a) Le projet de rémoralisation

La moralité version New Labour se différencie de celle des précédents gouvernements conservateurs dans la mesure où elle est moins traditionnelle. Alors que Thatcher et Major ont rappelé les vertus des anciennes valeurs victoriennes, le parti de Tony Blair accepte les réalités de la société contemporaine. Par conséquent, il s’est montré beaucoup plus libéral dans le domaine des droits des homosexuels : en 2000 la loi (modifiée) sur les délits sexuels (The Sexual Offences [Amendment] Act) a abaissé l’âge légal auquel on peut avoir des relations homosexuelles en Angleterre et au pays de Galles de 18 ans à 16 ans801 ; en 2003 la nouvelle loi sur l’administration locale a abrogé la clause 28, controversée, de la loi sur l’administration locale de 1988802 ; la loi sur les contrats d’union civile de 2004 (The Civil Partnerships Act) a été appliquée sur l’ensemble du territoire britannique, permettant aux couples homosexuels de bénéficier du même statut légal que les couples mariés803 ; la loi sur l’égalité de 2006 (The Equality Act) a déclaré illégale la discrimination pratiquée par les fournisseurs de biens et de services à l’égard de leurs clients en raison de leurs orientations sexuelles ; finalement, en janvier 2007, le Premier ministre a déclaré que cette loi s’appliquera aux agences d’adoption catholiques, facilitant ainsi l’adoption d’enfants par des couples homosexuels804.

Néanmoins, le parti a parallèlement soutenu des valeurs traditionnelles dans le domaine privé, se présentant comme le « parti de la famille » et considérant que le mariage offre « the most reliable framework for bringing up children »805. Tony Blair lui-même soutient ce point de vue, soulignant souvent l’importance de la famille : il a notamment déclaré en 1996 qu’elle est « the fountain of morality » (la source de la moralité)806. Ce point de vue explique en grande partie les politiques citées plus haut, telle la Sure Start 807, par lesquelles le gouvernement britannique actuel cherche à instaurer sa version de la moralité au sein de la famille et à s’attaquer ainsi aux causes de l’exclusion sociale, voire de la criminalité. On pourrait suggérer qu’à travers leur promotion de la famille traditionnelle les néo-travaillistes se rapprochent de leurs prédécesseurs conservateurs. Toutefois, en opposition aux politiques thatchériennes, le New Labour considère que la famille est le fondement même de la société, pas une institution qui peut s’y substituer comme Thatcher l’avait suggéré. En fait, en mettant l’accent sur l’importance de la collectivité, l’administration néo-travailliste semble à première vue se rapprocher plus de la tradition du socialisme chrétien et éthique que du conservatisme de Margaret Thatcher, ce qui pourrait suggérer qu’elle offre une alternative au néolibéralisme.

Nous avons déjà fait remarquer que le Parti travailliste n’a jamais été laxiste en matière de moralité. Même les réformes juridiques des années 1960, souvent considérées comme la marque d’une société permissive, étaient en réalité assez timides et ne faisaient que refléter le changement social de l’époque808. En fait, dès ses premiers balbutiements, le parti a souligné l’importance de la moralité individuelle, considérant qu’elle est étroitement liée au progrès social809. La question de la moralité a toujours été propre au courant de socialisme chrétien et éthique qui a joué un rôle primordial au sein du parti. Alors que dans la plupart des pays le socialisme était souvent opposé à la religion, en Angleterre elle a exercé une influence non négligeable sur les politiques du Parti travailliste810.

