D) Sur la question des contributions, entre confirmation, approfondissement et réajustement des jugements sur le politique

Il convient ici de revenir en premier lieu sur la terminologie employée par l’enquête comparative d’Elihu Katz et Tamar Liebes sur l’impact de la série américaine Dallas en 1990. Lors de cette étude, les chercheurs avaient d’abord relevé trois modes de lecture de la fiction selon l’appartenance religieuse des spectateurs (voir première partie de notre travail) : linéaire, segmenté et thématique, avant de ne retenir finalement que deux terminologies : lectures référentielles ou critiques. Ces modes de participation active des spectateurs lors de la réception de la fiction, qui venaient a fortiori souligner le travail de David Morley dans les années 1970 sur le public de l’émission Nationwide diffusée sur la BBC, déterminaient le caractère hétérogène des réceptions et ce, même si le programme possède une palette homogène de messages médiatiques.

En d’autres termes, aucune émission n’impose une signification unique aux spectateurs qui la regardent car chacun ne cesse de se les réapproprier selon son environnement (familial, culturel, social) et sa logique propre (entre lecture référentielle et lecture critique, les deux attitudes sont d’ailleurs le plus souvent combinées, voir Rieffel, 2005, p396). En 1994, Tamar Liebes va affiner ses recherches, et la terminologie correspondante, en proposant trois nouveaux types de lectures par le spectateur : ludique, idéologique ou esthétique (Liebes, 1994, 93-105).

Nous retrouvons cette attitude active des « récepteurs » dans nos entretiens individuels qui ont entraîné de la part des interviewés une véritable attitude réflexive, là aussi combinant lecture référentielle et critique, parfois elle-même mâtinée de lectures ludiques, idéologiques ou esthétiques selon leur intérêt pour les séries ou la politique (voir plus haut, profils télévisuels) face à la fiction politique qui leur était proposée. L’influence de ce programme sur l’intérêt politique des interviewés ne saurait pas non plus être univoque, mais certaines de leurs opinions sur le politique, révélées par la confrontation avec les messages médiatiques, sont partagées par une majorité d’entre eux.

D’une manière générale, les entretiens ont donné à entendre une véritable déception des personnes interrogées face à l’offre politique actuelle, et des regrets, une certaine nostalgie des grands hommes politiques du passé, dont François Mitterrand ou le Général de Gaulle. Seules deux personnes interrogées, Michel, et Matthias, du groupe S-P+, sont restés très en retrait pendant les entretiens. Ils n’ont pas beaucoup réagi non plus, ce qui a entraîné une difficulté lors de l’analyse de leurs réponses, il est en effet délicat de tirer un sens véritable de telles données.

Les autres interviewés accusent le personnel politique de ne s’intéresser qu’au pouvoir et pas aux problèmes réels rencontrés par la population. Leurs jugements des hommes politiques se font le plus souvent à partir d’un point de vue personnel, historique. S’ils n’ont pas d’emplois ou si un de leur proche est touché par la précarité sociale, ils vont le reprocher à leurs représentants. Le sujet politique est souvent abordé lors de ces entretiens d’une manière très affective. C’est le cas, notamment, de Fernanda, du groupe S+P-, et de sa colère contre ceux qui ont expulsé sa mère de son appartement, ou bien encore celui d’Anne-Marie, qui ne votera pour Olivier Besancenot que si elle retrouve du travail.

Ainsi, si c’est le personnel en soi qui est visé, l’intérêt politique, lui, ne semble pas complètement immuable, et la série, l’épisode proposé lors du visionnage vont permettre aux interviewés d’approfondir pour certains leurs propres convictions politiques tout en laissant, pour d’autres, apparaître un jugement positif concernant l’influence possible de la série sur ceux qui la regardent, prêts eux aussi à se « laisser intéresser ».

Plus que le niveau social de l’interviewé, c’est l’intérêt porté à la série elle-même qui rend le téléspectateur moins hermétique aux messages médiatiques et politiques, s’il rentre dans le jeu de la série. Cet intérêt se lie ainsi presque systématiquement à un fort niveau d’engagement, de participation, d’implication dans le dispositif fictionnel qui lui est proposé par la série américaine. Lorsque l’engagement est minime, ou quand le niveau de résistance est fort, l’individu aura tendance à rejeter les modèles et les arguments politiques qui lui sont présentés à l’écran, même s’il peut toujours s’appuyer sur eux pour formuler un jugement, le plus souvent critique, sur le politique. Les personnes les plus « actives » face aux séries sont donc les plus à même d’être exposées aux contributions du message médiatique sur leur formulation politique en terme d’identification, de socialisation, de compréhension, d’informations, et de maintien de leur intérêt pour le politique.

