Il s’agit ici de nous tourner en premier lieu vers la théorie des usages et gratifications, un modèle fonctionnaliste qui souligne le caractère participatif du public dans la relation qu’il entretient avec les messages médiatiques. Cette théorie peut s’expliquer par les postulats suivants (voir Katz in Quail, Blumer et Brown, 1972, p.135-165 ; Dragan, Pelissier, in Courbet, Fourquet, 2003, p.98-112) ;
Exemples :
La situation sociale produit des conflits ➙Les médias proposent une atténuation
La situation génère un certain nombre de valeurs ➙Les médias offrent une réaffirmation de ces valeurs.
La situation sociale attire l’attention sur certains problèmes ➙Les médias offrent de l’information.
Les travaux de ce courant sont bientôt soumis à deux critiques principales. La notion de « besoin », trop « naturelle » et psychologique, néglige l’environnement social des usagers, le déterminisme qui les entoure. Jugée trop réductrice, trop simplificatrice, cette méthode est de plus considérée par ses détracteurs comme trop naïve, « optimiste ». Le téléspectateur contrôle tellement son attitude et les programmes qu’il choisit que l’émetteur ne peut en aucun cas le manipuler (Lewis, 1991).
Ce modèle fonctionnaliste, qui s’intéresse à un public « actif », apparaît pour certains comme trop proche des recherches menées en psychologie expérimentale et quantitative : ces auteurs ont ainsi souhaité le sophistiquer et l’approfondir en lui donnant une résonance plus anthropologique. C’est ainsi que prend forme la théorie de la dépendance. Le noyau dur de cette théorie, élaborée dans les années soixante-dix par DeFleur et Ball-Rokeach, est l’affirmation d’une relation tripartite entre le public, le système médiatique et le système social. Le fonctionnalisme n’est pas supprimé, mais il est plutôt amélioré et dépassé : « Les individus, comme des systèmes sociaux, développent des relations de dépendance face aux médias, parce que leurs actions sont orientées par plusieurs objectifs, et que certains de ces objectifs ont besoin de ressources d’accès contrôlées par les médias (…). Nous présupposons que la survie et le développement personnel sont des motivations humaines fondamentales qui obligent les individus à réaliser trois objectifs importants : la compréhension, l’orientation et le jeu.
Ainsi, les êtres humains sont motivés par la compréhension d’eux-mêmes et de leur milieu social. Ils utilisent alors les informations médiatisées pour orienter leurs actions et leurs interactions avec les autres. Le jeu est considéré comme un objectif tout aussi essentiel. C’est un trait commun à toutes les sociétés et il représente bien plus qu’une évasion ou la libération d’une tension ; il est aussi un mode par lequel nous devenons sociaux. Nous apprenons des rôles, des normes et des valeurs en jouant avec les autres. De plus, dans le jeu, nous exprimons notre identité et notre culture, comme c’est le cas dans le sport, les cérémonies et les célébrations ». (DeFleur et Ball Rol-keach, in Mac Quail et Windahl, 1989, p.65)
Ian Dragan (1996, p.275) a résumé ces propos dans le schéma suivant :
Compréhension de soi ➙Orientation de l’action ➙Jeu individuel
Compréhension sociale ➙Orientation des interactions ➙Jeu de groupe
Cette remise en perspective des effets, qui positionne les téléspectateurs comme des acteurs-utilisateurs, est complémentaire à celle des théories de l’influence (Mac Quail, 1972), mais aussi des études d’audience et des recherches en pragmatique du discours sur la négociation et la co-production du sens, notamment dans la tradition culturaliste, études qui viennent transformer la perception des messages médiatiques par l’audience, devenue réflexive.