Cette tendance s’inscrivait dans la tradition de non-conformisme religieux qui a d’abord inspiré les Liberals au cours du XIXe siècle. C’est le socialisme chrétien qui a donné au Parti travailliste un ton distinctement moral, menant ainsi au développement du socialisme éthique811. Toutefois, même s’il a joué un rôle important dans le développement du parti, son influence a perdu de l’importance au cours du XXe siècle, ne refaisant surface qu’avec la nomination de John Smith puis de Tony Blair à la tête du parti, en 1992 et 1994 respectivement 812. Avant sa mort, Smith faisait partie du Christian Socialist Movement (une organisation chrétienne fondée en 1960 et affiliée au Parti travailliste qui tente d’influencer son programme politique) et Tony Blair en est toujours membre. Tony Blair est en effet connu pour ses convictions religieuses, qui sont souvent la cible des satiristes. Selon son biographe, Anthony Seldon, les relations entre Blair et Dieu ont été les plus déterminantes813. Il remarque : « Few Prime Ministers have been so influenced by their faith814. » Blair a été rejoint par d’autres membres du Cabinet dans ses croyances chrétiennes, notamment par Jack Straw, Gordon Brown, Paul Boateng et Tessa Jowell815, et 44 membres du Christian Socialist Movement se sont présentés aux élections législatives de 2001816. Tony Blair a été très explicite concernant l’influence de ses convictions religieuses sur ses politiques, déclarant au colloque annuel du Parti travailliste en 1992 : « We are trying to establish in the public mind the coincidence between the values of democratic socialism and those of Christianity817. »

C’est à travers l’idée de « communauté » que Blair a tenté de réaliser ce but et de riposter ainsi à l’individualisme des années Thatcher et Major. Son socialisme chrétien se présente comme une troisième voie, un moyen alternatif de réunir une société fissurée par les conséquences sociales du néolibéralisme, mais qui se dissocie d’un socialisme promouvant le contrôle étatique. Il cherche plutôt à faire avancer un socialisme construit autour d’une série de valeurs, fondées sur une croyance centrale en la société et la communauté locale. Le « communitarianism »818 est ainsi devenu essentiel au projet de remoralisation du New Labour.

Le « communitarianism » est défini par l’un de ses principaux partisans, Amitai Etzioni, comme « a call to restore civic virtues, for people to live up to their responsibilities and not merely focus on their entitlements, and to shore up the moral foundations of society », ceci à travers la restauration de communautés locales fortes et solidaires819. Il s’agit donc d’une notion moralisée de la collectivité qui implique une éthique chrétienne de fraternité, capable d’encourager la réciprocité et la prévenance réciproque pour autrui820. Selon Etzioni, Tony Blair « speaks communitarian » (parle le langage du communautarisme)821. En effet, il reprend les grandes idées de l’Américain, mettant l’accent sur la notion d’une citoyenneté active étayée par un contrat social qui exige que les droits doivent être contrebalancés par l’acceptation des responsabilités. Lors d’un discours prononcé devant le Christian Socialist Movement en 2001, le Premier ministre a déclaré :

‘Our values are clear. The equal worth of all citizens, and their right to be treated with equal respect and consideration despite their differences, are fundamental. So too is individual responsibility, a value which in the past the Left sometimes underplayed. But a large part of individual responsibility concerns the obligations we owe one to another. The self is best realised in community with others. Society is the way we realise our mutual obligations – a society in which we all belong, no one left out. And Parliament and government, properly conceived, are the voice and instrument of the national community 822 .’

Les influences chrétiennes sont évidentes dans ce discours, particulièrement dans l’idée que l’individu se définit par ses relations fraternelles avec les autres.

L’individualisme est donc redéfini comme une valeur positive insistant sur la responsabilité individuelle à bien respecter la collectivité en adhérant au contrat social des droits et des devoirs. Il ne faut pas minimiser l’importance des convictions religieuses de Tony Blair qui, selon Anthony Seldon, l’amènent à juger les autres de façon très catégorique823. Cette façon de penser est clairement illustré par la notion de « communauté », telle qu’elle est articulée par son administration, même si tous ses membres ne partagent pas sa vision en noir et blanc de la moralité. Il y a plusieurs versions du « communitarianism », certaines étant plus progressistes que d’autres. D’après les politologues Stephen Driver et Luke Martell, le New Labour « increasingly favours conditional, morally prescriptive, conservative and individual communitarianisms […] at the expense of less conditional and redistributional socioeconomic, progressive and corporate communitarianisms »824. Le communautarisme néo-travailliste est conditionnel dans le sens où l’exclusion des individus qui refusent de remplir leurs devoirs envers la collectivité est justifiée825. Ces devoirs comprennent, par exemple, le devoir des chômeurs d’accepter la responsabilité pour leur propre situation et de profiter des opportunités que le gouvernement travailliste leur offre pour se réintégrer au marché du travail. Son communautarisme est également principalement conservateur, en raison de certaines valeurs qu’il promeut : le respect pour la famille traditionnelle, la responsabilité parentale et la responsabilité individuelle pour la pauvreté et la criminalité826. Il est normatif, la moralité étant définie d’en haut, fréquemment sous forme de lois, en dépit du fait que le gouvernement britannique actuel se dit inspiré par le bon peuple827. On peut de nouveau citer l’exemple des ASBO à travers lesquelles l’administration néo-travailliste cherche à faire respecter certaines valeurs, tel le respect pour autrui, si nécessaire par la contrainte.