Si le téléspectateur n’apprécie pas la série, et même s’il a un niveau de vie élevé, une profession appartenant aux CSP supérieures, il approfondira surtout ses opinions personnelles. Dans le groupe S-P-, Sylvie utilise l’argument selon lequel « on ne peut pas être d’accord avec des héros de feuilleton » pour se démarquer d’autres téléspectateurs, qui pourraient se « laisser prendre » au jeu de la série, qui veut nous faire croire « que tout ça est vrai ». Elle pense que succomber à l’influence politique de la série la fera passer dans le camp des téléspectateurs moins « intelligents ». Dominique, lui, expert en assurances, utilise la série pour renforcer son opinion politique : « la série nous montre des coulisses, je ne m’y intéresse pas », les personnages sont « perdus dans leur tour d’ivoire », il votera pour « Sarkozy, un gagnant », un homme de terrain, lui. Il en profite aussi pour marquer son opposition à la guerre en Irak, ainsi que son recul critique face à la télévision moderne : « C’est idiot plus que dangereux, je le dis souvent à ma copine, mais elle continue à voir pas mal d’émissions débiles et des séries à la gomme ».

Ceux qui portent de l’intérêt aux séries pensent, au contraire, que l’influence de The West Wing sur les téléspectateurs est bonne, et inversement, ceux qui ne portent que peu ou pas d’intérêt pour les séries nous disent en majorité que cette influence ne peut être que négative. Il faut apprécier la série pour se laisser « tenter » par les messages politiques véhiculés par elle (S+P-). François, lui, peut « imaginer une vraie influence de cette série, mieux comprendre l’actualité et prendre plus de recul pour les choses ». Pour Anne, elle va aider les gens à « apprécier » la politique. C’est sur ce point qu’il faut insister car il est mis en avant par beaucoup d’interviewés. Une série qui donne envie de « s’intéresser au politique », de l’aimer « un peu plus », de se l’approprier plus facilement, de se « reconnaître » dans cette « manière-là »de faire de la politique.

Ceux qui ont de l’intérêt à la fois pour la politique et les séries (S+P+) sont plus mesurés quant à l’influence d’une telle série sur le téléspectateur. Pour Pascale, la série apporte une « influence positive » sur le spectateur, sans vraiment préciser : « Je n’imagine pas d’influence négative, mais je ne suis pas experte ». Vanessa, elle, ne croit pas que la série peut « influer sur le vote des gens, par contre j’ai envie de voir d’autres épisodes ». Julien partage cet avis : « Je ne pense pas que la série puisse influencer quelqu’un, sauf peut-être celui qui veut se lancer dans une carrière politique, ou les fans de politique en général. Ce qui fait bien peu de monde aujourd’hui, n’est-ce pas ? ».

Enfin, ceux qui apprécient la politique sont plus circonspects, plus suspicieux aussi à propos d’une éventuelle influence de la série sur les opinions. Sylvie (S+P+) ne voit pas quel genre d’influence peut exercer cette série sur le spectateur : « Si on est accro, on doit être beaucoup plus calé en politique, sur ce qui se passe à la Maison-Blanche », ce qui ne bouleversera pas l’opinion politique de celui qui est « accro ». Vanessa (S-P+) pense que la seule influence de la série, c’est son pouvoir d’endormissement. Pour Fanette, du même groupe, la série « trompe sur la marchandise », il est difficile de se laisser influencer par une fiction qui nage autant à contresens de la réalité.

Dans le « Cens caché » (p 240-258), Daniel Gaxie met en relation les connaissances politiques des individus et leurs compétences politiques propres. La politisation (attention accordée au fonctionnement du champ politique) dépend, selon lui, fondamentalement du degré auquel les agents sociaux ont le sentiment de se retrouver dans le déroulement des événements politiques, donc de leur trouver un sens (sentiment de la compétence politique).

La possession d’une telle compétence est liée à un ensemble de conditions sociales dont la durée de la scolarisation est le principal élément. Mais, le niveau de compétence politique variant, à niveau d’instruction égal, avec le sexe, l’âge et, plus faiblement, le niveau social, l’efficacité de l’action scolaire dépend encore d’une disposition à s’intéresser aux événements politiques liée à la position occupée dans la division sociale du travail.

