b) L’empreinte de la vérité

La série propose en effet à ceux qui ne voient à la Maison-Blanche que des politiciens assoiffés de pouvoir et d’avancement un tableau d’individus idéologiquement dédiés à la noblesse de leur tâche, qui sacrifient leur vie personnelle à un labeur éprouvant, et qui ne sont pas dénués d’humanisme.

Dans Presidential Power (1990), Richard Neustadt précise que le président des Etats-Unis ne dispose en réalité que de peu de pouvoir de commandement. Il doit sans arrêt négocier avec les experts, surtout pour les sujets importants. Le président Bartlet se plaint souvent de son manque de pouvoir. Il se sent impuissant devant de nombreux sujets. « J’aimerais bien finir la journée aussi content que lorsque que je l’ai commencée » lance-t-il dans l’épisode « Let Bartlet Be Bartlet ». Dans « 25 heures à L.A. », il se dit épuisé par la campagne perpétuelle, les pressions de l’opposition, les « feux politiques » qui ne s’éteignent jamais.

La série montre bien aussi la complexité des situations, des problèmes rencontrés par l’équipe. Il n’y a jamais de réponse simple, le président consulte toujours les lobbies, chaque conseiller se doit de défendre deux points de vue afin de n’oublier personne dans la prise de décision. Il faut un point de vue global pour chaque calcul politicien, un sens aigu du pragmatisme. Le rôle des sondages est véritablement mis en valeur. Avant chaque décision importante, l’équipe désigne un sondeur, pas toujours le même, pour prévenir la réaction des Américains. Le résultat des sondages sert toujours de base au remaniement, ou non, de la décision. La série insiste sur l’effet, la portée des questions posées pendant ces sondages, et se rapproche ainsi de la réalité politique. Bill Clinton a souvent été décrit comme un « maniaque des sondages » comme le rappelle le propre sondeur du président, Richard Morris, dans son ouvrage Behind the Oval Office (1997).

Le quotidien des affaires traitées à la Maison-Blanche est bien évoqué dans l’épisode 14 de la série, intitulé « Le jour des poubelles ». Cet épisode décrit une journée-type du Vendredi, dit « jour des poubelles » car c’est le jour que choisit l’attachée de presse du président pour donner aux journalistes un grand nombre d’informations que le week-end proche permettra de ne pas étaler dans les premières pages médiatiques. Le staff tente d’étouffer un détournement de fonds publics par un sénateur, l’information est rendue publique entre deux autres faits mineurs, et tout le monde est satisfait, au lieu d’un grand titre en semaine, l’information ne fera que quelques colonnes dans l’édition du samedi. Tous les vendredis suivront de la même manière, l’équipe passe le plus clair de son temps à retarder le passage dans l’espace public de certains faits nuisibles à leur cote auprès des électeurs (comme la conduite en état d’ivresse de leur candidat à la cour suprême ou bien encore les problèmes de drogue d’un ami de la fille du président).

La réalité politique est encore très présente dans la série à propos du rôle des femmes dans le monde politique. La fiction montre un univers essentiellement masculin. Il y a des rôles de femmes à fort caractère : l’attachée de presse, l’assistante de Josh Lyman, l’adjointe à la communication (seulement au cours de la saison 1), une juriste républicaine (saison2), mais ces femmes occupent des postes de subordonnées aux hommes qui possèdent les postes dominants. L’attachée de Presse CJ Cregg a un rôle décisif, mais uniquement au niveau du traitement de l’information politique, pas au niveau de prise de décision. Elle décrit le pouvoir sans réellement influer sur lui. Dee Dee Mayers, qui fut l’attachée de presse du gouvernement Clinton, s’est plainte de l’attitude des hommes de l’équipe présidentielle. Elle n’avait pas de bonnes relations avec le chef du staff, Leon Panetta (Birnbaum 1996, p171-192). De plus, elle était forcée de partager ses responsabilités avec les directeurs de la communication de l’époque : Georges Stephanopoulos et Mark Gearan, et aussi avec le responsable républicain des médias : David Gergen.

Développée pendant le second mandat de Bill Clinton (1997-2001), c’est vers cette administration que la série The West Wing tend le plus au niveau de la peinture d’une réalité politique américaine. L’équipe présidentielle y est ainsi moins structurée, ou « managée » que si elle s’était inspirée des mandats de Richard Nixon, Ronald Reagan ou George Bush.