Alors que le New Labour postule que des valeurs morales fortes peuvent encourager la cohésion sociale828, en réalité le communautarisme conditionnel peut justifier, voire encourager, l’exclusion de ceux qui n’adhérent pas à ces valeurs. Son communautarisme est donc individualiste dans la mesure où il cherche à responsabiliser l’individu tout en limitant la responsabilité de l’État pour les problèmes auxquels la collectivité doit faire face. Par conséquent, au lieu de rassembler la société autour de la notion de communautés locales fortes partageant une moralité commune, nous verrons qu’en pratique les politiques étayées par cette idéologie tendent plutôt vers l’exclusion. En dépit de la rhétorique du Parti travailliste et surtout de Tony Blair lui-même, elles s’opposent ainsi souvent aux valeurs dites inspirées du socialisme éthique et chrétien. Par exemple, Tony Blair se dit influencé par John Macmurray, un philosophe chrétien écossais, essentiellement connu entre les années 1930 et 1950. Cependant, selon la politologue Sarah Hale, les idées des deux hommes sont radicalement opposées829. En contraste saisissant avec le New Labour,Macmurray était en faveur du droit à l’assistance publique, sans mentionner le besoin d’assumer des responsabilités en contrepartie830. Or, l’idée de conditionnalité et de réciprocité est l’essence même du communautarisme néo-travailliste. Par ailleurs, la responsabilité individuelle est certes importante, voire la condition préalable de la liberté, mais, selon Macmurray, elle ne doit jamais être imposée à l’individu, contrairement à ce que l’administration néo-travailliste a tenté de faire à travers, par exemple, sa politique du New Deal 831.

Or, tout comme avec le communautarisme britannique, il existe plusieurs versions du socialisme éthique et chrétien, certaines étant plus autoritaires que d’autres. Celui qui est promu par Tony Blair et son administration semble avoir été davantage influencé par Frank Field, David Green et Amitai Etzioni que par John Macmurray et d’autres socialistes éthiques et chrétiens du passé, tels que R. H. Tawney832. Tawney, souvent considéré comme une sorte de père fondateur du socialisme éthique, aurait été radicalement opposé aux politiques économiques néolibérales en raison de la tendance du marché à affaiblir les solidarités sociales833. Le New Labour, au contraire, considère que la liberté du marché est en mesure de générer une prospérité que l’on peut mettre au service de la société toute entière par la promotion de l’initiative individuelle. Il s’agit de ce que l’essayiste Michael Freeden appelle le « moral market », en vertu duquel les valeurs mercantiles sont réconciliées avec les valeurs sociales834. L’idée que ces deux séries de valeurs ne sont plus inconciliables est résumée par la nouvelle clause IV (4) de la constitution du Parti travailliste : le but du parti est désormais de forger « a dynamic economy, serving the public interest, in which the enterprise of the market and the rigour of competition are joined with the forces of partnership and cooperation »835.

Pourtant, c’est précisément la conviction qu’il faut désormais aider les citoyens à mieux s’adapter au marché libre (plutôt que les protéger de ses rigueurs) qui a sapé l’esprit de « partenariat et de coopération » et rend impossible la poursuite de politiques communautaires progressistes. Driver and Martell postulent ainsi :

‘Labour has shifted from a pragmatic acceptance of markets counterbalanced by collectivism in a mixed economy to a positive celebration of the dynamic market economy to which collectivism is a support rather than a balance. Mixed with Labour’s conservative prescriptive moral communitarianism, this shift to a greater emphasis on markets makes for a politics of the free market and conservative communitarianism, of liberal conservatism 836 .’