L’acquisition d’une compétence politique est donc indissociable de l’obligation où se trouvent certains agents sociaux de faire la preuve de leur maîtrise des affaires politiques. C’est parce que certains agents sociaux sont investis d’une autorité politique, c’est-à-dire d’une aptitude socialement reconnue (et prescrite)  à connaître ce domaine, qu’ils sont socialement disposés à accumuler les savoirs politiques qui contribuent en retour à légitimer leur droit statutaire de se prononcer sur les problèmes politiques. L’autorité politique des éléments masculins des générations adultes des classes supérieures devient alors un cas particulier de l’exercice des activités légitimes qui consacre leur domination sociale.

C’est d’ailleurs parce qu’elles donnent à leurs adhérents les moyens d’accumuler des savoirs politiques dans le même temps qu’elles atténuent le sentiment de leurs propres indignités culturelles et sociales  que certaines organisations (et surtout les organisations politiques, partis, syndicats…) peuvent favoriser la politisation d’agents jusque-là incompétents à la fois cognitivement et socialement (c’est-à-dire à la fois non légitimes et non capables du point de vue de la connaissance du champ politique).

À partir de la réalisation de nos entretiens, nous pouvons ainsi conclure que plus le niveau d’intérêt pour la politique des individus est élevé, plus leur compétence politique l’est aussi. Ceux qui sont intéressés par la politique identifient plus facilement l’offre politique proposée par la série (un gouvernement démocrate). Il y a donc une relation entre les connaissances, révélées par les questionnaires, et les compétences (identification des acteurs, projection et anticipation du discours).

La série The West Wing, ouvertement « démocrate », ne remet cependant pas en question les choix électoraux des interviewés. Ils savent en majorité pour qui ils vont voter en 2007, ou du moins, qui, selon eux, est le favori du scrutin présidentiel à venir. Beaucoup se servent de la série pour confirmer leurs idées ou leurs hypothèses politiques. Ceux qui n’aiment pas l’Amérique montrent la série du doigt, comme juste reflet d’un « impérialisme » ou d’une volonté de « contrôle des esprits ». Ceux qui n’apprécient pas le gouvernement au pouvoir, en France ou aux Etats-Unis, prennent pour exemple les personnages de la série pour les critiquer, et inversement. Vanessa (S+P+) espère que « cette série poussera les Américains à bouter Bush hors du bureau ovale ». Bruno (S+P), lui, trouve la série « hypocrite » : « Les USA ont donné les armes à Ben Laden et après ils viennent se plaindre d’attaques ».

Si la défiance face au personnel politique est particulièrement sensible à la seule lecture des entretiens, l’attrait pour le politique, pour l’administration du pouvoir ne semble pas complètement éteint et impossible à attiser. Le visionnage de The West Wing montre bien cette capacité du spectateur à s’intéresser au contexte dont est tirée la série si celle-ci lui plaît, s’énonce selon des normes de qualité qui viennent trouver un écho dans son esthétique personnelle. Elle parvient dans certains cas à réveiller un intérêt médiocre, peu développé pour la politique, surtout dans les groupes qui apprécient les séries.

Cette mise en perspective de nos résultats revient à dire que l’analyse des entretiens individuels nous a poussé à reconnaître quatre profils d’influences, et plus précisément trois types de contribution de la série américaine de fiction visionnée au jugement sur le politique des personnes interrogées :

La série provoque une confirmation du jugement sur le politique de l’interviewé. Celui-ci formule à nouveau le niveau d’intérêt qu’il donne à la politique, le même qu’il avait énoncé lors de l’enquête par questionnaire précédant aux entretiens. Mehdi (S-P-), qui ne s’intéresse pas à la politique, n’y croit pas plus après le visionnage : « La télévision n’est pas là pour te dire quoi faire dans la vie (..) je voterai… il va falloir qu’ils se remuent le cerveau. Dans la série, ils (les personnages) imposent le respect, tu vois. On a envie de les laisser parler, dans la vie, je ne les crois pas trop, tu imagines pas que le discours il est possible ». Yoann (S-P-), qui était très réservé sur le pouvoir de la télévision et des hommes politiques confirme ses arguments : « La série accentue les différences, ils (les hommes politiques) ne sont pas parfaits dans la vie, ils ne sont pas très beaux, et ils parlent moins facilement. (…) Les gens peuvent être endormis par la télé bien sûr, mais ils ne se laissent pas faire, c’est pas comme s’ils n’étaient pas au courant des règles ».

