1) Les cinq W de H.D. Lasswell

Au nombre des reproches légitimes que l'on peut adresser à cette « multinationale scientifique » (Pollack, 1979) qu'a été l'entreprise Lazarsfeld-Lasswell, figure la dénonciation d'une division du travail d'enquête et d'une parcellisation des savoirs, propres à générer pêle-mêle cette posture de « Suprême Théoricien », cet empirisme abstrait et cet éthos bureaucratique ironiquement épinglés par Mills. Le tout, comme on le sait, a été condensé par l'aphorisme programmatique fameux d’H.D. Lasswell qui résumait le chantier de recherches des décennies suivantes par la question classique : Who says what, in which channel, to whom with what effects ? (Lasswell, 1948).

En acceptant provisoirement et pour des commodités d'exposition, une telle « balkanisation » des études, nous retiendrons des recherches anglo-saxonnes des décennies 40-50 et 60, une focalisation aisément compréhensible sur la question des effects (financements privés des contrats et arguments idéologiques obligent) ainsi que sur le contenu des messages (le what, auquel Laswell durant la guerre, et Berelson, dans sa content analysis (1962)ont donné leurs lettres de noblesse). Il faut bien constater, à l'inverse, une relative marginalité des études relatives au who ? et au whom ?, trop souvent réduits à la question marxisante de la propriété des moyens de production. En ce qui concerne les recherches sur le whom ? et le which channel ?, il s’agit principalement de théories mathématiques et technologiques, emblématisées par les travaux de Shannon et Weaver dès 194923.

Notes
23.

WEAVER, W., SHANNON, C. (1949), The Mathematical theory of communication, University of Illinois Press.