Par conséquent, on peut même considérer que le positionnement moral du New Labour ressemble davantage à celui du thatchérisme. En mettant l’accent sur la responsabilité individuelle, l’irresponsabilité envers les autres peut être encouragée837, surtout à l’égard de ceux que l’on juge irrespectueux de leurs devoirs sociaux. Or c’est exactement ce que le nouveau socialisme éthique et chrétien, tel qu’il est défini par Frank Field, David Green et Amitai Etzioni (tous des chrétiens déclarés), cherche à faire. Field a développé l’idée de conditionnalité de l’assistance publique dans son livre Stakeholder Welfare, publié par l’IEA838. Green soutient que l’essence du socialisme éthique (qui s’oppose au socialisme « égoiste ») est l’idée que les individus sont responsables de leurs actions dans toute situation sociale839. Pour sa part, Etzioni souligne le besoin de restaurer le juste équilibre entre les droits et les responsabilités840. Alors que les partisans de ces idées se disent être « socialistes », ils empruntent en réalité au conservatisme social et autoritaire de l’Américain Charles Murray, qui soutient lui aussi la famille traditionnelle et souligne l’importance de la responsabilité individuelle et la nécessité de limiter l’assistance publique afin d’inciter les individus à apprendre à se débrouiller seuls. Murray est également chrétien (Quaker) mais ses idées sont difficilement conciliables avec le socialisme chrétien des premiers chrétiens non-conformistes (Quakers, Baptistes, Congrégationalistes, Méthodistes, Presbytériens et Unitariens841) qui ont influencé le mouvement travailliste britannique dans ses premiers balbutiements.

Aujourd’hui, beaucoup des chrétiens influents se distinguent fortement de l’idéologie avancée par les socialistes éthiques et chrétiens contemporains. Tout comme l’administration Thatcher, celle de Blair a été critiquée par l’actuel Archevêque de Cantorbéry, qui considère que l’apparent laxisme envers certains aspects de la moralité peut masquer une grande sévérité : « We shouldn’t be misled by an easy-going atmosphere in manners and morals ; under the surface there is a harshness that ought to worry us842. » Le Christian Socialist Movement s’est montré critique à l’égard de l’administration travailliste. Dans sa réponse au forum national de politique du Parti travailliste, le Christian Socialist Movement critique l’accent qu’il met sur la conditionnalité de l’assistance publique843. Il note que les partis contractants du nouveau contrat social ne sont pas égaux, et il insiste sur le fait que personne n’a le devoir d’accepter un emploi mal rémunéré qui l’exploite et l’abaisse844. Or, nous avons mis en évidence que l’une des politiques phares de l’administration néo-travailliste, le New Deal, a tendance le faire845. Par ailleurs, dans un autre document, le Christian Socialist Movement critique l’autocratisme du gouvernement en matière pénale, lui conseillant de poursuivre des politiques qui favorisent la justice réparatrice au lieu du châtiment846.

En effet, le projet de remoralisation du New Labour, et surtout l’idée de communautarisme, explique en grande partie la mise en place de certaines politiques pénales punitives. D’abord, comme nous l’avons déjà expliqué plus haut, l’accent mis sur la responsabilité individuelle s’inscrit dans la tradition de la criminologie conservatrice, marquant ainsi une rupture avec la criminologie sociale-démocrate et encourageant la mise en place de politiques pénales plus sévères. Deuxièmement, plus on idéalise l’idée de collectivité, plus on a tendance à vouloir punir sévèrement une criminalité qui se présente comme le signe ultime d’un manque de respect envers cette dernière. Lorsque la collectivité est envisagée comme une entité singulière normative, la victime d’un acte criminel n’est plus considérée comme un seul individu mais devient un symbole de la collectivité toute entière qui souffre des conséquences de la criminalité. Selon le sociologue néerlandais Hans Boutellier, la victime sert à renforcer le consensus moral, réunissant la collectivité autour de son indignation commune devant l’acte criminel847. La sociologue britannique Barbara Hudson partage cette analyse, notant qu’une telle approche s’exprime dans la loi sur le crime et le désordre de 1998 qui déclare illégaux les comportements jugés contraires à la conception que la collectivité se fait d’elle-même848. Le délinquant, voire le voisin coupable de comportements antisociaux, sont considérés comme « autres », vivant à l’extérieur de la collectivité.