Pour Pascale (S+P+), qui apprécie la politique, la série va dans le sens de son intérêt, ni plus, ni moins : « Je ne connaissais pas cette série. Je suis très contente, c’est à voir. Je pensais que ça allait être plus ennuyeux, parler des lois aux Etats-Unis, ce n’est pas très encourageant au départ, et puis on oublie le contexte, c’est assez drôle. Assez noble aussi, dans la présentation, le générique est un peu pompeux, mais on se sent à l’aise, on n’est pas pris pour des imbéciles, ça change aussi. J’ai trouvé ça très réaliste, parler du terrorisme et essayer d’en comprendre les cause, c’est le moment. (...) Moi, la politique me plaît, je trouve que pour une fois elle passe bien à la télévision, je n’apprends pas grand-chose, mais c’est juste bien de la voir mise en valeur, on se sent valorisé aussi ».

Ces confirmations représentent la majorité des contributions relatives à la formulation du jugement sur la politique, 25 personnes sur 43 ont ainsi reformulé leur première opinion recueillie lors des questionnaires individuels. Ces 26 personnes sont plus présentes en proportion dans les groupes qui ne portent que peu ou pas d’intérêt aux séries américaines de fiction. Il s’agit de Géraldine, Eric, Sylvie, Kim, Vanessa, Pascale et Philippe (S+P+), de Sylvie, Fernanda, Rodolphe, Dominique, David, Medhi et Yohann (S-P-), d’Anne-Marie, Nicolas, François, Bedia, Laura et Céline (S+P-), et enfin de Vanessa, Matthias, Emmanuelle, Walter et Michel (S-P+). Il n’existe pas de profil culturel ou social qui se dégage en priorité de ces personnes.

Dans ces deux profils d’influence, les interviewés en viennent à approfondir leurs opinions antérieures sur le politique. Ces approfondissements de positions sont élaborés grâce aux messages médiatiques de la série, aux discours politiques des personnages qui servent à objectiver des arguments d’opposition ou d’affirmation de la part du spectateur. « Je ne me laisse pas prendre d’habitude par le côté réaliste, et là, peut-être que ça parle de politique, je ne sais pas, j’ai bien aimé. La série permet de s’intéresser bien plus à la politique qu’on ne le fait aujourd’hui. (…) J’avoue que j’aime bien l’envers du décor dans la politique, mais là, c’est exactement ce qui me touche, en plein dans le mille. Je pensais que j’étais le seul dans ce cas, je vais pouvoir aller plus loin », nous dit Bruno, du groupe S-P+. Pour Julie (S-P-), qui avait lors des questionnaires fait simplement part de son désintérêt pour la politique, tout en restant réservée, le déroulement de l’entretien lui permet d’aller plus loin et de renforcer son opinion : « Je n’ai pas attendu la série pour avoir un avis, je suis jeune, mais je sais des choses. J’aime bien comprendre le monde, c’est la politique pure qui me donne des boutons, des types qui se battent toute la journée, pour savoir lequel sera gagnant, c’est déprimant. (…) La série montre des hommes courtois et dévoués jusqu’au trognon, c’est moins sûr dans notre réalité à nous. Il suffit de voir le gouvernement qu’on a en ce moment. Les types ont changé X fois de ministères, ils passent d’un sujet à l’autre pour respecter une hiérarchie de copinage, ce n’est pas très beau à voir ». Sébastien, du même groupe, renforce lui aussi son mécontentement : « C’est vraiment ignoble. Je vous assure, on dirait une publicité d’une heure pour le pays, pour l’Amérique. Ils n’arrêtent pas d’encenser leur rôle de sauveur du monde. Si on les écoute, ce sont eux qui vont venir à bout du terrorisme, il n’y a qu’eux qui détiennent la solution, tout ça parce que chez eux, il y a les hommes les plus intelligents et les plus patriotiques (…) Je trouve ça incroyable, je pensais pas que la politique allait aussi mal, j’ai encore moins de respect pour elle après ça ».

Ces approfondissements sont représentés par 12 entretiens parmi les 43 réalisés. Il s’agit des entretiens de Corentin, Clément, Julien et Laurence (S+P+), Julie et Sébastien (S-P), Benoît et Fanette (S-P+), Guillaume, Véronique, Hélène et Bruno (S+P-). Ceux qui renforcent leur opinion sur le politique font en majorité partie d’un groupe qui porte de l’intérêt aux séries américaines de fiction. Il s’agit aussi en majorité d’hommes au niveau culturel élevé.

