Section 1 : Etape d’identification.

L’approche utilitariste néoclassique est largement utilisée dans la littérature. Elle considère le bien-être comme fonction de la seule utilité. L’utilité est la seule « chose » de valeur intrinsèque16 dans le sens où elle représente les préférences des individus. Dans cette perspective, un niveau d’utilité donné reflète la satisfaction ressentie. La transposition des préférences en une fonction d’utilité permet ainsi la construction d’une métrique ou échelle de satisfaction.

Toutefois, le passage de l’espace des préférences à la métrique d’utilité repose sur un certain nombre d’hypothèses. On considère ainsi que les individus sont tous identiques. En d’autres termes, on les traite tous de la même manière : même comportement, même fonction d’utilité. Il faut dire aussi que l’approche utilitariste  “évite la formulation de jugements qui ne cadrent pas avec le comportement de l’individu17. Un comportement qui est qualifié de rationnel dans la mesure où il va dans le sens de la maximisation de l’utilité. Les individus poursuivent uniquement leurs propres intérêts. L’égoïsme devient le seul guide des choix.

L’idée de représenter le bien-être par la seule fonction d’utilité laisse attribuer un rôle central aux biens et services consommés dans la satisfaction des individus. Le bien-être se manifeste à travers la consommation des biens et services au cours de la période. Il sera alors non surprenant de choisir le niveau des dépenses courantes comme un indicateur de bien-être. On reviendra sur ce point concernant l’indicateur de bien-être, lorsqu’on abordera le problème d’identification au cours de la deuxième sous- section.

La privation, qu’on a définit comme étant “un manque de bien-être par rapport à un niveau minimum, fixé suivant les normes de la société” est contingente à la définition du bien-être retenue. Ainsi, les fondements théoriques, offert au sein de la théorie néoclassique utilitariste, permettent de retenir comme définition de la pauvreté celle qui repose sur le niveau des dépenses. Est considéré comme pauvre tout individu dont le niveau des dépenses est inférieur à un certain montant jugé comme seuil à la satisfaction des besoins essentiels. C’est à dire qu’on passe d’un seuil d’utilité à un seuil de dépenses qui lui correspond. D’autres détails seront donnés plus en avant, on note tout simplement la difficulté qui se pose dans le choix du seuil d’utilité.

L’évaluation de la pauvreté se construit essentiellement sur deux niveaux : un niveau individuel et un autre collectif. L’objet de ce paragraphe est de traiter le problème d’identification au niveau individuel. La tâche revient à détecter les individus défavorisés. Pour savoir si une personne est pauvre, il faut au préalable définir un indicateur de bien-être. La démarche se résume en deux points :

i- La construction d’un indicateur de bien-être. Sur le plan pratique, deux classes d’indicateur de niveau de vie sont possibles : les indicateurs monétaires et les indicateurs sociaux. L’utilisation des indicateurs sociaux apporte un complément d’information sans mettre en cause l’utilité des indicateurs monétaires.

ii- L’identification proprement dite. La construction d’un seuil de pauvreté permettra de se prononcer sur les situations individuelles.

Un certain nombre de problèmes persistent à l’étape d’identification. Outre la définition d’un indicateur de niveau de vie, nous serons confronté à un débat sur la nature de la pauvreté : relative versus absolue. Ce débat va conditionner la construction de la ligne –ou le seuil - de pauvreté.

Notes
16.

A ce niveau Sen précise :“Welfarism in general and utilitarianism in particular see value, ultimately , only in individual utility, which is defined in terms of some mental characteristic , such as pleasure , happiness or desire” Sen (1992, page 6)

17.

Ravallion (1995)