Dernièrement, cette tendance est exacerbée par la responsabilisation de la collectivité dans la lutte contre la criminalité. Le gouvernement britannique actuel responsabilise les individus et les organisations non-gouvernementales en les encourageant à se protéger eux-mêmes contre la criminalité par des stratégies de prévention qui impliquent la création de zones sûres et clôturées grâce à des technologies comme la vidéosurveillance ou la présence de gardiens de la paix de proximité sous forme forme des Community Support Officers, de Special Constables, des Neighbourhood Wardens et d’autres membres de la communauté locale. Chargés de s’attaquer tout particulièrement aux comportements antisociaux et à la petite délinquance de rue, ces représentants de la collectivité aident à construire une moralité normative et, de ce fait, exclusive. Nous avons déjà noté plus haut que la vidéosurveillance et d’autres nouvelles technologies censées protéger la collectivité tendent à exclure des pans entiers de la population considérés comme « indésirables », souvent en raison de leur milieu social ou leur âge849. Par ailleurs, il est difficile de faire appliquer avec succès des peines alternatives à l’incarcération si la collectivité ne se porte pas volontaire pour aider le délinquant à s’y réinsérer. Sans le soutien de la communauté locale, par exemple en l’aidant à trouver un emploi ou un logement, il est forcément plus difficile pour le délinquant de respecter les conditions de sa peine, le non-respect desquelles peut entraîner son incarcération et donc son expulsion totale de la collectivité.

Force est donc de constater qu’il est peu probable que la moralité, version New Labour, parviendra à gérer la crise sociale engendrée par les politiques thatchériennes. En dépit de ses intentions de créer une moralité inclusive, en mesure de représenter une troisième voie entre les politiques sociales de la sociale-démocratie et celles du conservatisme néolibéral, l’administration néo-travailliste n’a en pratique pas su marquer une rupture significative avec le passé. Étant donné que la tentative de construire son projet de moralisation autour des idées communautaires tend plus à l’exclusion qu’à l’inclusion, à bien des égards le New Labour se rapproche davantage du conservatisme autoritaire que d’une tradition socialiste. Cependant, à la différence de ses prédécesseurs conservateurs, il se montre plus interventionniste sur le plan social, ce qui représente plutôt une politique néolibérale de « roll out ». En effet, loin de constituer une réponse sociale au néolibéralisme, une moralité fondée sur une version du communautarisme de droite peut faire avancer le projet néolibéral en déchargeant l’État et ses politiques économiques néolibérales de leur responsabilité dans le domaine social, tout en lui permettant d’espérer que le nouvel ordre moral pourra atténuer leurs conséquences et éviter que la société ne sombre dans le chaos. Ceci peut expliquer pourquoi le projet de remoralisation semble avoir été soutenu par l’ensemble de l’administration néo-travailliste en dépit du fait que tous ses membres ne partagent pas les mêmes convictions religieuses que leurs dirigeants850. Afin de pouvoir mieux comprendre la coïncidence entre les politiques néolibérales économiques, sociales et pénales, nous analyserons en plus de détail l’exemple du projet d’inclusion sociale, projet phare de la troisième voie.

Notes
801.

L’âge légal a été baissé de 18 ans à 17 ans en Écosse et en Irlande du Nord.

802.

Voir supra., p. 354. La nouvelle loi de 2003 s’applique à l’Angleterre et au pays de Galles. La clause 28 avait déjà été abrogée en 2000 par le Parlement écossais au moyen de la loi sur les normes éthiques dans la vie publique (« Ethical Standards in Public Life (Scotland) Act »).

803.