Ce profil se propose d’accommoder son jugement antérieur sur le politique, de l’adapter dans le discours à ce qu’il a découvert lors du visionnage d’Isaac et Ismaël. Ces réajustements sont notamment dus au caractère ouvertement politique du contexte de la série. Nous avons vu qu’elle était un des premières à se situer au cœur des coulisses politiques américaines, d’autres ont suivi depuis, mais certains spectateurs ont pu trouver cet épisode agréable à regarder, « séduisant », ainsi que la vision qu’il réussit (ou non) à donner du personnel politique. Des personnes interviewées ont pu alors manifester un intérêt moins bas pour le sujet après la séance de visionnage, et même laissé entrevoir une curiosité accrue, une légère stimulation de cet intérêt.

Pour Marielle (S+P-), « Les auteurs des séries ont bien progressé dans leur écriture des personnages, ils sont de plus en plus attachants et humains, on a envie de faire un bout de route avec eux, ça fait beaucoup de héros quand on pense au nombre de séries que je regarde, mais j’aime bien, il y en a pour tous les styles, je m’attache très vite à eux, comme des vieux amis qu’on aime retrouver. Ils nous influencent parfois, dans leur manière d’agir, on se demande toujours si on aurait agi de la même façon, et de la à les imiter parfois, ça me paraît possible.(...) Là, je ne pensais pas que je pouvais être intéressée par une série politique, et j’ai adoré ça, il suffit de peu de choses finalement pour vous faire aimer ce milieu ».

Gregory, du même groupe, pense qu’on « doit se prendre pour un homme politique à force de regarder. C’est bien que les séries cherchent à nous montrer ce qui se passe, ou comment ça se passe, je trouve ça plutôt rassurant. (…) Si on les comprend mieux, on aimera plus nos hommes politiques à nous, on se rend pas toujours compte du travail qu’ils ont et de leurs responsabilités, la série donne envie d’avoir les mêmes, je vais changer d’orientation (rires), non, mais sérieusement, la politique remonte dans mon estime ».

Quant à Nathalie, elle « espère que ça (la série) va créer des vocations, on doit aussi mieux comprendre le monde, autant du côté américain que du nôtre. (…) Il faudrait être exposé un bout de temps, j’imagine, pour qu’il se passe quelque chose. À voir. Moi, cet épisode a suffi, il faut que vous m’en laissiez d’autres. Ça fait un moment que j’ai envie de créer une section politique dans mon blog sur Internet, pour discuter, là, ça peut être une bonne entrée en matière. Se servir de la série pour discuter du monde, de la politique aussi, c’est nouveau pour moi ».

Alice (S+P-), enfin, trouve que la série « donne envie d’avoir des cours de politique. On en a pas eu à l’école, enfin pas vraiment, ça a manqué je crois, c’est aussi une des raisons de l’attitude des jeunes aujourd’hui. On a jamais senti que c’était pour nous aussi la politique, que ça pouvait nous toucher. La télévision, les jeunes la regardent, et si je peux apprendre la politique grâce aux séries, je suis d’accord, c’est un bon plan, même si ça se passe aux Etats-Unis, ça parle du métier avant tout, je crois. Cette politique-là, en tout cas, elle me plaît ».

Nous pouvons recenser 6 réajustements parmi les 43 entretiens dont nous disposons. Il s’agit des entretiens de Marielle, Anne, Alice, Nathalie et Grégory pour le groupe S+P-, et de celui de Sandra, du groupe S-P-. Ces profils sont représentés en majorité par des femmes, plus jeunes que la moyenne des femmes interrogées, étudiantes pour la plupart, au niveau culturel assez fort, et qui font partie d’un groupe qui ne porte que peu ou pas d’intérêt pour la politique. Le profil de Sandra fait néanmoins exception, comme celui de Grégory. Sandra, elle, est éloignée du flux politique. Elle ne regarde pas la télévision, encore moins les informations, elle ne connaît pas le monde politique et ceux qui font partie de l’institution. Elle découvre ce monde en partie lors du visionnage de la série qui fait dérouler son récit au sein de la Maison-Blanche. Son opinion sur la politique s’ajuste ainsi naturellement à partir des images qui lui sont montrées. Quant à Grégory, c’est un homme jeune, peu diplômé, qui découvre pendant le visionnage à quel point il est exclu du dialogue politique. Cette découverte qu’il prend d’abord avec dérision lui fait réajuster son opinion, il trouve sa position trop médiocre et souhaite désormais s’intéresser plus à ce monde qui le rejette.