B) La réalité médiatique à la télévision, divertissement et source de compétence politique

La durée d'écoute de la télévision a encore augmenté dans le monde en 2005, constate l'étude annuelle d'Eurodata TV Worldwide présentée par Jacques Braun, directeur international de Médiamétrie. « En 2005, la télévision se porte bien avec une durée d'écoute moyenne dans le monde qui augmente pour atteindre 3 heures et 4 minutes d'écoute par jour et par individu », souligne Jacques Braun qui s'appuie sur des relevés effectués dans 64 pays.

Si l'on compare les données pour les trente pays historiquement observés par Eurodata TV Worldwide, on enregistre « une croissance de 28 minutes de la durée d'écoute quotidienne entre 1995 et 2005 ». Nous nous intéresserons plus précisément aux profils socio-culturels de ces individus dans la quatrième partie de notre travail consacrée aux enquêtes de terrain et à la construction de groupes et de socio-types à analyser.

Au plan mondial (63 pays), la durée d'écoute par individu a augmenté d'une minute entre 2004 et 2005. Le Japon caracole toujours en tête, avec une durée d'écoute quotidienne par individu de 5 h 11, suivi par les Etats-Unis qui enregistrent une augmentation de trois minutes par rapport à 2004, les Américains passant 4 h 31 devant le petit écran. Les Européens passent, eux, 3 h 15 par jour devant le petit écran (autant qu'en 2004).

La fiction est restée en tête des programmes de télévision les plus regardés dans le monde en 2005, selon l'étude. La fiction représente en effet 44 % des programmes retenus, contre 38 % pour le divertissement et 18 % pour les programmes d'information.

Parmi les différents genres de fictions (films, téléfilms, séries, et dessins animés), on note une forte progression des séries au détriment de tous les autres genres. Les séries représentent 64 % des meilleures audiences de fiction en 2005 contre 50 % en 2004. Les films souffrent de la réussite des séries et ne représentent que 16 % des meilleures audiences de fiction en 2005.

Le divertissement pour sa part (qui comprend le divertissement proprement dit, la variété, la télé-réalité, les jeux, les talk-shows et les émissions humoristiques) représente plus d'un tiers des programmes préférés des téléspectateurs dans le monde.

Les programmes événementiels demeurent une valeur sûre pour les chaînes européennes, à l'image de l'Eurovision. En Asie, c'est la retransmission du Nouvel An chinois qui tient la vedette. Enfin, la variété et la télé-réalité ont continué à représenter en 2005 ce qu'Eurodata TV appelle un « duo gagnant ». Lancé par la BBC en mai 2004, le nouveau format britannique Strictly Come Dancing, qui flirte entre télé-réalité et variété, figure au palmarès de sept des pays observés. Le genre le moins bien représenté, le « factuel » (journaux télévisés, magazines, émissions politiques et documentaires, à l'exclusion des événements sportifs) a connu en 2005 des performances irrégulières.

Si la fin de la télévision analogique est annoncée, l’avènement de la télévision numérique met en lumière une transformation intime du spectateur à son écran, l’apparition de la télévision à la carte. Le spectateur pourra en effet choisir, et payer des programmes de télévision selon ses choix et ses intérêts, à l’inverse de sa position actuelle de « zappeur » face à la multiplication des chaînes généralistes ou spécialisées. L’attrait grandissant des téléspectateurs pour les séries américaines les conduira sûrement à sélectionner en majorité ce type de programme dans le cadre d’une télévision à la demande, l’intérêt de consacrer une recherche à ce genre fictionnel semble dès lors fondé pour étudier les contributions de la réalité médiatique sur les comportements des individus à l’avenir.

Cette mutation importante ne verra pas le jour avant une dizaine d’années environ, ce qui laisse encore de la marge aux détenteurs de chaînes publiques et privées. Si l’on observe le paysage audiovisuel actuel de plus près, celui-ci comporte une large part de programmes dédiés à la télé-réalité ou bien encore aux fictions, qui deviennent de plus en plus populaires. Ce paysage est a fortiori susceptible de fournir de nombreuses informations aux spectateurs, notamment des informations politiques, et c’est pourquoi nous devons aussi l’envisager comme participant à la compétence politique de ceux qui le regardent30, tout en soulignant la multiplicité des rapports que les individus entretiennent avec la politique à travers ce média.

Notes
30.

BAUM, Matthew A. (2002), How soft news brings foreign policy to the inattentive public ? American political science review, vol.96, n°1, p.91-109.