B) Les diffuseurs français

Avec un chiffre d’affaires dépassant les 42 milliards d’euros en 2001, le « trust » Vivendi-Universal faisait il y a peu encore partie des cinquante plus puissantes multinationales au monde, juste derrière TotalFinaElf, mais devant Peugeot, Renault, BNP Paribas Carrefour ou encore Compaq. On sait aujourd’hui ce qu’il est advenu de Vivendi-Universal, contraint, après une débâcle boursière historique, de revendre ses plus importantes participations. Le départ de Jean-Marie Messier de la présidence du groupe s’est accompagné de l’arrivée aux commandes de Jean-René Fourtou, le vice-président d’Aventis, et de quelques personnalités phares des milieux financiers et industriels de l’hexagone au conseil d’administration du groupe, telles que Jacques Friedmann (vice-président Axa, administrateur BNP Paribas), Marc Viénot (président honoraire Société générale) ou Claude Bébéar (président du conseil de surveillance Axa).

À l’instar de Vivendi, les grandes industries médiatiques françaises, qui achètent à grand prix les droits de diffusion des séries américaines de fiction, seraient-elles, comme leurs homologues outre-Atlantique, les exemples les plus aboutis d’une véritable imbrication entre les élites du monde économique et les élites du monde politique ou culturel? L’étude de l’actionnariat et des conseils d’administrations de ces groupes permet assurément de répondre par l’affirmative : Suez (ex-Lyonnaise des eaux) qui contrôle, en partie ou totalement, la Société générale de Belgique, Fortis, Tractebel ou encore Umicore, les chaînes de télévision M6 et Paris Première ; Lagardère, à travers sa filiale Hachette Filipacchi Media, possède les chaînes Canal J, Canal Satellite et MCM, les radios Europe1, Europe2 et RFM ou encore les journaux La Provence, Nice-Matin, Télé7jours, Paris-Match, France Dimanche, Le Monde2, Le journal du Dimanche, L’Humanité et Le Parisien. Devenu 4ème groupe mondial de l’industrie de la défense et de l’aéronautique, Lagardère entretient des relations ténues avec de grandes personnalités du complexe militaro-industriel et de la haute-finance, dont Evan G. Galbraith (ambassadeur des Etats-Unis en France, de 1981 à 1985) ou Jean Peyrelevade, qui cumule les mandats d’administrateur à la BNP, à Saint-Gobain, ou chez Bouygues et Suez, autres poids lourds de l’information en France.

Contrairement aux multinationales américaines, les membres des conseils d’administration des grands groupes médiatiques français sont rarement des anciens ou futurs hommes politiques, ils entretiennent néanmoins des liens privilégiés avec les gouvernements en exercice. Ils siègent généralement aux conseils d’administrations de grandes entreprises françaises liées à la finance ou à l’industrie et sont de fait des partenaires importants de l’Etat. Le nouveau président de la république française n’a d’ailleurs pas caché, avant ou après son élection à la tête du pays en 2007, les liens d’amitié (Martin Bouygues est notamment le parrain de l’un de ses fils) et de collaboration qu’il entretenait avec les principaux dirigeants des quatre entreprises suivantes.