Cette loi ressemble au « Pacte Civil de Solidarité » (PACS) en France.

804.

Hélène Mulholland, « Blair : no exemption for Catholics on gay adoption », The Guardian [en ligne], lundi 29 janvier 2007. Disponible sur : http://www.guardian.co.uk/politics/ 2007/jan/29/conservatives.children [page consultée le 21 février 2007].

805.

« […] l’environnement le plus sûr pour l’éducation des enfants », Baroness Jay, cité par la BBC, « Labour : ‘The party of the family’ », BBC [en ligne], 17 février 2001. Disponible sur : http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/1175753.stm [page consultée le 21 février 2008].

806.

Paul Anderson et Nyta Mann, op. cit., p. 264.

807.

Voir supra., pp. 265-266.

808.

Voir supra., p. 224-229.

809.

Jeremy Nuttall, « The Labour Party and the Improvement of Minds : The Case of Tony Crosland », The Historical Journal, 2003, vol. 46, n° 1, pp. 136-137.

810.

Robert Leach, « Christian Socialism : The historical and contemporary significance of Christian socialism within the Labour Party » [en ligne], article présenté au colloque annuel de la Political Studies Association, 5-7 avril 2002, pp. 3-4. Disponible sur : http://www.psa.ac.uk/journals/ pdf/5/2002/leach.pdf [page consultée le 21 février 2007].

811.

Ibid., p. 5.

812.

Ibid., pp. 7-9.

813.

Anthony Seldon, Blair, Londres, The Free Press, 2005, p. 515.

814.

« Peu de premiers ministres ont été autant influencés par leur foi. » Ibid.

815.

Ibid., p. 520.

816.

Robert Leach, op. cit., p. 9.

817.

« Nous tentons de montrer, dans l’esprit du public, la coïncidence entre valeurs du socialisme démocratique et celles du christianisme. » Tony Blair, cité par Anthony Seldon, op. cit., p. 517.

818.

Il faut distinguer le « communitarianism » du mot français « communautarisme » qui a des connotations beaucoup plus négatives. Ce dernier se définit comme « toute conception faisant prévaloir l’organisation de la société en communautés sur l’exigence d’assimilation des individus selon des règles et un modèle équivalents pour tous » (Le Petit Larousse, 2005). Cependant, pour des raisons de facilité, nous emploierons ci-après le terme français.

819.

« […] un appel à rétablir les vertus civiques, pour que gens prennent leurs responsabilités, en ne se préoccupant pas seulement de faire valoir leurs droits, étayant ainsi les fondements moraux de la société », in Amitai Etzioni, The Spirit of Community : Rights, Responsibilities and the Communitarian Agenda, Londres, Fontana Press, 1995, p. ix.

820.

Matt Beech, The Political Philosophy of New Labour, Londres, Tauris Academic Studies, 2006, p. 189.

821.

Amitai Etzioni, The Spirit of Community, op. cit., p. ix.

822.

« Nos valeurs sont claires. L’égalité de valeur de tous les citoyens, et leur droit à être traité avec un égal respect et une égale considération en dépit de leurs différences, sont primordiaux. La responsabilité individuelle – une valeur que la gauche a parfois minimisé dans le passé – l’est également. Mais une grande partie de responsabilité individuelle concerne les obligations envers autrui. Le moi se réalise mieux dans la communauté avec les autres. La société est la meilleure façon d’assumer nos obligations mutuelles – une société à laquelle on appartient tous, dont personne n’est exclu. Et le Parlement et le Gouvernement, correctement conçus, sont la voix et l’outil de la communauté nationale. » Tony Blair, discours prononcé devant le « Christian Socialist Movement », le 29 mars 2001 [en ligne]. Disponible sur : http://www.pm.gov.uk/ output/Page3243.asp [page consultée le 21 février 2007].

823.

Anthony Seldon, op. cit., p. 526.

824.

« […] est de plus en plus en faveur des communautarismes conditionnants, moralement normatifs, conservateurs et individuels […] au détriment des communautarismes moins conditionnantset socio-économiquement plus rédistributifs, progressistes et collectifs », in Stephen Driver et Luke Martell, « New Labour’s Communitarianisms », Critical Social Policy, 1997, vol. 17, n° 3, p. 27.

