estate, op. cit.