825.

Ibid., p. 37.

826.

Ibid., p. 38.

827.

Ibid., p. 40.

828.

Stephen Driver et Luke Martell, op. cit., p. 41.

829.

Sarah Hale, « Professor Macmurray and Mr Blair : The Strange Case of the Communitarian Guru that Never Was », Political Quarterly, 2002, vol. 73, n° 2 : 191-197.

830.

Ibid., p. 195.

831.

Ibid.

832.

R. H. Tawney, The Acquisitive Society, New York, Harcourt, Brace & Howe, 1920.

833.

Jim Tomlinson, « The Limits of Tawney’s Ethical Socialism : A Historical Perspective on the Labour Party and the Market », Contemporary British History, 2002, vol. 16, n° 4 : 1-16.

834.

Michael Freeden, « The Ideology of New Labour », The Political Quarterly, 1999, vol. 70, n° 1, pp. 47-48.

835.

« […] une économie dynamique qui sert l’intérêt général, dans lequel l’entreprise du marché et la rigueur de la concurrence se conjuguent aux forces du partenariat et de la coopération. »

836.

« Le Parti travailliste a basculé d’une acceptation pragmatique du marché, contrebalancée par la collectivité au sein d’une économie mixte, vers une célébration positive d’une économie de marché dynamique, dans laquelle la collectivité représente plus un soutien qu’un balancier. Joint au communautarisme moralement normatif du Parti travailliste, ce glissement vers une politique qui met l’accent sur le marché fonde une politique du marché libre et du communautarisme conservateur, un conservatisme libéral. » In Stephen Driver et Luke Martell, op. cit., p. 43.

837.

Robert Reiner considère l’irresponsabilité envers autrui comme une caractéristique des sociétés de marché, op. cit., p. 6.

838.

Frank Field, Stakeholder Welfare [en ligne], Choice in Welfare n° 32, Londres, IEA, 1996. Disponible sur : http://www.civitas.org.uk/pdf/cw32.pdf [page consultée le 1 novembre 2007].

839.

David D. Green, dans l’avant-propos de Norman Dennis et George Erdos, Families Without Fatherhood, Londres, IEA Health and Welfare Unit, 1992, p. xiii.

840.

Amitai Etzioni, The Spirit of Community, op. cit..

841.

Robert Leach, op. cit., p. 3.

842.

« Il ne faudrait pas croire qu’on vit dans une société laxiste en matière de mœurs et de morale ; il y a une sévérité sous-jacentequi devrait nous inquiéter. » Propos tenus par Rowan Williams, Archevêque de Cantorbéry. Cité par Jonathan Wynne-Jones, « Archbishop attacks Blair’s ‘unforgiving, materialistic’ Britain », The Sunday Telegraph [en ligne], le 26 mars 2007. Disponible sur : http://www.telegraph.co.uk/news/main.jhtml?xml=/news/2007/03/25/ nrowan25.xml [page consultée le 27 février 2007].

843.

Christian Socialist Movement, Response to the Labour Party National Policy Forum [en ligne], septembre 2002. Disponible sur : http://www.thecsm.org.uk/downloads/ 2002%20MODERN%20 WELFARE%20STATE%20.pdf [page consultée le 26 février 2008].

844.

Ibid.

845.

Voir supra., pp. 267-268.

846.

Robert Leach, op. cit., p. 11.

847.

Hans Boutellier, The Safety Utopia : Contemporary discontent and desire as to crime and punishment, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 2004, p. 75.

848.

Barbara Hudson, Justice in the Risk Society : Challenging and Re-affirming Justice in Late Modernity,Londres, Sage, 2003, p. 83.

849.

Voir supra., pp. 162-169.

850.

En effet, lors d’un entretien en 2003, Alistair Campbell, consultant en chef en communication et stratégie de 1997 à 2003, parlant au nom du Parti travailliste, a déclaré : « We don’t do God » (« Nous ne sommes pas religieux »). Cf. Anthony Seldon, op. cit., p. 518.